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Franc Cfa, Le Jour D’après

Que deviendront tous ces experts autoproclamés en politique monétaire après la disparition du franc CFA ? Quand le débat devra bien finir par s’apaiser, et qu’il ne leur sera plus possible de se défausser sur la France pour expliquer la situation économique de ses anciennes colonies ? 

Faut-il s’inquiéter des conséquences de la fin du franc CFA sur le taux de chômage ? Non pas au sein des populations, tant les canaux de transmission monétaire dans nos économies informelles sont ambigus et tant les incertitudes persistent sur la configuration de l’eco, la future monnaie commune aux quinze pays de la Cedeao.

Mais plutôt parmi les « experts » du franc CFA. Analystes économiques sans formation en économie, spécialistes de « géopolitique financière » diplômés en informatique, « révolutionnaires » panafricains à passeport européen engagés dans la bataille contre « l’esclavage monétaire »…

Que feront-ils le jour d’après la disparition du franc CFA ? Comment gagneront-ils leur pain lorsqu’ils ne pourront plus attribuer la situation économique des ex-colonies françaises aux seules manigances de Bercy ? Et que la carte maîtresse du « pillage monétaire » n’obérera plus les analyses comparatives de la croissance économique en Côte d’Ivoire, ou des taux de pauvreté en RD Congo et au Cameroun ?

Jamais autant de phrases étranges n’auront été prononcées que lors des « débats » sur le franc CFA, véritable Béhémoth qui a assuré sa fortune à la France, provoqué la mort du colonel Kadhafi et engendré la crise ivoirienne de 2010-2011. Et dont la disparition rendra leur « fierté » aux populations africaines et « changera leur quotidien ». Pourquoi et par quels mécanismes ? Nul ne le sait.

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Les publications d’économistes professionnels n’ont pas manqué, qu’elles émanent du FMI et de la BCEAO ou de sceptiques comme les professeurs Kako Nubukpo et Mamadou Koulibaly. Et des analyses plus impartiales ont été avancées, mais combien de positions ont changé ? Difficile de le dire.

Le rôle des structures économiques héritées de l’ère coloniale

Reprenons quelques points simples plaidant en faveur d’une réforme. Les bienfaits de la stabilité de la monnaie et des prix sur la croissance et la compétitivité des pays en développement ne font pas consensus.

De même, la tendance générale est au repli des régimes de change à parité fixe. Dans les années 1960, plus de 80 % des pays en développement les avaient adoptés, contre un tiers ces dernières années, même si en Afrique cette proportion est restée stable depuis trente ans.

Enfin, la flexibilité du change peut obliger les entrepreneurs à plus de sagacité et d’anticipation. Idem pour les autorités publiques, ne serait-ce que vis-à-vis des investisseurs internationaux.

Analystes professionnels et décideurs publics minimisent la portée des imprécations d’activistes quant aux dangers posés par cette monnaie et aux bénéfices attendus de son remplacement. Est-ce raisonnable ? Depuis plusieurs décennies maintenant, et encore plus ces dernières années, il est répété aux 120 millions d’habitants de l’Uemoa et aux 51 millions d’habitants de la Cemac que leurs difficultés proviennent du régime monétaire « imposé » par Paris.

Ne sont-elles pas davantage dues aux défauts de gouvernance, à la faible productivité de la main-d’œuvre et à une insuffisante diversification de l’économie ? Il va sans dire que les structures économiques héritées de l’ère coloniale – dont le cadre monétaire – ont joué un rôle dans cette configuration. Mais avoir fait du franc CFA le moteur et le comble de ces difficultés n’est pas sans danger.

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Il faudra des décennies, avec ou sans l’eco, pour diversifier les structures d’exportation de nombreux pays de l’Uemoa, tandis que les indicateurs de gouvernance dans la zone restent proches des moyennes subsahariennes mais sont radicalement meilleurs que dans la Cemac.

Il y a fort à parier que la disparition du franc CFA ne changera pas grand-chose, dans l’immédiat, à la situation économique des pays concernés. Et comme s’ils le pressentaient, de nombreux contempteurs de la « monnaie coloniale » s’activent. Déjà, ils sont plusieurs à dénoncer « l’eco qui n’est que le CFA bis ». Des experts, vous dis-je…

Joël Té-Léssia Assoko est journaliste économique à Jeune Afrique et ancien chef d’édition de Jeune Afrique Business+. Ivoirien, diplômé de Paris-Dauphine et de Sciences-Po Paris, il suit le secteur de la finance en Afrique.







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