L’une des principales causes de l’échec des entreprises, des startups est une trésorerie insuffisante, malgré un résultat net parfois bénéficiaire. Aussi les investisseurs regardent-ils en premier l’état des flux de trésorerie plutôt que le compte de résultats pour juger de la pérennité d’une entreprise. Une vente de marchandises ou une prestation de services, même à crédit, est comptabilisée aussitôt qu’elle est réalisée. Cela peut entraîner un décalage entre la vente et le recouvrement, nécessitant le financement du besoin en fonds de roulement.
En plus de son besoin en fonds de roulement, une entreprise doit aussi financer sa croissance, ses investissements. Ce qui requiert de trouver des fonds dont elle ne dispose pas souvent. En Afrique francophone en général, au Sénégal en particulier, trouver ces fonds est synonyme d’emprunt bancaire. Or il existe d’autres moyens d’acheter ces immobilisations et ainsi pouvoir soutenir la croissance de son entreprise.
Autofinancement et gestion rigoureuse
Microsoft n’a commencé à verser des dividendes à ses actionnaires qu’en 2003, après 28 ans d’existence. Amazon n’a toujours pas versé de dividendes à ses actionnaires depuis sa création. Pourquoi ? Ces entreprises réinvestissent leurs bénéfices pour financer leur croissance. Je constate que beaucoup d’entreprises sénégalaises font le contraire : elles commencent à verser des dividendes dès qu’elles deviennent bénéficiaires.
De la même manière que retarder la gratification est un indicateur de la future réussite d’une personne (Cf. la célèbre expérience Walter Mischel sur les marshmallows), ne pas verser un dividende et préférer réinvestir les bénéfices dans l’entreprise pour financer sa croissance sont gages de la future réussite d’une entreprise.
Je n’interdis pas de verser des dividendes, mais en phase de croissance, une entreprise doit utiliser ses bénéfices pour s’autofinancer. Certains actionnaires ou associés ne le comprendront pas, ils mettront la pression pour que l’entreprise verse des dividendes. Cependant à terme, ils se rendront compte que c’était dans leurs intérêts : quand l’entreprise connaîtra des taux de croissance importants et une hausse de ses bénéfices.
Certaines entreprises ne sont pas structurellement déficitaires, mais connaissent des difficultés de trésorerie à cause de leur mauvaise gestion. Elles pourraient facilement dégager de la trésorerie si elles maîtrisaient leurs coûts : éviter les recrutements de complaisance, diminuer les coûts en éliminant le gaspillage.
Crédit-bail
Les immobilisations sont des investissements lourds qui permettent à une entreprise de croître et produire plus. Beaucoup d’entreprises ne peuvent les acheter au comptant. Cependant, le crédit-bail permet de se les procurer sans ruiner la trésorerie de l’entreprise.
Supposons que nous avons besoin de 10 voitures de livraison qui coûtent 50 millions. Sortir 50 millions d’un coup est difficile pour une entreprise sénégalaise moyenne. Le crédit-bail permet de financer ses immobilisations en déboursant une fraction du montant : en contrepartie, l’entreprise paie des loyers déductibles fiscalement et a l’option d’acquérir les voitures à l’issue du contrat.
De plus en plus de banques ou d’entreprises spécialisées offrent des services de crédit-bail au Sénégal. L’offre est là, il faut en tenir compte dans nos choix d’investissement. Nous n’avons pas forcément besoin de nous ruiner pour financer nos immobilisations. L’entreprise classique pense plus aux emprunts bancaires pour leur financement alors qu’elle dispose d’autres possibilités comme le crédit-bail.
Affacturage
Beaucoup d’entreprises vendent à crédit. Le temps de recouvrement du crédit, elles ont besoin de fonds de roulement pour leur exploitation. L’affacturage est un moyen de financer ce besoin en fonds de roulement.
«L’opération d’affacturage consiste pour une entreprise à faire appel à un organisme financier, appelé le factor, qui, dans le cadre d’une convention, achète les créances de celle-ci et se charge de les recouvrer auprès de ses clients débiteurs.»
Recouvrer les créances demande d’embaucher un personnel administratif, il est chronophage. L’affacturage dispense l’entreprise de tout cela : le factor se charge de recouvrer les créances, moyennant une commission. L’entreprise peut continuer de vendre à crédit, mais obtient les liquidités sans avoir à gérer le recouvrement des créances.
