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Et Si On Parlait Du Marché D’intérêt National (m.i.n) De Diamniadio ?

Le M.I.N de Diamniadio est une mine d’emplois pour notre pays. Noyé dans une vague d’informations isolant le Sénégal de ses urgences sociales, il mérite des interrogations légitimes au moment où l’employabilité des jeunes est devenue un problème préoccupant.

Le M.I.N est «un service public de gestion de marchés dont l’accès est réservé aux producteurs et aux commerçants, qui contribue à l’organisation et à la productivité des circuits de production des produits agricoles et alimentaires, à l’animation de la concurrence dans ces secteurs économiques et à la sécurité alimentaire des populations».

En effet, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent, investir dans le capital humain se pose comme un impératif national pour lutter contre le chômage des jeunes et la précarité des couches sociales les plus vulnérables.

Le M.I.N de Diamniadio, lieu de négoce du commerce de gros, est un écosystème composé de professionnels (producteurs, grossistes, transformateurs, acheteurs etc.) qui interagissent et contribuent à son dynamisme et à son évolution. Il permet aux entreprises et aux incubateurs d’entreprises de mutualiser leurs savoir-faire afin de renforcer leur position sur le marché africain.

Dans la perspective de la naissance de la Zone de libre-échange continentale africaine, le M.I.N de Diamniadio s’offre une opportunité d’être le fer de lance d’une économie pourvoyeuse d’emplois pour les jeunes dans tous les secteurs d’activités économiques.

«Créer un marché unique pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain et conformément à la vision panafricaine d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique telle qu’énoncée dans l’Agenda 2063», tel est l’objectif affiché de l’Union africaine.

Avec le modèle économique du M.I.N de Diamniadio qui fera école, cette vision de l’organisation panafricaine déjoue les pronostics des économistes libéraux qui ont pensé et repensé une Afrique des économies orientées de l’extérieur par l’extérieur pour la satisfaction des besoins de l’extérieur.

En effet, la vision linéaire de la croissance économique en cinq étapes formulée par Walt Whitman Rostow, devenue une bévue théorique, a montré ses limites dans notre pays où l’on cherche la rampe de l’émergence économique dans une congruence adéquate entre le capital humain et les secteurs primaire, secondaire et tertiaire.

Le M.I.N de Diamniadio y participe, décloisonnant ainsi ces trois secteurs dans une approche globale au service de l’emploi des jeunes.

Ainsi, le M.I.N de Diamniadio, laboratoire de formations professionnelles spécifiques, offre une surface de 24 hectares dont 40 mille m2 d’entrepôts. A ce titre, il peut s’enorgueillir d’avoir :

-137 magasins (avec ou sans chambres froides, avec des bureaux), 2 chambres froides communes de 375 m2, 8 chambres froides communes de 100 m2 sur la gare des gros porteurs, un laboratoire sanitaire et un restaurant collectif.

Des aménagements complémentaires ont été prévus pour la seconde phase du M.I.N ; celle des produits carnés adossés au pôle de transformation.

Mais rien n’empêche aujourd’hui dans la première phase d’exploitation du M.I.N de commencer par la transformation des produits agricoles en attendant la phase des produits carnés. Les entrepôts s’y prêtent sous réserve du respect des normes d’hygiène et de sécurité alimentaire.

Ainsi, les légumes surgelés achetés dans la grande distribution au Sénégal n’ont plus besoin de quitter l’Europe pour remplir nos assiettes. Le consommer sénégalais mis en place par le regretté Docteur Thianar Ndoye refait surface avec l’arrivée des grandes surfaces dans nos grandes villes.

Quelles sources d’emplois devrait-on alors dénicher pour le rayonnement international du M.I.N de Diamniadio dans une synergie forte entre l’agriculture, l’industrie et les services ?

Si la première fonction d’un M.I.N est d’assurer un juste prix des productions agricoles locales, il garantit en même temps la rémunération la plus haute possible pour le producteur et la plus accessible possible pour le consommateur.

