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Les Questions De Securite En Afrique Approche Du Specialiste Des Forces De Defense Et De Securite

Les Questions De Securite En Afrique Approche Du Specialiste Des Forces De Defense Et De Securite

A l’analyse, les questions de sécurité en Afrique s’inscrivent dans un cadre nouveau et procèdent en bonne partie des faiblesses de nos Etats dont ils sapent les espoirs d’émergence et minent la souveraineté. Elles nécessitent des réponses globales. Je remercie le Pôle de communication du Forum de Dakar de m’avoir associé à cette initiative conforme à l’ambition du Forum. Les questions de sécurité, que l’on m’a demandé de vous exposer, sont au tout premier rang des préoccupations de nos Etats. Les récentes réunions de la CEDEAO à Ouagadougou et de l’UMOA à Dakar  comme les initiatives de sécurité collective prises, à nos frontières avec le G5 Sahel ou dans le Bassin du Lac Tchad en témoignent. A l’analyse, les questions de sécurité en Afrique s’inscrivent dans un cadre nouveau et procèdent en bonne partie des faiblesses de nos Etats dont elles sapent les espoirs d’émergence et minent la souveraineté. Elles appellent des réponses globales. Après avoir tracé les contours de ce nouveau cadre, je parcourrai les questions de sécurité qui se posent à nos Etats avant de vous soumettre quelques axes de reflexion.

 1/ LE CADRE DES QUESTIONS DE SÉCURITÉ

Le concept de « sécurité humaine » est la toile de fond de l’analyse des questions de sécurité en Afrique. Le passage, au début des années 90, d’un monde bipolaire à un monde que les  Etats souhaitaient multipolaire a en effet été accompagné du phénomène de la mondialisation qui a provoqué l’apparition de nouvelles menaces et a fait évoluer la notion de sécurité.

Le Groupe de personnalités de haut niveau chargé  en Septembre 2003 par Koffi Annan de lui faire un rapport sur les menaces, les défis et les changements identifiait alors six types de menaces à la paix et à la sécurité, à savoir «  la guerre entre Etats ; la violence à l’intérieur des Etats (guerre civile, violation massive des Droits de l’Homme, génocide, etc) ; la pauvreté, les maladies infectieuses  et la dégradation de l’environnement ; les armes nucléaires, radiologiques, chimiques et biologiques ; le terrorisme et la criminalité transfrontalière organisée » fin de citation. Cet inventaire donnait corps au concept de « sécurité humaine » officiellement utilisé pour la première fois en 1994 dans le  Rapport du PNUD sur le Développement humain. 

Lors du Sommet du Millénaire Koffi Annan définissait la « sécurité humaine » comme, je cite « le droit pour l’être humain de vivre à l’abri du besoin, le droit de vivre libéré de la peur et le droit pour les générations futures d’hériter d’une planète où elles pourront vivre » fin de citation. Ce concept renforcé par celui de la « responsabilité de protéger » adopté lors du Sommet mondial de 2005 constitue le nouveau cadre d’analyse des questions sécuritaires en Afrique qui s’inscrivent donc dans les nouveaux paradigmes de sécurité humaine et de sécurité collective durable où sécurité nationale et sécurité internationale se retrouvent dans un continuum.

2/LES QUESTIONS DE SECURITE

21/ En Afrique, les faiblesses des Etats se traduisent par un déficit de contrôle de leurs espaces terrestre, maritime et numérique. Cette  faiblesse  accentue les deux questions de sécurité communes à tous les continents à savoir  la criminalité transfrontalière organisée et le terrorisme. 211/ Le déficit de contrôle des espaces est à l’origine de la criminalité qui sévit dans le domaine maritime africain. La responsabilité accrue de l’Etat en mer n’a pas été accompagnée d’un équipement en conséquence des marines nationales africaines.

Ainsi assiste-t-on depuis une dizaine d’années à un déplacement du centre de gravité de la piraterie de l’Asie du Sud Est vers l’Afrique plus particulièrement  le Golfe de Guinée. Par ailleurs la pêche illégale pose, à terme un problème  d’emploi des pêcheurs locaux et de sécurité alimentaire. Le déficit de contrôle de l’espace terrestre et numérique  favorise, quant à lui,  le développement  de la criminalité transfrontalière organisée. La drogue est le produit phare de ces trafics. Mais il ne faut pas perdre de vue la mainmise de groupes armés sur l’exploitation minière et forestière dans des Etats souvent exsangues qu’ils privent ainsi d’importantes recettes. La piraterie maritime et la criminalité transfrontalière s’appuient donc sur les déficits de contrôle des espaces  et contribuent à affaiblir les Etats en captant une bonne partie de leurs ressources régaliennes.

