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L’eco, Une Reforme Du Fcfa Toujours Au Benefice Des Multinationales Etrangeres

L’eco, Une Reforme Du Fcfa Toujours Au Benefice Des Multinationales Etrangeres

L’ECO est appelé à remplacer le CFA en juin 2020. Dans la vision légitime des Africains, cela doit pouvoir conduire à une émancipation économique de l’Afrique, comme pendant attendu de longue date de l’indépendance politique conquise dans les années 1960. Mais la concrétisation du rêve des panafricanistes partisans de l’abandon du franc CFA, à travers l’adoption de la future monnaie unique ouest-africaine, fait face à de nombreux obstacles et manœuvres de l’ancien colonisateur. Ce qui nous amène à nous demander qu’est-ce que l’Eco ? Est-il une sortie de la Françafrique ou un subterfuge pour annihiler la contestation du CFA ? En quoi va-t-elle consister? Dans quelles mesures va-t-elle être économiquement viable pour permettre enfin l’indépendance vis-à-vis des multinationales étrangères? Répondre à ces questions amène à revisiter l’histoire de la monétarisation en Afrique et à se positionner sur la réforme économique en cours, afin de faire des propositions constructives. Dans cette optique, l’ossature du présent article s’articuler en cinq partie : la première évoquera le contexte de la création du CFA, la seconde, celui de l’Eco, la troisième partie traitera de la politique monétaire de la CEDEAO dans l’optique de l’ECO ; la quatrième partie portera sur les critiques de l’Eco et enfin la cinquième partie s’appesantira sur les perspectives de l’Eco.

LE CONTEXTE DE LA CREATION DU CFA

Après la lutte pour les indépendances de 1960, les Leaders Panafricanistes ont procédé à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963, comme outil d’intégration politique et économique à l’échelle du Continent. Deux idéologies antagonistes ont caractérisé le modèle de l’Unité Africaine, d’une part le groupe de Monrovia ( du 08 au 12 Mai 1961) sous le leadership du Président ivoirien Felix Houphouët-Boigny qui prônait le panafricanisme minimaliste basé sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et la non-ingérence dans les affaires des pays membres (nationalistes). D’autre par le groupe de Casablanca (du 03 au 7 janvier 1961), conduit par le Président ghanéen Kwame Nkrumah, qui prônait les États-Unis d’Afrique à travers le fédéralisme[1].

Ainsi, l’OUA visait un double objectif, d’une part la décolonisation totale du Continent et d’autre part le développement économique de l’Afrique à travers son intégration. Le premier objectif fut atteint avant les années 70, tandis que le second étant un processus devait d’abord passé par plusieurs étapes. La nécessité impérieuse d’encourager, de stimuler et d’accélérer le processus de développement économique et social des États membres en vue d’améliorer les conditions de vie des populations, a conduit, le 28 Mai 1975, les Chefs d’États et de gouvernements de l’Afrique de l’Ouest à signer un accord multilatéral à Lagos (Nigeria), instituant la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)[2]. Mais la récession économique mondiale des années 80 viendra bouleverser les plans de la CEDEAO à travers les programmes d’ajustement structurel imposés le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale à ses États.

Certains Chefs d’États se sont montrés très critiques envers l’OUA à cause de son incapacité à protéger les pays africains de la crise économique et des crises socio-politiques. Partant des principes et objectifs énoncés par la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, diverses résolutions et déclarations ont été adoptées à Alger et à Addis-Abeba (Algérie 1968 et Éthiopie 1970, 1973), pour réitérer leur engagement de développer toutes les ressources humaines et naturelles du Continent. Ainsi, l’intégration économique est une condition essentielle pour la réalisation de leurs objectifs.

C’est dans ce cadre que le 03 juin 1991, un traité instituant la Communauté Économique Africaine fut signé et l’Afrique devient désormais le premier Continent à regrouper l’ensemble de ses États en une zone économique composée de huit (8) communautés économiques régionales (CERs), comme pilier de l’intégration économique, géographiquement réparties[3] : l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté des États Sahélo Sahariens (CEN-SAD), l’Autorité Intergouvernementale sur le Développement (IGAD) et le Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA). Malgré toutes ces réformes de l’OUA, l’institution panafricaine peine à assurer son rôle, en ce sens qu’au lieu d’unifier l’Afrique, les disparités politique, économique et sociale ne font que s’amplifier. Ce qui a conduit inéluctablement à sa dissolution le 9 juillet 2002 (en application de la déclaration de Syrte du 09 Septembre 1999[4]) et aboutit à la création de l’Union Africaine (UA) le même jour[5].