Sans aller chercher des produits dans le corridor céréalier tracé par le Pse, la zone des Niayes couve le M.I.N de Diamniadio à quelques encablures des vestiges de Bud-Sénégal. Ce potentiel agricole de proximité porte en lui-même les germes des métiers qui vont de la sélection des semences aux pratiques phytosanitaires respectueuses des Objectifs du développement durable.

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L’autre fonction du M.I.N est d’organiser la distribution locale des productions agricoles réduisant de manière drastique les intermédiaires qui vont du milieu rural au marché des grossistes de Thiaroye par exemple. Le consommateur y trouvera toujours son compte pour améliorer son pouvoir d’achat.

Enfin, la dernière fonction qui revient au M.I.N est de valoriser les productions agricoles par des unités de transformation prévues sur le site de Diamniadio.

La seule bataille qui vaille dans le développement du M.I.N sera avant tout celle de la logistique. Des métiers de conducteurs d’engins de manutention tous types, des techniciens en organisation de transport multimodal au management opérationnel des ateliers de production garants de la sécurité et de la qualité dans la technologie alimentaire y sont attendus ; autant de métiers émergents en formation initiale et continue qui convergent vers une exploitation optimale du site de Diamniadio.

En amont, de nouveaux métiers d’ouvriers agricoles verront le jour à la périphérie du M.I.N boostant l’économie locale du Jandeer au Jalaaw.

La raison penche aussi pour la mise en place d’une société de collecte des déchets du M.I.N dans le format de l’Unité de coordination de gestion des déchets solides (Ucg) qui pourrait en assurer la gestion dans une intercommunalité portée par la territorialisation des politiques publiques (Acte 3 de la décentralisation)

Comment ne pas souscrire à cette Zone d’activités des mécaniciens et professionnels de l’automobile (ZAMPA) de 147 hectares en chantier, située dans la commune de Dougar face à la route nationale tout près du M.I.N de Diamniadio, structure financée par l’Etat du Sénégal qui offre l’outillage nécessaire à la gare des gros porteurs in situ tout en fidélisant les camions faisant la navette entre Dakar et Bamako ?

Dans cette foulée, une réflexion sur le devenir de la formation professionnelle s’impose dans notre pays en rupture avec l’enseignement technique et la formation professionnelle à l’étalonnage des diplômes tels que le Cap, le Bep et le Bts. L’Université Amadou Makhtar Mbow, dans ses filières professionnelles, et les centres de formation professionnelle du Sénégal seront également au rendez-vous à proximité du M.I.N de Diamniadio, lui servant de bassin d’emplois directs et induits.

Ce nouveau paradigme prend sa source dans le «learning by doing» de John Dewey «apprendre par l’action», se déclinant par un système d’enseignement et d’apprentissage fondé sur les compétences critiques piloté par des moniteurs chevronnés. Le guichet 3 Fpt des jeunes non-diplômés est interpellé ici pour prendre sa part dans l’insertion professionnelle.

C’est toute une chaîne de valeurs qui se dynamise à chaque étape du processus menant vers le M.I.N pour faire émerger des métiers immédiatement disponibles dans le département de Rufisque. En témoigne le Plan alimentaire territorial élaboré par cette collectivité locale dont l’effet contagion dans les autres départements du Sénégal avec des Ong comme le Grdr et l’Ied Afrique ne se fera pas attendre.

L’effet conjugué de l’Acte 3 de la décentralisation et du Pse, placé sous l’angle de l’emploi des jeunes, nous amène donc au moins à trois interrogations :

-d’abord, quels sont les grands principes qui devraient guider le bon fonctionnement du M.I.N pour servir de vivier d’emplois ?

-Ensuite, comment développer une offre de services attractive sur le M.I.N pour renforcer le hub de services que propose le Pse ?

– Enfin, quelle méthode pour défendre au mieux les intérêts du Sénégal autour du M.I.N ?

I. Les grands principes gouvernant le fonctionnement du M.I.N de Diam­niadio

Il s’agit pour notre pays d’offrir un cadre juridique attractif aux producteurs locaux. Protéger le monde rural sans verser dans le protectionnisme économique devrait nous conduire à organiser nos agriculteurs en coopératives pour remplir les critères d’éligibilité d’acteur du M.I.N de Diamniadio.

