L’élection présidentielle passée et gagnée par Macky Sall, la vérité du marché s’impose donc. Le prix de l’électricité subit une hausse de 6% à 10% depuis le 1 Décembre 2019.
Il s’agit nous dit-on, d’ajuster les tarifs pour que les consommateurs prennent en charge 6% du « manque à gagner » de « 12,191 milliards de FCFA correspondant à une hausse tarifaire de 26,3% » en Octobre 2019.
Mamadou Makhtar Cissé, ci devant ministre du Pétrole et des Energies, alors Directeur Général de la Senelec nous assurait pourtant encore en Février dernier que le « Plan Yessal » qui avait remplacé le « Plan Takal » de Karim Wade avait permis à son entreprise de réaliser des bénéfices annuels au cours des trois derniers exercices et de contribuer à hauteur de « 60 milliards au moins par an aux recettes fiscales et douanières ». Et de se vanter que son entreprise n’est devancée que par la Sonatel pour sa contribution aux recettes de l’Etat ?
Et les services du Directeur Général de la Senelec de « pitcher » aux journalistes que l’entrée de l’entreprise en bourse était à l’étude. De même qu’il était envisagé un investissement dans les télécoms étant donné qu’elle disposerait déjà d’un réseau de fibre optique couvrant tout le pays.
Mamadou Makhtar Cissé avait alors assuré aux Sénégalais que 600 milliards de FCFA avaient déjà été mobilisés pour contribuer au budget du « Plan Yessal » de 835 milliards. La Senelec avait contribué pour 125 milliards, l’Etat du Sénégal pour 23 milliards, la BOAD et la Banque Mondiale pour 25 milliards chacune et « le reste par d’autres partenaires institutionnels et privés ».
Aussi les médias se sont-ils enflammés : « la Senelec renait de ses cendres et affiche une bonne santé financière », avait titré l’un d’eux.
Mouhamadou Makhtar Cissé, « artisan de l’âge d’or de l’énergie au Sénégal », avait proclamé l’autre.
Jusqu’à créer un mythe : un Directeur Général « newlook », gestionnaire rigoureux autant qu’éthique, apolitique, préoccupé uniquement par la mission de service public de sa boite et par les objectifs à lui assignés par le PSE : « un prix de l’électricité parmi les plus bas de la sous-région (~ 60 à 80 FCFA/kWh) pour un soutien à la compétitivité économique ; diminuer de moitié la facture d’électricité des ménages ; et supprimer les coupures et les pertes associées d’ici 2017… ». Et de laisser même croire à une baisse prochaine des prix…
Tout ça n’était donc que propagande. Nous voilà rattrapés par la dure réalité
Nous apprenons maintenant de la Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse) qu’en fait aujourd’hui, la Senelec a un déficit de trésorerie de 70 milliards de FCFA qui se creuse au gré des fluctuations du baril du pétrole.
On en est donc à la situation de déficit chronique qui prévalait déjà en …1998 quand le régime du président Abdou Diouf s’était enfin résolu à envisager la privatisation de la boite.
En fait, il semble qu’on s’est juste contenté de réduire les 900 heures de délestages de 2011 et les ramener à 66 heures dès 2016. Mais à quel coût !
Il fallait dans un premier temps éviter au régime qui est arrivé au pouvoir en 2012 d’être confronté aux mobilisations sociales contre les délestages auxquelles le président Abdoulaye Wade a dû faire face de 2008 à 2012. Il fallait ensuite fabriquer une « success story » pour le candidat Macky Sall.
La Banque Mondiale dont on peut réfuter les politiques et les recommandations mais dont les diagnostics sont souvent pertinents, indiquait déjà en 2010 par la voix de sa Directrice Générale d’alors, Ngozi Okonjo-Iweala : «il y a beaucoup de problèmes de trésorerie, de gestion interne, de manque de transparence et d’efficience ». …La Senelec gagnerait à aller vers une bonne transparence dans la gestion des finances internes et dans le management. Pour cela, il faut une étude de l’entreprise».
On en est encore là, apparemment. Assurément, une gestion transparente et efficiente s’impose plus que jamais à la Senelec.
Moumadou Makhtar Cissé en sa qualité de ministre assurant la tutelle de la Senelec et de Directeur Général sortant de cette entreprise dont il est donc responsable au premier chef de la situation actuelle, devrait mettre un point d’honneur à réaliser deux choses pour regagner la confiance des consommateurs : réaliser un audit externe et faire de la Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse) une autorité véritablement indépendante.
Peut être que les Sénégalais pourront alors avaler cette pilule amère qu’est la hausse des prix de l’électricité.
Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily