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Un Nouveau Diplome Pour Les Enseignants, Gage De Stabilite Du Systeme Scolaire Senegalais

Au Sénégal, nous avons l’habitude de l’entendre, « l’école appartient à tout le monde ! » Cette déclaration est la manifestation d’un ressenti émanant d’une succession de décisions tantôt décevantes tantôt divertissantes, dans le champ éducatif. C’est aujourd’hui le constat, au moins, de deux mondes prêts à s’affronter sur un terrain si glissant ne prévoyant pas d’autres véritables perdants que les apprenants. Entre acteurs directs et acteurs indirects du système d’enseignement, chacun veut faire porter le chapeau du ralentissement et de l’échec à l’autre. Et dans la confrontation décideurs/ monde enseignant, parfois difficile, mais toujours exaltante, le fait de n’être dans aucun camp ne suffit pas pour plaider la neutralité. Aussi, rejetons-nous toute forme de neutralité sur cette question. Mais, en réalité, ne s’agit-il pas que de simples différences d’approche ? Entre enseignants et gouvernants, par exemple, y a-t-il un seul des deux qui veuille la déroute du système ? Qui plus est, l’acceptation de ces différences dans l’approche ne peut être qu’un atout traduisant l’exigence d’une nécessité commune à visiter en profondeur les failles de notre système d’éducation.

En y jetant, rien qu’un regard furtif, nous voyons que pour mieux stabiliser l’espace scolaire, il y a comme une urgence à agir d’abord sur le statut et la formation de l’enseignant et après sur le temps annuel d’apprentissage. Nous avons acquis la conviction que ces deux leviers peuvent faire bouger les lignes, notamment au cycle élémentaire autour duquel nous avons axé notre réflexion. Aussi, tenterons-nous dans d’autres pages, un développement sur l’importance du respect des quantum horaire dans la réussite scolaire. Nous le connaissons quand même un peu, ce système éducatif qui nous a façonnés et auquel nous avons dédié quarante années de notre vie, du Cours d’initiation en tant qu’élève à notre dernier poste en tant que technicien de l’éducation et de la formation. Nous le connaissons suffisamment même pour savoir le critiquer. C’est pourquoi d’ailleurs, même notre posture actuelle de retrait n’a pas vraiment pu réussir à nous en détacher.

Pour le premier levier dont nous avons fait allusion plus haut, qui est au début et à la fin de toute réussite dans le monde scolaire, notre expérience de terrain nous a appris que les enseignants les plus sérieux, les plus impliqués et les plus engagés professionnellement, sont souvent ceux qui sont dans l’attente d’une commission d’examen professionnel. Une fois cette phase dépassée, l’agent commence progressivement à paresser. C’est le début d’une profonde plongée en apnée, comme si l’enseignant sentait un besoin vital de s’éloigner de l’activité pédagogique qui était jusqu’ici, l’essence même de sa présence dans l’enceinte de son établissement scolaire. Ainsi, entre la quête de pertinence pour relever les défis pédagogiques et la perte de sens inhérente à l’oisiveté s’installe donc le sésame professionnel.

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Pour rappel, deux diplômes professionnels et pédagogiques commandent la carrière de l’enseignant à l’élémentaire. Il s’agit du certificat élémentaire d’aptitude pédagogique (CEAP) et du certificat d’aptitude pédagogique (CAP). Le CEAP concerne les enseignants ayant un niveau académique équivalent au Brevet de fin d’études moyennes (BFEM). La voie d’accès direct à cette formation (instituteurs adjoints) peut être empruntée par concours n’exigeant que le Brevet de fin d’études moyennes. Mais, la réalité est qu’on n’y accède pas simplement juste après la troisième, la majeure partie des enseignants catégorisés « instituteurs adjoints » (Ia) ont au moins le niveau de la classe de première, et beaucoup d’entre eux ont même taquiné le BAC. Ce n’est qu’après quatre années d’exercice que l’instituteur-adjoint, titulaire du CEAP, sera qualifié à se présenter au concours du certificat d’aptitude pédagogique.

En revanche, le CAP est au-dessus du niveau du baccalauréat. C’est le dernier diplôme à passer, en théorie et pratique de classe, pour être instituteur. Toutefois, les sortants des écoles de formation d’instituteurs peuvent réussir aux examens professionnels après sept à neuf mois de formation initiale. La préparation d’un examen quel qu’il soit requiert une certaine mobilisation d’énergie personnelle et la mise en œuvre de moyens individuels sur le plan psychologique, physique, matériel et financier. Et du coup, l’examen devient une sorte de stimulation, une source de motivation.

 Dès lors, avant le Certificat d’Aptitude Pédagogique, l’enseignant s’emploie à être un modèle en tout. Dans l’établissement, il est le plus regardant des règles déontologiques. Les apprenants dont il est en charge sont obligés d’être attentifs à ses enseignements, mais aussi à son comportement. Il arrive avant l’heure et repart généralement, bien après la fin des cours. Pour lui, le respect des horaires et des différentes disciplines est presque viscéral. Il a un projet pédagogique clair qu’il cherche quotidiennement à améliorer et à parfaire. Cet enseignant est résolument et en permanence « en route » pour parler comme Althusser.