Tout au long de son existence, l’OUA a essayé la première idéologie mais s’est fourvoyée avec. Ce qui a été un cuisant échec et conduit à sa dissolution en 2002. Depuis sa création, l’UA est dans la mise en œuvre laborieuse de l’intégration régionale en Afrique. Sa réalisation serait la forme la plus aboutie du fédéralisme. En effet, selon Béla Balassa, l’un des grands théoriciens ayant schématisé le modèle d’intégration régionale européenne, l’intégration régionale consiste en un mouvement de rapprochement économique, politique et/ou social qui engage plusieurs pays au sein d’un espace donné[6].

Ainsi, pour lui, l’intégration régionale a six (6) niveaux :

1)la Zone de Libre-Échange (élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives à l’importation);

2) l’Union Douanière (zone de libre-échange avec une politique commerciale commune et tarif extérieur commun);

3) le Marché Commun (union douanière avec libéralisation des facteurs de production);

4) l’Union Économique (marché commun assorti d’une harmonisation des politiques économiques) ; 5) l’Union Monétaire (union économique avec monnaie ainsi que politique monétaire commune) et 6) l’Union Politique (ultime étape avec cession de souveraineté des États en matière de politiques économiques, sociales, etc.).

 Cependant, on constate que la CEDEAO est en avance sur les autres zones en matière d’intégration et qu’à l’heure actuelle, elle se trouve être à l’avant dernière étape avant l’intégration globale ou politique de sa région. L’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) dans l’espace CEDEAO ne couvre que 8 pays (à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) qui utilisent officiellement le Franc de la Communauté Financière Africaine (FCFA), qui est une monnaie commune héritée de la colonisation française en Afrique de l’Ouest[7].

Toutefois, le FCFA est géré par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de 1945 à nos jours mais la Banque de France est le deuxième acteur de ce système monétaire. Le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe garantie par la France. En contrepartie, les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français sur un compte rémunéré. Tous les ans, la Banque de France reverse les intérêts obligataires de leurs réserves aux pays africains. C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA[8].

Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise ainsi que la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, de brusques dévaluations ne sont pas possibles. De plus, le système permet des transferts de capitaux à l’intérieur de la zone monétaire libres et gratuits[9].

Perçu comme l’un des vestiges de la Françafrique, le FCFA suscite depuis quelques années des vagues de protestations qui appellent à un détachement catégorique de la monnaie africaine du trésor français pour une nouvelle monnaie qui sera indépendante et propre aux pays d’Afrique de l’Ouest. Le mot dévaluation est longtemps resté tabou. Mais, en 1994, Paris va imposer de façon unilatérale, sous la pression conjointe du FMI et de la Banque Mondiale, une dévaluation du FCFA qui lui a fait perdre la moitié de sa valeur).

Quant à la question de l’avenir de la zone franc, elle n’était abordée que dans les cercles restreints des économistes africains et des africanistes parisiens. Mais ces dernières années, les opinions ouest-africaines ont changé la donne, en même temps que la CEDEAO relançait son vieux projet monétaire datant des années 1980.[10] Car ce qui n’était qu’une perspective lointaine est devenu une actualité brûlante en fin 2017, lors du sommet de la CEDEAO à Abuja. Le communiqué final du sommet précise ceci : « les chefs d’État et de gouvernement ont réitéré leur ferme volonté à œuvrer à l’atteinte des objectifs des Pères fondateurs de la CEDEAO de doter la région d’une union monétaire en vue d’accélérer la construction d’un espace de prospérité et de solidarité.

