Au sein du dialogue national, c’est le branle-bas. Si ce n’est pas Mamadou Diop « Decroix » et Mamadou Lamine Diallo qui se crêpent le chignon et s’invectivent publiquement, c’est Famara Ibrahima Sagna et le Général Niang qui se frottent à travers des communiqués comminatoires ou des rappels à l’ordre. Et quid des vraies questions politiques ? Rien à part le report des locales sine die au profit du président Sall. C’est une imposture.
Le Dialogue national est miné par des querelles de posture qui risquent à terme de compromettre les résultats attendus et de dévoiler la véritable imposture à laquelle le président de la République a invité les membres composants. Quand, le 5 mars dernier, Macky Sall réélu a lancé la tenue d’un dialogue national pour réunifier les forces de la nation divisées par une élection très controversée en amont comme en aval, les leaders malheureux ont fait tôt de décliner une telle offre qu’il considère comme une instance de légitimation d’un président mal élu. Paradoxalement, le chef de l’Etat nouvellement élu propose de discuter sur une plateforme dont l’essentiel des points, articulé autour de la distribution transparente des cartes d’électeur par des commissions compétentes, de l’implication des partis et des structures de contrôle du processus électoral, de la poursuite de la campagne de révision exceptionnelle des listes électorales jusqu’au mois d’août 2018, avait été rejeté quand l’Initiative pour des élections démocratiques (IED) transmutée en Front national de résistance (FRN) l’avait proposé à quelques encablures de la présidentielle. Le président Sall avait opposé une fin de non-recevoir aux doléances du FRN au point faire un forcing le jour du vote de la loi sur le parrainage fortement controversée. La présidentielle s’est tenue sans consensus avec l’opposition sur ses modalités d’organisation. Seul le président a été le maitre du jeu.
Jeu trouble de Famara
Aucun des points de la plateforme du FRN n’a été pris en compte dans la tenue de l’élection de février 2019. Et voilà que le besoin de dialoguer devient subit une fois élu. Cela témoigne du manque de sincérité de cet appel au dialogue qui cache bien des desseins politiques inavoués. La commission politique souffre d’une tare congénitale. Sa naissance le 9 mai dernier avant sa mère c’est-à-dire le comité de pilotage du Dialogue national, montre que la véritable question qui importe le président Macky Sall, c’est celle politique. La preuve, le maitre d’œuvre Famara Ibrahima Sagna qui dirige le comité de pilotage du dialogue national (CPDN) a été installé, il y a moins d’un mois. Et voilà que les politico-dialogueurs, en sept mois de conclave, n’ont réussi que la prouesse de reporter sine die les élections locales. Et c’est avec fierté que le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, a annoncé ce report électoral avec l’onction de l’opposition. Et depuis que Famara a été installé, c’est la confusion, les polémiques, les querelles, les coups bas et les manœuvres cauteleuses.
Le premier couac avec le général Niang est intervenu quand il se susurrait que les décisions de la Commission politique passeraient par l’instance de validation du Comité de pilotage dirigé par Famara. C’est ainsi que dans un communiqué paru le 7 janvier dernier, la plénière de la Commission politique du dialogue national composée de la Commission cellulaire et des plénipotentiaires des pôles de la majorité, de l’opposition, des non-alignés, de la société civile, de l’administration, des organes de contrôle et de supervision des élections (Cena, CNRA), a soutenu qu’elle n’a de compte à rendre qu’au président de la République et à personne d’autre. Et nonobstant la dénégation d’une brouille entre les deux entités, il est avéré que le général Niang est resté intransigeant sur l’autonomie dont jouit la Commission politique au sein du Dialogue national. Et au moment où l’on se posait la question sur l’utilité de certaines personnes au sein de ces assises nationales version Macky, voilà que Famara ajoute « de son propre chef » 40 nouveaux membres dans le comité de pilotage du dialogue national où le consensus est une règle d’or dans toute prise de décision. Bien que critiqué par le FRN, le président du CPDN adopte une posture résipiscente qui laisse transparaitre une imposture dans le discours. Car il est avéré que le contingent des 40 nouveaux membres est un choix exclusif du maitre d’ouvrage Macky Sall et non une initiative personnelle du président Famara.
Decroix et Mamadou Lamine Diallo : le duel fratricide
Sur un autre registre, Mamadou Lamine Diallo et Mamadou Diop Decroix se sont donné en spectacle à travers des diatribes épistolaires. Le leader du Tekki avait dénoncé les 10 millions quotidiens qu’on gaspille dans le dialogue politique et les collusions qui y font florès. Ce qui n’a pas été du goût de Decroix qui n’a pas hésité sur sa page Facebook à dézinguer son « ami et compagnon du FRN». Et la gouaille, la gausserie et le persiflage n’ont manqué d’animer les échanges entre vieux compagnons du FRN. Pour le leader du Tekki, « Macky Sall veut élargir son camp pour rester indéfiniment au pouvoir, la présidence à vie. Son dialogue national doit entériner son » 5 3 5 » (cinq mandats à l’horizon 2035 pour la dynastie Faye-Sall), faire sauter le verrou de la limitation des mandats et étouffer le scandale des 10 milliards de dollars de Timis Corporation ».
Un tel missile a laissé sans voix le maoïste reconverti. Ce soupçon de deal de certains membres du dialogue politique dénoncé bien avant par Barthélémy Dias est corroboré par Lamine Diallo et Abdoulaye Wade qui étale ses divergences avec Macky Sall en suspendant la participation du PDS au sein du FRN. Famara, dans un accès de frénésie, n’a pas tardé à démentir le leader tekkiste au détour d’une déclaration allusive où il précise qu’il n’a demandé ni salaire ni budget et que tous les travaux se passent dans des locaux empruntés et non loués.
Finalement, le Dialogue politique révèle de plus en plus son vrai visage et ses réels soubassements. Plus de sept mois après le démarrage des activités, le seul acquis des politico-dialogueurs, c’est le report des élections locales au grand bonheur de Macky Sall qui a tout fait pour éviter une défaite dans les locales après avoir remporté avec « brio » la présidentielle. Ce qui anime l’espace du dialogue politique dans les médias mainstream et réseaux sociaux, ce sont malheureusement les crêpages de chignons et les passes d’armes entre acteurs et détracteurs du dialogue politique et par extension du Dialogue national. C’est, en tout point, une imposture.