Son ambition à décrocher ce diplôme, qui pour lui, est synonyme d’une grande promotion individuelle, ne souffre d’aucune ambiguïté. Mais, malheureusement, il n’est pas que synonyme de promotion, il peut également signifier relâchement, paresse et laisser-aller pédagogique. N’avons-nous pas déjà entendu certains enseignants parler de « Certificat d’Aptitude à la Paresse » pour traduire le sigle CAP ? C’est donc dire qu’après la réussite aux différentes étapes du Certificat d’Aptitude Pédagogique, il n’existe plus aucune motivation de corps. Après l’apogée, le déclin avons-nous l’habitude de dire.

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 L’obtention du CAP est, dans beaucoup de cas, le début de l’inaction et de l’indifférence face au projet d‘établissement, la fin de la propension à la recherche et l’instauration du « doucement le matin, pas très vite le soir ».

La conséquence de cet état de fait est qu’un tel enseignant échappe à tout corps de contrôle. Il se convertit dans l’antisystème et se radicalise la plupart du temps dans son engagement syndical. Il opte pour la confrontation et ouvre les couloirs de l’affrontement vis-à-vis de tout élément susceptible de violer sa zone de confort personnel. Et pour cet enseignant, un malaise de cette amplitude le détruit de l’intérieur sans qu’il ne s’en rende compte, ses fondations se fissurent progressivement, ses repères s’effritent peu à peu.

Les Inspecteurs de l’éducation et de la formation n’ont plus vraiment aucune prise réelle sur lui. Il appert de ce qui précède qu’il est important pour tout corps de métier, pour toute profession, que des objectifs à atteindre fixent les frontières de l’autopromotion. Idem pour le domaine de l’éducation où des objectifs de carrière doivent marquer les rythmes de progression professionnelle de l’enseignant. Il apparaît donc clairement, que l’espace scolaire élémentaire souffre d’un manque de nouveau palier. Il urge, pour nous départir de ce semblant de « sur-place » et de mort de l’initiative chez les enseignants, de créer une toute nouvelle certification à même de booster ce pan de notre système d’éducation. Il s’agit bien entendu de placer un palier supérieur au Certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP) exigeant la maîtrise théorique et pratique de la science pédagogique. Nous pensons à un diplôme qui pourrait porter l’appellation de Certificat de Maîtrise Pédagogique (CMP) pour ceux qui ont déjà le CEAP, ou encore du certificat de pleine maîtrise pédagogique (CPMP) pour ceux qui ont le CAP.

L’instituteur-adjoint pourrait, selon sa convenance, se présenter au Certificat de Maîtrise Pédagogique, après quatre ans passés dans ce sous-corps. Ainsi, le CMP serait un diplôme intermédiaire entre le CEAP et CAP, ce qui ferait qu’un instituteur plein aurait acquis le niveau équivalent à quatre diplômes au lieu de deux, actuellement. Pour ce qui est du Certificat de Pleine Maîtrise Pédagogique, il serait accessible à tout instituteur ayant un CAP, avec au moins quatre ans de pratique de classe.

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Le CPMP pourrait qualifier également l’instituteur à l’enseignement moyen, pour certaines disciplines, compte tenu du profil de ce dernier. En plus, après un certain nombre d’années d’exercice l’instituteur détenteur du CPMP aurait droit de compétition, avec un bonus substantiel, pour un poste de direction de choix ou un détachement dans une autre administration, par exemple. Ces nouveaux diplômes destinés aux enseignants auront une double vocation : celle de servir de ticket de promotion et celle de permettre aux corps de contrôle des écoles de « garder la main ».

Le laisser-aller, la promotion de l’anti-modèle et le radicalisme syndical dans l’espace scolaire s’accroissent du fait de la disparition de l’épée de Damoclès sur la tête de l’enseignant. Il faut qu’on ose le dire, l’enseignant actuel ne craint plus les « représailles » des corps de contrôle de l’Etat. Il ne sera pas question de faire peur à qui se ce soit, mais de redonner l’autorité à l’Inspection de l’éducation. Il s’agira simplement de faire une gestion positive par le stress. Il faut « stresser » davantage l’enseignant si l’on veut maximiser son rendement à l’école. Le stress en tant que sentiment ou ressenti, s’il est bien circonscrit dans le temps, peut aider à atteindre des résultats insoupçonnés dans un environnement professionnel et personnel. Nous rappellerons simplement pour finir, que les pays dits développés, au moment des indépendances de nos Etats, avaient surtout réussi dans les domaines les plus réservés de la science, grâce à une forte attention accordée à leur système scolaire.

Ainsi, en l’espace de quelques générations, la bonne qualité de l’éducation a radicalement transformé certains pays européens, par exemple, en y faisant émerger de fortes proportions d’ingénieurs, de techniciens supérieurs et de cadres. Aujourd’hui, nous savons tous, de science certaine, que l’école constitue un véritable enjeu social, et que nous devons avoir la claire conscience du devoir que nous avons à la protéger et à la changer si nécessaire. Il est accepté depuis fort longtemps, que l’indépendance et le niveau de vie d’un pays sont fondamentalement fonction du niveau d’instruction et de connaissance de ses populations, mais encore de leur capacité à apprendre, à comprendre, et à entreprendre. Développons notre système scolaire, et nous développerons notre Sénégal.

Lamine Aysa Fall

Consultant en Education et Formation (Thiès)

Email : lamineaysa@gmail.com







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