212/  Le terrorisme constitue quant à lui,  depuis les événements du 11 Septembre 2001 la première question de sécurité à laquelle sont confrontés de nombreux Etats de par le monde. Il y a un mois, lors de l’ouverture du Sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dédié à « la lutte contre le terrorisme », le président de la commission, Jean Claude Brou, dressait le bilan de la sécurité au Sahel, je le cite : « 2 200 attaques ces quatre dernière années, [les] 11 500 morts, des milliers de blessés » et « des millions de déplacés ».[1] Le niveau de propagation du terrorisme,  est également un indicateur des efforts entrepris pour améliorer les capacités des Etats à contrôler les espaces terrestre et numérique et pour réduire la pauvreté.

22/ Alors que les déficits de contrôle des espaces par nos Etats accentuent l’acuité des questions de sécurité  communes, leur fragilité de nos pays sécrète des problèmes  sécuritaires propres.

221/La fragilité politique recouvre les dysfonctionnements dans la dévolution du pouvoir et la gouvernance et l’absence de perspective d’alternance pacifique dans l’accès aux positions de pouvoir et aux avantages qui y sont liés. Ils génèrent un sentiment d’exclusion porteur d’instabilité intérieure. Au bilan, au sentiment de patrimonialisation de l’Etat par le pouvoir les groupes armés répondent par une privatisation d’une partie du territoire.

222/  A la fragilité politique que voilà s’ajoute la fragilité économique. La Banque mondiale avance à cet égard le concept de « corruption discrète » Cette exclusion économique et sociale, des plus pauvres, encourage les migrations. Le non emploi de la jeunesse, qui représente 47% de la population, se manifeste dans certains pays par  un développement notable de la   criminalité urbaine. Enfin l’exclusion se décrypte dans les disparités de développement, qui créent des fractures régionales et ethniques et nourrissent  les postures irrédentistes. Le Sénégal répond à ce défi par un programme d’égalité des territoires, le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers, PUMA en sigle.

223/  Ces fragilités politique et économique ont un impact sur la fragilité environnementale de l’Afrique. La fragilité environnementale est une question de sécurité en devenir qui procède des capacités limitées des communautés à s’adapter aux changements climatiques. Il est aujourd’hui admis que les changements climatiques font peser des menaces sur la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire et la sécurité des infrastructures situées sur le littoral. Quelques axes de réflexion.

3/ QUELQUES REFLEXIONS

Nous avons tous une image de la force du G 5 Sahel, brouillée par  l’attaque de son quartier général à Sévaré en juin 2018 et par les multiples réunions et plaidoyers des Chefs d’Etat sur la scène internationale pour  l’équipement des bataillons de cette Force. L’efficacité militaire attendue de cette force est subordonnée en tout premier lieu aux capacités économiques et financières des Etats. Aujourd’hui l’émergence de menaces protéiformes, a amené certains pays au Sahel à une augmentation significative de leur budget de défense. Malgré cela  les Etats africains, à part de rares exceptions, se caractérisent par des dotations incomplètes de leurs forces. Ces forces ont besoin d’un bond qualitatif pour pallier leurs  déficits capacitaires en mobilité, protection, soutien de l’homme et équipements spéciaux afin de prétendre au développement de leurs fonctions opérationnelles, telle  la fonction opérationnelle intégrante qui recouvre le commandement, le renseignement et les systèmes d’information et de communication. Ma seconde réflexion est que la défense en Afrique devrait s’inscrire dans une perspective de sécurité humaine qui nécessitera un décloisonnement des institutions sécuritaires et un élargissement de la formation des cadres en charge de la sécurité. Une synergie dans les cursus de formation des  acteurs de la sécurité publique, économique et environnemental devrait amener ces derniers à penser la sécurité de manière décloisonnée.

Enfin le  nouveau paradigme de sécurité collective durable où sécurité nationale et sécurité internationale se retrouvent dans un continuum doit inciter les Etats africains à approfondir leur coopération. A cet égard, un Agenda 2063 consacré exclusivement à la sécurité devrait être élaboré à l’instar de l’Agenda 2063 « L’Afrique que nous voulons, programme pour la transformation structurelle de l’Afrique ».

Une des sept aspirations de ce programme est d’être plus performante grâce à des investissements dans la science, la technologie la recherche et l’innovation.  Les Etats africains devraient mutualiser leurs efforts pour améliorer par ce biais le contrôle de leur espace numérique, se donner des moyens d’anticipation  et rattraper leur retard logistique.

En somme, il faudra penser la sécurité dans le cadre élargi de la sécurité humaine, faire faire un bond qualitatif à nos forces et  mutualiser les volontés pour rattraper les retards technologiques.

Je vous remercie

Général de Corps d’Armée (2S) Babacar  GAYE







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