 À cet égard, ils ont exhorté les États membres à prendre les mesures nécessaires pour le respect des principaux critères de convergence nécessaire à la mise en place d’une union monétaire viable et crédible. » La task force mise en place pour définir les mécanismes et les modalités de cette future monnaie est priée d’accélérer la cadence, ce qu’elle fait depuis lors, jusqu’à l’adoption début juillet 2019, du nom de la monnaie. Ce sera l’«ECO» la nouvelle monnaie de la CEDEAO avec un taux de change qui sera flexible [11].

Étant donné que la monnaie est un instrument essentiel de l’union monétaire que les États dotent à leur communauté pour atteindre les objectifs de l’intégration régionale, une union monétaire doit remplir un certain nombre de critères pour être viable.

CONTEXTE HISTORIQUE DE L’ECO

Avant de se lancer dans l’analyse de la reforme autour du Franc CFA, il est important de s’imprégner de son contexte historique et de ses évolutions progressives depuis sa création, en 1945. Nous dressons ici une brève historique de cette monnaie.

En effet, le Franc CFA est né de deux nécessités économiques, celle de contrôler le flux de capitaux circulant dans l’empire colonial français, et celle de “rationaliser” l’émission de monnaie dans les colonies françaises, qui a été progressivement confiée à des instituts d’émission privés et locaux voire laissée en jachère pendant la première moitié du XXème siècle et que les deux guerres ont fortement opacifiée.

En signant les accords de Bretton Woods le 26 décembre 1945, la France instaure le Franc des Colonies Françaises d’Afrique comme seule et unique monnaie légale des colonies en effectuant sa première déclaration de parité fixe (1 Franc CFA = 1.7 Francs Français) et restaure du même coup son autorité monétaire (via la Caisse Centrale de la France d’Outre-Mer)[12]. Entre 1980-1990, de grandes réformes de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) sont effectuées.

D’une part un élargissement géographique (avec la réintégration du Mali en 1984, l’inclusion de la Guinée Équatoriale en 1985, et celle de la Guinée-Bissau en 1997) et d’autre part, la dévaluation du FCFA de moitié en 1994. L’UMOA est reformée et affiche désormais des objectifs de coopération économique et de développement et devient l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine). En 1999 lors de la création de l’Union Européenne et avec le passage systématique à l’Euro, la France place la nouvelle parité fixe à 656 Francs CFA pour 1 Euro.

Dans cette nouvelle réforme, la limitation de l’inflation annuelle est de 3 %, la dette publique à 70 % du P.I.B dans le seul but d’homogénéiser la richesse produite dans la zone Franc. Assez paradoxalement, c’est dans la même période de rapprochement institutionnel et économique que les contestations se concentrent. Celles-ci atteignent un pic en 2015, lorsque deux hauts responsables politiques d’États africains critiquent ouvertement le Franc CFA et ses institutions jugées dépassées : Kako Nubukpo, alors ministre togolais chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, et le Président tchadien Idriss Déby[13].

Les grognes sociales ne font que monter. Il a fallu fin 2017, lors du sommet de la CEDEAO à Abuja pour que les Chefs d’État et de gouvernement de l’Afrique de l’Ouest prennent leur destin en main en initiant une réforme pour le passage à l’échelle de l’UEMOA et du FCFA (L’ECO a été adopté comme le nom de la monnaie unique de la CEDEAO).

 L’Eco vient de ECOWAS qui signifie: Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest CEDEAO. En Anglais, ça donne, Economic Community of African Startes (ECOWAS), on prend ECO et on laisse WAS ». Eco a devancé au choix, deux autres propositions Afri et Kola, sur l’ensemble des 13 propositions qui ont été présentées aux ministres. Son choix reposait sur les critères préalablement définis lors de l’appel à projet, lancé il y a plusieurs mois : l’identité de la CEDEAO (40%), la signification (25%), la facilité de prononciation (20%) et la créativité (15%)[14].

Sa mise en place est prévue en 2020 en remplacement du franc CFA (UEMOA) dans les huit États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Elle devrait aboutir à la fusion de deux zones monétaires actuelles, la Zone monétaire ouest africaine, initiatrice du projet et utilisatrice de monnaies nationales, et l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, utilisatrice d’un des deux francs CFA et qui a rejoint la démarche en 2013. Ce projet est concurrencé par celui de l’extension du Franc CFA (UEMOA) au Nigeria et à toute la région, franc CFA qui deviendrait donc une monnaie commune et stable pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest[15]. Selon certains analystes, la création d’une monnaie unique apparaît comme prématurée et aurait des conséquences incertaines. «Ce serait se lancer dans le vide »[16].

