À observer la scène politique nationale, on comprend mieux tous ces petits tracas, qui jalonnent le soi-disant dialogue national. Cette instance, dont on attend qu’elle traite de questions majeures de la marche de l’État, s’embourbe désespérément dans des détails insignifiants, comme des querelles de préséance ou le remboursement de frais de transport.
Il faut dire, que ses initiateurs manquent terriblement de vision et d’ambition et c’est cela qui différencie fondamentalement ce rassemblent hétéroclite des mémorables Assises Nationales de 2008 – 2009. Ces dernières voulaient remédier à la mal-gouvernance endémique, qui a toujours caractérisé le mode de gestion des pouvoirs publics depuis plusieurs décennies et procéder à une refondation institutionnelle bien comprise.
Le dialogue, version Benno Bokk Yakaar, quant à lui, a peu de chances de contribuer à la résolution de la crise sociopolitique manifeste que vit notre pays.
Premièrement, contrairement au parti socialiste et à l’AFP, qui avaient reconnu, durant les Assises nationales, des insuffisances dans leur long règne d’avant 2000, le processus actuel semble écarter toute approche critique et autocritique.
Il chercherait plutôt à blanchir une autocratie électorale coupable, depuis bientôt 8 longues années, des pires délits en matière de manipulation constitutionnelle, de fraude électorale et instrumentalisation de la Justice sur fond d’un autoritarisme avéré.
Ensuite, les divergences au sein de la vieille classe politique ne renvoient à aucune différenciation idéologique, aucune référence à des choix de société. Tant et si bien qu’on a du mal à percevoir ce qui oppose réellement les protagonistes de la classe politique, dont l’écrasante majorité a déjà été aux affaires. Pas étonnant dés lors que certains évoquent le projet de mise sur pied d’un gouvernement élargi à certains opposants, comme étant la finalité ultime du dialogue.
Enfin, les signaux, qui émanent du mode de gestion du pouvoir apériste, sont loin d’être rassurants. Nous constatons, en effet, une intolérance notoire n’épargnant même pas les militants du parti présidentiel, en pleine déliquescence. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’exclusion de Moustapha Diakhaté de l’APR, après son limogeage et celui de Sory Kaba
Il y a aussi la répression impitoyable à l’encontre des mouvements de jeunes activistes, qui dans le cas de l’exemplaire militant Guy Marius Sagna, frise la persécution cruelle.
Tous ces jeunes patriotes semblent vouloir s’émanciper de la classe politique traditionnelle victime de léthargie, d’absence de renouvellement et du non-respect des procédures au sein de leurs propres organisations politiques, souvent instrumentalisées pour assouvir les ambitions des groupes dirigeants.
Autre fait remarquable, cet esprit de sacrifice et d’abnégation dont cette génération montante fait preuve, transcendant la hantise de l’enfer carcéral de Rebeuss et qui manque si cruellement aux entrepreneurs politiques des temps nouveaux, si prompts à retourner leur veste, soit pour décrocher un strapontin juteux ou pour tout bonnement transhumer.
L’atmosphère politique est devenue si exécrable, qu’on se demande si notre pays, certes encore exempt de violences politiques ou de tout ce qui peut s’apparenter à une guerre civile, n’a pas davantage besoin d’une Commission Vérité et Réconciliation, en lieu et place d’un comité de pilotage du dialogue national.
Oui, assurément, notre pays est en danger, à cause de l’injustice et l’arbitraire qui y règnent, de la hausse du coût de la vie, de la remise en cause des libertés publiques, et des griefs crypto-personnels au sein de la classe politique…
Tous ces facteurs ajoutés aux risques induits par la découverte des nouvelles ressources naturelles font craindre une explosion sociale imminente, surtout compte-tenu de l’environnement sécuritaire précaire de la sous-région.
Face à cette situation préoccupante, le pouvoir en place ne semble pas prêt à réformer profondément sa gouvernance désastreuse et autoritaire, pendant que certaines franges de l’opposition se montrent très complaisantes à son endroit, fermant les yeux sur des abus de pouvoir manifestes.
L’impasse, dans laquelle se trouve notre pays, s’explique largement par le refus de Macky Sall et de ses alliés d’appliquer les conclusions pertinentes des Assises Nationales. Lesquelles découlaient d’un diagnostic minutieux de la situation politique de notre pays, qui ne pourra sortir de l’ornière que si les tenants du pouvoir acceptent de revenir à l’esprit de la charte de gouvernance démocratique, qui permet de garantir l’équilibre et la séparation des pouvoirs.
Il s’agira, en premier lieu, de mettre un terme à l’hypertrophie de l’institution incarnée par le président de la république et de séparer la fonction présidentielle de celle de chef de parti.
Il faudra aussi procéder à une réforme pertinente du code électoral (suppression du parrainage, réforme du mode de scrutin aux élections locales et législatives, pour rendre les élus plus indépendants) et mettre en place une haute autorité de la démocratie. Cette dernière sera chargée de veiller à l’adoption de critères pertinents de création des partis politiques et à la promotion de la participation citoyenne et du suivi du processus électoral.
Le pouvoir judiciaire doit s’émanciper de la tutelle de l’Exécutif, particulièrement, de celle du président de la République.
Enfin, les finances publiques comme l’ensemble de l’économie doivent être gérées au profit des masses populaires, sans arrière-pensées politiciennes et électoralistes ni soumission aux injonctions des officines financières internationales.
Il s’agira, en un mot, de réhabiliter le projet de constitution de la CNRI, si on veut que le dialogue national, se replace dans l’esprit des Assises nationales et connaisse un succès éclatant.