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Le M.I.N est ouvert exclusivement aux grossistes. Divisés, les horticulteurs de la proximité de la zone des Niayes risquent d’être réduits à des sous-traitants d’un outil de commercialisation financé par l’argent du contribuable sénégalais. Les organisations professionnelles agricoles faîtières gagneraient à créer des groupements d’exploitants agricoles dotés d’une personnalité morale pour retrouver leur place sur ce marché.

C’est tout le sens du périmètre de référence que le Président Macky Sall doit définir par un acte administratif contraignant tous les acteurs économiques autour du M.I.N à observer les règles d’une concurrence saine. Ce périmètre de référence, à définir par décret, est l’espace autour du M.I.N sur lequel sont interdits le déplacement ou la création d’un établissement concurrent pratiquant la vente en gros de produits dont la liste devrait être fixée par arrêté interministériel. Il s’agit ici de protéger sur ce périmètre de référence les producteurs locaux du M.I.N contre le groupe de pression de la grande distribution. «Entre le fort et le faible, dira Lacordaire, la liberté opprime, la loi libère.»

La loi libère évitant que le M.I.N de Diamniadio ne devienne la centrale d’achats d’Auchan, de Carrefour ou de Leclercq qui doivent s’aligner derrière leurs organisations professionnelles comme le Conseil national du patronat.

En bonne logique, dans le Conseil d’administration du M.I.N, seuls doivent y figurer les représentants de ces organisations professionnelles et les représentants de l’Etat pour mettre davantage d’équité dans les règles de concurrence entre les différents acteurs de ce grand marché. La Chambre de commerce d’industrie et d’agriculture de Dakar y sera également représentée.

Usant de son pouvoir réglementaire, le Sénégal se doit également de confectionner un cahier des charges encadrant les critères d’attribution des surfaces sur le M.I.N et un règlement intérieur qui définira les horaires de vente, l’harmonisation des prix et les normes sanitaires.

La définition du règlement intérieur posera à cet effet un cadre propice au développement d’une offre attractive de services du M.I.N, gage de la durabilité des métiers émergents.

II. Quelle offre de services pour le M.I.N de Diam­niadio ?

Le capital humain autour du M.I.N se nourrit de la navette entre différents secteurs d’activités pour étoffer le tissu économique issu des échanges intra-branches.

En effet, la gestion et l’exploitation du M.I.N doivent d’abord permettre d’assurer la sécurité du site, des personnes et des denrées. Cette sécurité du site et des personnes passe par la présence de banques avec des coffres sécurisés de peur de mettre en péril la vie des grossistes qui manipulent beaucoup d’argent liquide. Quant à la sécurité des denrées, elle se traduit par un contrôle sanitaire rigoureux des produits sur le marché devenu un vivier d’emplois pour les vétérinaires, les spécialistes de la technologie alimentaire et des services d’hygiène.

Enfin, tout se ramène à la sécurité ; sécurité des chambres froides pour éviter la rupture de la chaîne du froid alimentaire. Des formations sur site ne sont pas à exclure pour les tâches d’exécution liées aux métiers de la maintenance industrielle.

Sécurité de l’environnement par l’organisation d’un tri sélectif des «déchets» des produits agricoles qui, en vérité, sont des matières premières à réinjecter dans le recyclage des résidus agricoles organiques pour une seconde vie dans notre écosystème. L’emploi appelle l’emploi au service de l’émergence économique de notre pays. Toutes ces activités nécessitent en amont des Sénégalais qui soient bien formés pour être immédiatement opérationnels.

Il s’agit ensuite pour le M.I.N de mettre en place une plateforme de commerciaux qui vont canaliser l’offre de productions locales, réduisant ainsi le maximum d’intermédiaires. Com­me sur les places boursières, à l’ère de la digitalisation, il nous faut juste un widgets ; cette application interactive qui permet en temps réel l’affichage d’informations sur les prix et l’accès aux services du M.I.N sur internet en passant par nos smartphones. Une telle application, créant un cercle vertueux de transparence partout dans le monde, permettrait d’éviter les abus de positions dominantes ou les ententes anticoncurrentielles pouvant naître d’une asymétrie d’information entre les différents acteurs sur le M.I.N. Ce qui n’est que justice.

