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La France Et Nous, Un Reset ImpÉratif

La France Et Nous, Un Reset ImpÉratif

Nous sommes à la croisée des chemins. Dans toute relation humaine ou inter-étatique, il arrive un moment où les circonlocutions ne marchent plus, seul un sursaut de franchise peut sauver la mise. C’est le point atteint par nos liens avec la France.

Nous en sommes à une étape cruciale où l’alternative qui s’offre est lapidaire : les changer en profondeur ou couler ensemble dans une alliance devenue impie…

Il y a urgence en la matière. Car ni sentimentalisme, ni émotivité, encore moins ruse ou soumission ne peuvent plus suffire à endiguer le flot montant en Afrique appelant à une remise à plat, pour les rendre plus équitables, dignes. C’en est ainsi pour une raison simple : les relations de nos pays africains avec la France ont cessé d’être supportables. Et le mal, l’exploitation, qu’elles charrient ont tout naturellement déclenché un phénomène de rejet si fort, sensible à fleur de peau, que seuls les aveugles suicidaires ne peuvent pas en mesurer la profondeur. 

Parapluie déchiré

On pouvait croire que la prise de conscience viendrait du sommet des Etats où les décisions ont toujours été prises pour définir la route dans le cheminement franco-africain. C’est hélas en cet instant décisif que les dirigeants des Etats francophones, se bousculant sous le parapluie déchiré de Paris, plus petits par leurs ambitions crypto-personnels et politiques, font tout pour en rater la portée. En clair, loin d’être des forces motrices du changement, ils se posent en obstacles, dont le principal souci, en relais de la puissance déclinante, est d’empêcher le surgissement du jour nouveau sans lequel aucun soleil durable ne pourra irradier les liens, désormais fragiles, unissant Paris à cette partie du continent africain dont elle fut longtemps le parrain tutélaire. 

Le rejet par les peuples africain de cette relation malsaine, déséquilibrée, faite d’exploitation par la partie exogène au détriment des autres n’a plus d’avenir. Plus révolutionnaires et instruits par la techtonique des plaques numériques, les peuples africains, dans leur immense majorité, n’en veulent plus, du moins telle qu’elle se présente. Et il n’est pas sûr que la grande masse des français ordinaires y trouve aussi son compte, parce que, non dupe, elle sait que le néocolonialisme n’est plus qu’une part du passé de leur pays. Son envie de voir autre chose que les méthodes Foccartiennes, mafieuses, entre copains et coquins, sur le dos des peuples, n’a jamais été aussi lucide. Les français savent que l’ère des Trente Glorieuses (1950 à 1980) quand tout fut facile est révolue et la quête de poches de croissance ailleurs, notamment en Afrique, reste illusoire si elle ne repose pas sur un socle de coopération mutuellement consentie. Dans l’immédiat, comme les peuples africains, victimes aussi des magouilles politiciennes, pour ne pas dire pouvoiristes déconnectées de leurs réalités, les français, ainsi que l’illustre la montée en leur sein des mécontentements, ne sont-ils pas toujours assujetis à ce que l’on dénomme des taux de croissance Raj, selon le concept associé aux taux de croissance traditionnellement très bas d’une économie Indienne naguère poussive avant que l’ancien Premier ministre Manmohan Singh ne les décoince à partir de 1991 ? 

Vendre, comme le fait le gouvernement français, à ses compatriotes, le rêve qu’ils trouveront en une Afrique nouvel Eldorado du développement mondial, les retombées nées d’une exploitation néocoloniale pour leur garantir un pouvoir d’achat devenu exorbitant, c’est donc les berner. A seule fin de pouvoir leur faire oublier les autres tourments qui agitent leurs nuits : le délitement, confirmé par le Brexit, du projet Européen, la prévalence du chômage durable et de masse et, davantage, le basculement de la géopolitique au détriment des vieilles nations européennes, comme la leur.

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Il y a trente ans, la France avait eu l’occasion d’engager une vraie réforme de sa coopération avec le continent africain. Souvenez-vous : c’était l’époque où les pratiques mafieuses sous la coupole du parrain Jacques Foccart furent violemment dénoncées. L’Afrique se réveillait, comme le reste du monde, à la démocratie pluraliste. C’était l’année 1990, celle des vents de l’Est, de la réunification Allemande, de la dissolution en marche de l’Union soviétique. Certes, le néolibéralisme devenait la recette pour gérer les économies nationales en vertu du consensus de Washington à la mode mais les peuples, requinqués, ne semblaient plus vouloir céder aux diktats des institutions financières internationales.