De son côté, Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au FMI (Fonds Monétaire International), estime qu’il « s’agit d’un choix politique » avec « les conséquences à subir par les générations futures[17] ». Les experts sont divisés sur l’impact que cela aurait sur l’économie de la région, en particulier dans les huit États membres qui utilisent le franc CFA.

LA REFORME DU CFA CONDUITE PAR L’UEMOA

L’UEMOA s’est donnée comme échéance la date du 1er juillet 2020 pour l’entrée en vigueur de l’Eco. Elle sera une monnaie flexible adossée à l’Euro et arrimée à un panier de devises. En effet, le 21 Décembre 2019, le Président en exercice de l’UEMOA, SEM Alassane Ouattara a annoncé que la réforme du FCFA concernera que trois changements majeur, à savoir :

 · Le Changement de nom (du FCFA à ECO). En juillet 2020, le FCFA deviendra ECO, qui est le nom choisi pour la future monnaie unique des 15 pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

 · L’arrêt de la centralisation de 50% des réserves des pays concernés au Trésor français. Deuxième point majeur de la réforme, la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France, une obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du FCFA. La BCEAO « n’aura à l’avenir plus d’obligation particulière concernant le placement de ses réserves de change ». « Elle sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix », selon la présidence française[18].

· Le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. La France ne nommera plus aucun représentant au Conseil d’administration et au Comité de politique monétaire de la BCEAO, ni à la Commission bancaire de l’UMOA, a expliqué l’Élysée [19].

On constate que la parité restera fixe entre l’Eco et l’Euro, comme cela a été le cas avec le FCFA (1 euro = 655,96 francs CFA). Il s’agit d’éviter les risques d’inflation (présente dans d’autres pays d’Afrique) a expliqué le président ivoirien Alassane Ouattara. Certains Ces économistes plaident pour la fin de la parité fixe avec l’euro et l’indexation sur un panier des principales devises mondiales, le dollar, l’euro et le yuan chinois, correspondant aux principaux partenaires économiques de l’Afrique. On note également que la France conservera son rôle de garant financier pour les huit pays de l’UEMOA.

Selon le Président Macron, si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France. Cette garantie prendra la forme d’une ligne de crédit. « Cette garantie évitera la spéculation et la fuite des capitaux », a justifié Alassane Ouattara.

CRITIQUES DE L’ECO.

De la parité fixe de l’ECO La parité d’une monnaie ou taux de change est le coût(autrement dit le prix) de cette devise par rapport à une autre. Le taux d’échange est fixe lorsqu’il est constant par rapport à une monnaie de référence (à l’Euro pour le cas du FCFA/Eco), par décision de l’État qui émet cette monnaie (France), quel qu’en soit l’état réel de l’économie. On ne peut pas avoir quelque chose qui est fixe dans un monde qui bouge.

 En effet, l’UEMOA à travers son Président en exercice Monsieur Alassane Ouattara vient d’avorter l’ECO avant sa création. Si les populations ont tant dénoncé le FCFA, il faudrait connaître les éléments qui constituent leurs revendications. Nous constatons à ce niveau que le problème du FCFA se situe d’abord au niveau de la parité fixe. L’un des arguments défendus par la France est le fait que la fixité permet d’éviter les risques d’inflation (présente dans d’autres pays d’Afrique)[20]. Cette parité fixe est pourtant l’une des caractéristiques du FCFA les plus critiquées par des économistes africains, selon lesquels l’arrimage à l’euro, monnaie forte, pose problème pour les économies de la région, beaucoup moins compétitives, qui ont besoin de donner la priorité à la croissance économique et à l’emploi plutôt que de lutter contre l’inflation.