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Le M.I.N est donc investi d’une mission de service public définie suivant un critère matériel en ce qu’il offre la configuration d’un partenariat public-privé déléguant sa gestion à une personne privée sous le contrôle de l’Etat. Quelles solutions pour le décollage du M.I.N ?

III. Quelle recette alors pour le lancement du M.I.N de Diamniadio ?

Pour une meilleure rationalisation de l’action publique, il convient au préalable de délimiter précisément la sphère de compétences de deux personnes morales de droit public : la Délégation générale à la promotion des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (Dgpu) et la Société de gestion des infrastructures immobilières publiques (Sogip). Au-delà ces services publics, le ministère du Commerce et des petites et moyennes entreprises a un rôle crucial à jouer, notamment dans le domaine de la réglementation des activités de vente et d’achat, via la direction du Commerce intérieur. Un comité de pilotage, en chantier, devrait voir le jour pour construire une synergie forte entre les différents maillons de la chaîne administrative.

Ce comité, sous la tutelle du chef de l’Etat pour les besoins d’un arbitrage, aura pour mission de formaliser le cadre de concertation en désignant ses membres et d’élaborer un schéma directeur qui permettra de définir le profil du futur gestionnaire du M.I.N.

Toujours dans cette dynamique, il faudrait d’ores et déjà penser à inviter le Port autonome de Dakar pour préparer les opérateurs import-export à l’ouverture du M.I.N de Diamniadio, L’Agence sénégalaise de la promotion des exportations (Asepex) jouera in fine sa partition.

Les Fonds à frais partagés de l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adepme) pourraient aussi venir appuyer par des subventions la formation continue les acteurs du M.I.N dans le renforcement des capacités de leurs employés.

Il faudrait en définitive un schéma directeur opérationnel qui ira au-delà de Diamniadio, incluant les maires des communes voisines.

Dans cette perspective, c’est le lieu de mettre à profit le Centre de formation professionnelle de Diamniadio pour préparer aux métiers du tri, de l’assemblage et du conditionnement des fruits et légumes. Diamniadio, étant dans une zone de proximité côtière, les produits halieutiques feront sans doute leur entrée avec des mesures phytosanitaires qui relèvent de l’exigence de qualité propre à assurer le rayonnement des produits «Made in Senegal» avec un label très vendeur.

Somme toute, ne faudrait-il pas un modèle économique viable pour amortir l’investissement de l’Etat du Sénégal ? Le M.I.N ne sera pas tout de suite rentable. Il sera tout au plus un escalier social et non un ascenseur social permettant ainsi d’amortir graduellement les 66 milliards de francs Cfa d’investissement de l’Etat du Sénégal sur ce marché.

Le rêve de ne plus exporter de la canne à sucre pour importer des bonbons et des haricots verts de la zone des Niayes pour importer des boîtes de conserve se traduit par cette audace dans l’investissement qui a fait naître le M.I.N de Diamniadio. Ce n’est pas un jeu de mots, le M.I.N est une mine d’emplois que nous tardons à exploiter. Lisez les deux lauréats du prix Nobel d’économie Théodore Schultz et Gary Becker, théoriciens du capital humain, Amartya Sen, prix Nobel d’économie et l’économiste pakistanais Mahbud ul Haq, auteur du rapport du Pnud de 1990, vous aurez suffisamment de paramètres pour mesurer à sa juste valeur l’apport nutritionnel riche des fruits du M.I.N de Diamniadio à notre pays le Sénégal dans la lutte contre la pauvreté et le chômage des jeunes. Et ces fruits ne seront que les meilleurs pour notre santé économique.

Docteur Daouda NDIAYE

Juriste, Docteur en Sciences de l’Education,

Secrétaire général de l’Association des Cadres

«Le Péey Lébu»

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