Il y avait une période où les entreprises sénégalaises se plaignaient que l’Etat ne réglait pas ses factures. Elles auraient pu utiliser l’affacturage pour renflouer leur trésorerie et éviter la faillite, considérant que l’Etat est un débiteur sûr.
Escompte
En plus de l’affacturage, l’escompte est un autre moyen d’améliorer sa trésorerie. «L’escompte est une opération de crédit par laquelle le banquier met à la disposition de l’entreprise porteuse d’un effet de commerce non échu, contre remise de cet effet, le montant de l’effet diminué des intérêts et des commissions.»
Les effets de commerce – lettres de change, billets à ordre – donnent la possibilité au débiteur de payer dans un délai maximum de 90 jours. Pendant ce temps, l’entreprise créancière doit financer son exploitation. En escomptant ses effets de commerce, elle peut obtenir de la liquidité et améliorer ainsi sa trésorerie.
Introduction en Bourse et émission d’obligation
Mon mémoire portait sur l’introduction à la Brvm de Total Sénégal qui était la troisième entreprise sénégalaise à s’y coter. Cette frilosité pourrait s’expliquer par un culte du secret qui n’a plus lieu d’être en 2019. Je vois beaucoup d’entreprises au Sénégal qui ont le potentiel de s’introduire en Bourse (Sedima, Port autonome de Dakar, Poste Sénégal, Cse).
Total avait obtenu une prime d’émission de 3 milliards 190 millions. Et dans son prospect aux actionnaires, elle évaluait le montant de ses investissements à 2 milliards 457 millions. La prime d’émission obtenue couvrait 1,298 fois le montant de ses investissements. L’introduction à la Bourse permit à Total de financer sa croissance, sans endettement. Si elle s’était financée par emprunts, disons à un taux de 7,3%, elle aurait payé 179 millions 361 mille d’intérêt annuel. C’est pour cela j’intitulais mon mémoire, «Avantages d’une introduction en Bourse : cas de Total Sénégal». S’introduire en Bourse comporte des avantages dont doivent profiter les entreprises sénégalaises. Le processus est lourd, la gouvernance devient plus compliquée, mais ses avantages l’emportent sur les inconvénients.
A côté de l’introduction en Bourse, il y a l’émission d’obligations qui permet de financer les investissements lourds pour les entreprises remplissant les critères. Une obligation est un titre de créance qui donne droit à des coupons pour les créanciers. A la différence de l’emprunt indivis, les titres sont achetés par des centaines ou milliers d’investisseurs et permet de récolter plus d’argent pour les entreprises (la valeur nominale minimale de l’émission est de 500 millions à la Brvm). Pour les entreprises bien notées, elle peut être une solution intéressant pour financer sa croissance.
Capital-investissement
De plus en plus de capital-investisseurs s’installent au Sénégal pour financer les startups. Je constate une certaine frilosité des jeunes pousses sénégalaises à en profiter. La plupart des entreprises technologiques se sont financées via les capital-investisseurs. En plus de leurs financements, ils apportent aussi leur expertise. Beaucoup d’entreprises technologiques ont de belles idées, mais n’ont pas l’expérience et la rigueur dans la gestion. C’est ce déficit en expérience et ce manque de rigueur qui entraînent leur faillite.
Si notre startup commence à croître, mais manque de financement, n’hésitons pas à nous rapprocher des capital-investisseurs : si l’idée est porteuse, ils n’hésiteront pas à nous financer, moyennant une prise de participation dans le capital.
Quand il s’agit de trouver des financements, la plupart des entreprises sénégalaises pensent aux emprunts bancaires. Or il existe d’autres moyens de financement disponibles : crédit-bail, escompte et affacturage. Ces moyens permettent à une entreprise de financer sa croissance et de trouver de la liquidité. Pour les entreprises de taille importante, l’introduction en Bourse et l’émission d’obligations permettent de trouver les fonds nécessaires pour réaliser de gros investissements. J’ai cité le cas de Total Sénégal. Les entreprises sénégalaises doivent oser la Bourse et cessaient d’être timorées par la perte de contrôle.
Moussa SYLLA
moussasylla@live.fr