La volonté souveraine reprenait le dessus. Et la tempête était si forte que partout sur le continent les revendications démocratiques aboutirent via des conférences nationales et des élections plus transparentes à d’inédites alternances par les urnes. Le feu était si vivace qu’en Juin 1990, l’alors rusé président français, François Mitterand, ne se fit pas prier pour convoquer à la Baule, dans l’Ouest de la France, un sommet éponyme où sa seule proposition de valeur fut d’ocroyer une prime aux Etats africains qui se démocratiseraient.

Dans la foulée, on avait pensé que Paris allait desserer l’étreinte de son tango décapacitante, pour débloquer les souverainetés africaines qu’elle manoeuvraient pour maintenir sous son joug. 

Que nenni, le discours de gauche, suivant les pas d’un Gaullisme condescendant et ceux d’une droite réformatrice, ne fit rien pour changer la pratique d’une relation nourrie à la sève Foccartiste. Paris entendait rester ancrée au coeur du leadership et du destin des pays africains.

Trente-ans après la Baule, en Juin 1990, c’est ce lien vicié, compromettant l’idée même d’un vrai progrès, d’un développement endogène, des Etats africains, qui fait l’objet d’un légitime reflux -populaire et qui sait demain intellectuel et politique. 

Bouillonnement populaire

Le drame est que l’ampleur de l’enjeu ne semble pas être comprise ni captée par ceux qui sont aux commandes des leviers officiels de la relation franco-africaine.

Le bouillonnement populaire pour forcer un autre destin que celui d’un Franc CFA-Eco humiliant, la bénédiction par Paris des reculs démocratiques, constitutionnels, de ses valets aux pouvoirs, la tentation d’un contrôle plus accru sur nos économies, notre sécurité et notre vie politique, publique, ou encore la pauvreté qu’un si long compagnonnage a produite, sont les points de fixation mendiant une autre approche.

Or, ce que la France s’évertue à faire, s’inscrivant dans la dynamique du projet colonial, tel qu’officialisé conceptuellement lors de la conférence de Berlin sous Otto Von Bismarck en 1885, puis physiquement à Fachoda au Soudan en 1898 entre Britanniques et Français, n’est plus possible. Parce qu’un réveil des peuples africains est à l’oeuvre et dans divers coins de la planète, de la Chine à l’Inde, du Brésil aux USA, de la Russie aux pays du Golfe Persique, même en Allemagne, et demain dans la Grande Bretagne mondiale, les voix se feront de plus en plus vives pour exiger la fin de cet esclavagisme économique et politique qui fait se retourner dans sa tombe Victor Schoelcher, l’architecte français, en 1848, de l’abolition de l’esclavage humain.

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Ce qui est insultant, venant encore plus d’un Emmanuel Macron, l’actuel président français que l’on croyait plus ouvert, jeune, d’esprit et réceptif à la souveraineté des peuples africains, c’est son inclinaison à reproduire les anciennes méthodes en les enrobant d’un discours enjôleur, plus paternaliste que jamais. C’est sa tendance à se jouer de l’intelligence des africains qui le rend encore plus méprisable que ses prédécesseurs dont le mérite était au moins la crudité de leur volonté de faire main-basse sur l’Afrique.

Macron lui agit en panthère avançant doucement vers sa proie qu’il compte dévorer. Crument ! La forme, mise en place par des stratèges de la communication, ne lui sert que de décorum. Dans les faits, tout a changé en apparence pour demeurer sur le fond. Observons ses manœuvres : il coopte des noirs dans son cabinet, monte un Club présidentiel mixte par sa composition pour le conseiller, promet de restituer les objets d’arts africains, institue cette année, en Juin (tiens, tiens – 30 ans après la Baule !) une année Afrique en France, se rend en Côte d’Ivoire à Nöel 2019 pour prétendument souper avec les militaires français sur place mais en réalité pour planter une dague au coeur de la construction monétaire Ouest-africaine, celle sous l’égide de la Cedeao.