 L’ECO va certainement profiter plus aux multinationales françaises si la réforme de l’UEMOA ne s’arrête qu’au niveau des trois points cités plus haut. En effet, selon le rapport de l’Enquête filiales DREE de 2002, il y’a 1260 filiales d’entreprises françaises implantées en Afrique Subsaharienne, soit 731 implantées en zone franc[21]. Parce que celles-ci sont dans un océan tranquille, sans aucune contrainte, chaque année, elles peuvent faire leur planification parce qu’elles savent que la valeur de cette monnaie ne changera pas. Les multinationales savent qu’elles vont gagner tant qu’elles rapatrient leurs capitaux sans qu’il n’y ait de perturbation dans leur bilan.

 Par ailleurs, elles ne sont pas dans l’obligation d’investir localement pour relever le niveau l’économie de la région puisque la monnaie utilisée n’a aucun problème et restera fixe quel qu’en soit les crises économiques auxquels l’espace CEDEAO serait confronté. Cela représente un réel problème pour l’économie des pays qui utilisent une monnaie fixe. C’est en ce sens que cette situation bénéficie plus aux entreprises étrangères qui sont mieux structurées et qui ont plus de capitaux que les entreprises locales. Ce qui permet bien évidemment à ces entreprises de tirer pleinement profit parce qu’elles sont dans un océan tranquille et que leur bénéfice tel qu’il est calculé sera réalisé sans aucun problème.

DE LA PARITE SEMI-FLEXIBLE

Une Parité est semi-flexible ou flottante lorsqu’elle est déterminée à chaque transaction par l’équilibre entre l’offre et la demande sur les marchés des changes. En ce sens que, si la demande dépasse l’offre, le cours augmente (sa valeur augmente). Une monnaie doit produire un effet yo-yo. C’est-à-dire qui monte et descend en fonction de l’offre et de la demande. Par exemple, lorsqu’on observe de près la monnaie nigériane (le Naira), qui perd et gagne de la valeur en fonction du marché, on constate que l’économie nigériane est très dynamique et est en bonne santé. La semi-flexibilité force les entreprises étrangères qui sont installées dans l’espace monétaire en question à respecter les standards du marché et les oblige à réinvestir une partie de leurs bénéfices dans le développement local pour que la monnaie ne puisse pas connaître une chute (une dépréciation). Mais à partir du moment où vous avez une monnaie qui est fixe, les multinationales ne prendront pas de risques comme elles engrangent le maximum de bénéfices (même en détériorant l’économie avec des mauvaises pratiques commerciales) malgré la crise économique. En effet, les accords de libéralisation permettent de transférer les bénéfices (capitaux) vers leurs pays d’origine (Europe, Amérique et Asie) sans aucune redevabilité envers la zone économique

PERSPECTIVES POUR L’ECO

Pour remédier à cette situation qui a trop perduré et qui retarde en grande partie, l’amorce du développement de la CEDEAO, la première solution serait de rendre la monnaie semi flexible à l’image de l’économie et ensuite multiplier les comptes de réserve. La monnaie est l’un des principaux indicateurs d’appréciation d’une économie. En effet le CFA qui va bientôt devenir Eco, a la même valeur partout dans l’espace UEMOA ce, même dans les pays qui ont une croissance économique négative. En effet, sur les seize (16) États composant la CEDEAO seuls six (6) pays (Cote d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Ghana, Bénin et Guinée) ont une perspective de croissance économique en 2019. Celle-ci doit être analysée en prenant en compte le poids économique du Nigéria qui représente environ 70% du PIB régional et tire le bilan vers le bas à cause de la baisse significative des revenus pétrolier[22]. Parce qu’il se trouve que le CFA est fixe et masque la performance des États Membres. Alors que la monnaie reflète la dynamique de l’économie d’un pays. Donc si on adopte une monnaie commune dans une zone de libre-échange, il faudrait la laisser flottante dans un intervalle semi-flexible. Par exemple la maintenir entre 500 et 700, et à partir de ce moment, elle ne doit pas fléchir en deçà de 500 ni monter au-delà de 700. Cela va nous permettre de rendre nos produits compétitifs et à ce moment les entreprises étrangères qui sont en train de maximiser leurs bénéfices sans grands efforts, se mettront dans la marche du développement local et s’occuperont de l’économie locale en réinvestissant pour que la monnaie ne puisse pas connaitre une dépréciation. C’est ce qu’il faut adresser lorsqu’on se met dans une démarche d’adoption d’une nouvelle monnaie.

