Il y a de cela quelques mois, un député de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, déclarait avec assurance, sur un plateau de télévision, que bon nombre d’immeubles dans notre pays sont le fruit de l’argent de la drogue. Qui plus est, il avait clairement indiqué qu’il serait disposé à être entendu par le procureur de la République pour s’expliquer sur cette très grave révélation. Aucune suite officielle n’ayant été donnée à ses propos, il y a vraiment de quoi s’inquiéter de ce mutisme.
Toujours est-il que depuis quelques temps, on assiste à des révélations terrifiantes sur d’énormes quantités de drogues dures saisies dans notre pays, de trafic de faux billets de banques, de vols de munitions et autres pratiques de délinquance financière qui menacent assurément notre économie et de manière générale, les fondements même de notre société . Mais le plus inquiétant est que des personnes supposées crédibles seraient impliquées dans ces pratiques délictuelles .
Dès lors, il est à redouter que le pays lui-même soit classé dans cette catégorie des nations connues comme étant des plaques tournantes des blanchiments de toute nature. Il faut reconnaître tout de même, que nos différentes forces de sécurité sont constamment à pied d’œuvre pour traquer les auteurs de ces pratiques illicites . Ce dont il faut les féliciter, les encourager et louer leur engagement dans ce combat sans fin. Toutefois, le hic est que bien souvent, les mastodontes de ces trafics de drogue et autres activités délictuelles seraient bien loin d’être inquiétés, au même moment où, de petits délinquants usagers de chanvres indiens surpeuplent nos prisons. La démarche insidieuse avec laquelle on a libéré récemment et par le passé de présumés délinquants sur la base de prétextes on ne peut plus douteux, peut laisser penser qu’il existe un traitement réservé aux délinquants de haut niveau et un autre pour les délinquants de classe inférieure. Se pose dès lors, la problématique de l’équité quand à la manière de traiter les citoyens . L’équité doit être le socle sur lequel repose une justice.
L’équité, selon le Robert, consiste à traiter tout le monde sur un pied d’égalité. Alors que la justice est le pouvoir de faire régner le droit : elle punit et récompense. Un grand penseur affirmait à cet égard que « Le juge prononce selon le droit, l’arbitre peut juger en équité. Qu’y a-t-il donc au-dessus de la justice ? L’équité ». L’équité est le fondement de la démocratie dans toutes les nations qui ont choisi cette option politique. Aujourd’hui, l’actualité est marquée par une affaire de faux billets de banque découverts dans le véhicule d’un député, un membre donc de l’Assemblée nationale, cette institution là même qui vote les lois de notre pays. Sans préjuger de la culpabilité ou non du mis en cause, il est permis de s’interroger légitimement sur la promptitude avec laquelle on l’aurait libéré provisoirement, et qui peut donner raison à ceux qui pensent que ce dossier finira comme les autres qui l’ont précédé, dans les méandres des considérations relationnelles .
Dans le même chapitre de ces pratiques suspectes, l’on assiste sans réagir, à l’exhibition de ces détenteurs de mallettes d’argent contenant des dizaines, voire des centaines de millions de francs, ostensiblement exposées à l’occasion de certaines manifestations et dont les auteurs n’ont aucune activité connue pouvant générer autant de revenus. Si toutes ces pratiques relèvent effectivement d’activités illicites, c’est notre économie qui risque d’en être minée, ruinée, déstructurée, et l’impunité continuera allègrement de faire des émules dans les sphères de la délinquance financière. Notre jeunesse pourrait également en pâtir, car elle sera la cible privilégiée à qui sera offerte la possibilité d’accéder aisément à l’usage de stupéfiants de toutes natures, compromettant ainsi l’avenir de ce qu’ une nation a de plus sacré : Sa ressource humaine. Mais la plus grave menace dans cette situation est que tous ces vaillants agents de l’état, des forces de sécurité, de la justice comme de la douane qui traquent ces grands délinquants, quelquefois au péril de leur vie, se seront résignés parce que nargués, fragilisés voire démobilisés, à l’idée que finalement, il ne sert à rien de prendre des risques pour des délits qui ont de fortes chances d’être classés sans suite. Or, si la digue de protection institutionnelle s’effondre, c’est les fondements mêmes de la République, de l’Etat de droit et de la démocratie qui risquent de s’affaisser à travers un système de prévarication, de crimes et de trafic d’influence qu’il sera difficile d’éradiquer, une fois solidement enraciné. La boulimie de l’argent sale aura fini par gangrener tous les secteurs de la nation. Toutes les voix autorisées de notre pays ont l’obligation morale de porter ce combat, au risque d’être traduites devant le tribunal de cette maxime : « Pêcher par le silence lorsqu’on doit s’exprimer, transforme les hommes en lâches »