Cheval de Troie

Sur tous les plans, son édredon étouffe les pays africains. Il se fait le parrain d’une résolution Onusienne pour prolonger le mandat de la force multinationale en République démocratique du Congo dans le but d’avoir une mainmise sur ce pays riche en ressources naturelles. En Côte d’Ivoire, il fait cyniquement la courte échelle au président sortant, Alassane Ouattara, interdit de troisième mandat, pour en faire le cheval de Troie de ses projets, sans craindre de réveiller la guerre civile dans ce pays clé. Au passage, il y implante une académie de lutte contre le terrorisme, comme il en met une autre au Sénégal consacrée à la lutte contre la cybercriminalité, deux postes avancés de son espionnage. Régent, il a passé un marché de dupes avec tous les Africains prêts à soutenir la réussite de son plan de conquête, voire de reconquête, du continent : prêt à fermer les yeux sur les actes de malfaisance des officiels et de leurs prolongements à la condition que vous oeuvrez à la préservation du primat de la France !

Partout, à cette aune, les nouveaux réseaux de la France, moulés à la vieille école Foccartiste, sont de retour : dans ses chaînes de radio-télés ciblées sur les pays du pré-carré, dans les médias africains sous son influence, à Paris ou en Afrique, dans les gouvernements infiltrés, par ses entreprises qui raflent les marchés, via ses proconsuls modernes, comme Macky Sall, sans oublier le concours involontaire des populations démunies et réduites en spectatrices de la recolonisation en route.

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En se faisant la surprenante, louche, avocate, de la fin du franc CFA, la France complète sa stratégie d’asphyxie des pays africains. Elle tente, ce faisant, de tuer dans l’oeuf le projet d’intégration monétaire Ouest-africaine, comme elle le fit en 1994 de celle régionale qu’elle avait déstabilisée en instaurant une Union monétaire ouest-africaine (Umoa), contrôlée par elle, afin de faire pièce à la Cedeao.

Une remise à plat 

Plus grave, en plus d’y semer une zizanie déconsolidante, elle impose son imperium au coeur de l’agenda développemental africain, conçu au sein de l’Union africaine. Comme pour dire que rien ne se fera sans la France. Et elle lance un signal à des pays fiers de leur indépendance comme le Nigeria ou le Ghana, en prenant les devants sur la monnaie, les relations internationales africaines dans les opérations de maintien de la paix, la structuration de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité. C’est une manière de rappeler qu’elle entend, par le bilatéral et le multilatéral, comme pendant la guerre froide, rester en charge de sa sphère d’influence africaine d’où, en plus, elle veut déployer ses ailes pour l’étendre ailleurs…

A la vérité, ce que Paris est en train de faire en Afrique insulte l’Afrique et dicte un réveil de toutes ses forces vives pour s’y opposer : ses intellectuels cesseront-ils de nous entretenir de pensées stratosphériques sans prise sur cette recolonisation froide en cours ? ses politiques se réveilleront-ils de leur coma ? ses jeunes feront-ils l’effort de mieux coordonner le combat contre un pays plus vicieux et cynique, mercantiliste, qu’on ne peut le deviner ? L’autorité de ses forces vives, religieuses et sociales, reste si imperceptible qu’on se demande si elle réalise la gravité des défis en jeu…

Sous un tel glacial éclairage, c’est dire que trente-ans après la Baule, ce n’est pas d’un festival d’arts et de musiques, avec des tonalités consensuelles autour de l’Afrique puissance du 21ème siècle, dont la relation franco-africaine a besoin. 

Il est temps que ce soit le continent africain, au lieu de se faire sommer comme l’ont été les dirigeants des pays Sahéliens du G5 par un insolent Macron, qui convoque Paris à la table d’un dialogue novateur. 

Berlin et Baule ont enfanté le contrôle direct et indirect de l’Afrique. Il faut maintenant un Bamako, disons une conférence africaine, pour qu’enfin les yeux dans les yeux, ruses écartées, s’ouvre le départ d’une nouvelle relation. Obama aurait dit un Reset, une remise à plat. Parce que la ruse a assez duré, et nous savons, enseignés par la littérature française, que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.

Assez de l’arnaque dont la nouvelle monnaie de singe n’est que l’ultime manifestation caricaturale.

Sauf à vouloir n’être que le chef des nouveaux négriers, représentés par les adeptes des pacotilles bradant territoires et traditions africains pour t’aider dans ton projet colonialiste, Emmanuel Macron, entends-tu la rue africaine ? Il serait temps !

Adama Gaye est auteur de : Chine-Afrique : Le dragon et l’autruche, et Demain, la nouvelle Afrique et, à venir, Terreur au Paradis.







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