En effet, la seconde perspective que nous proposons serait la multiplication des comptes de réserves en devises étrangères, principalement auprès des pays avec lesquels la CEDEAO échange le plus. Pour être plus explicite par rapport au compte de réserve en devise, cela veut dire que nous devons avoir par exemple auprès de la Chine un compte de réserve en yen, un compte de réserve en dollars américains aux États Unis, auprès de l’Europe et de ses pays membres, un compte de réserve en euros, et ainsi de suite avec les autres partenaires. Cela permettra de réduire les pertes de change en devise lorsque les États membre de la CEDEAO voudront effectuer des transactions. Comme ces derniers importent plus des pays hors Afrique, en ce qui concerne la nourriture, les médicaments, les matériaux de constructions, etc., cela est plus rentable. Les pays de la zone CEDEAO pourront directement acheter chez leurs partenaires étrangers sans pour autant subir les pertes en termes de conversion de devise de l’Eco à l’euro, au dollar, au Yen…

Pour démontrer l’ampleur des échanges et les pertes que les États africains accourent, il faut observer les statistiques de l’Organisation Mondiale du Commerce. En effet, les échanges intra-africains ne représentent que 8,7% tandis que les échanges commerciaux globaux qui concernent le niveau global des pays africains avec le reste du monde est à plus de 90%[23].

CONCLUSION

L’union monétaire constitue l’un des plus audacieux paris économiques et politiques de la CEDEAO. Pourtant, plusieurs obstacles entravent sa réalisation, dont entre autre le lourd passé colonial des États de l’Afrique de l’Ouest et leurs dépendances maintenues vis-à-vis du système monétaire français qui est le garant du FCFA. En effet, le FCFA est considéré comme un vestige de la colonisation et suscite depuis les années 90 des farouches protestations par les africains qui considèrent qu’il est à la base de leur sous-développement. Cependant, depuis 2017, les États membres de la CEDEAO ont ramené les questions du FCFA comme point important de discussions lors de leurs Sommet.

Par ailleurs, celui de juin 2019 fut décisif en ce qui concerne le projet de l’union monétaire et l’abandon du FCFA. Les Chefs d’états et de gouvernements de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont retenu « Eco » comme nom de la monnaie unique, avec 2020 comme année de mise en circulation. Dans ce même élan l’UEMOA, qui est la principale union monétaire de l’Afrique de l’Ouest s’est lancée dans une réforme du FCFA avec trois éléments qui vont concerner son abandon au détriment de l’Eco. De ce point de vue, les principaux effets attendus de la monnaie unique ouest africaine et de l’abandon du FCFA s’inscrivent dans les perspectives de renforcer la coopération régionale, la croissance des échanges inter-régionaux et, partant, la transformation structurelle (développement) à travers l’amélioration des conditions de vie des populations. Sur ce plan, la réforme monétaire engagée par l’UEMOA se base essentiellement sur l’aspect commercial de l’union monétaire et non sur l’aspect économique.

En gardant la même parité fixe, l’Eco héritera des mêmes avantages et inconvénients du FCFA. Ainsi, il ne faut pas reformer le système monétaire juste pour calmer les grognes sociales en occultant les efforts de développement économique à fournir. Il existe de bonnes perspectives à offrir à la nouvelle monnaie de la CEDEAO dans le sens d’une plus grande indépendance monétaire vis-à-vis de la France. Ceci, à travers une réforme monétaire structurelle qui va concerner le développement d’industries compétitives capables de booster l’économie ouest africaine, la multiplication des comptes de réserve afin de réduire les coûts de transactions liés aux différences de monnaie et l’intensification les échanges inter-régionaux. Toutefois, il est important de garder la parité semi-flexible (flottante) en fonction de l’inflation, avec un modèle fédéral de Banque Centrale et des mécanismes incitatifs pour le respect des critères de convergence macro-économique.

Haoua Moussa Dan Malam

Specialist in Governance and Regional Integration

Msc student at Pan-African University







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