Le jeu d’ombres entre les acteurs politiques est le reflet de la crise de gouvernance et de la fragilité politique que le Sénégal connait depuis février 2019. Permettez moi d’utiliser le titre du film américain produit par un réalisé par Kevin Costner en 1990 et tiré du roman adapté d’un roman de Michael Black écrit en 1988 pour illustrer mon propos dans ce théâtre de mauvais gout offert au peuple sénégalais par une frange de baroques. Depuis l’élection du Président de la république du Sénégal pour son deuxième mandat, le pays connait une convulsion politique sans précédent a la mesure des défis qui se posent aux partis au pouvoir.
La logique politique nouvelle indique qu’après chaque élection tous ceux qui se sont mobilisés pour la victoire de leur candidat s’attendent à des dividendes politiques. Ce qui se traduit par une ligne de fracture entre les militants de la première heure et celle de la 25em heure. Le contexte actuel renvoie au bégaiement de l’histoire sur les conditions qui ont prévalu dans les bastions des deux plus grands partis à savoir le PS et le PDS avant la défaite de leurs champions. Toute chose étant égale par ailleurs, beaucoup d’interrogations fusent sur l’avenir de toute cette caste politique sans profession particulière qui ne doit son salut qu’à la volonté du prince ou par leur reconversion pour ne pas dire transhumance multiforme. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre cette ébullition à la fois du front politique et du front social sous une toile de fonds de délation et d’immobilisme.
LE JEU DES PERROQUETS
Selon Bourdieu, le champ politique est devenu le lieu d’une concurrence pour le pouvoir, qui s’accomplit par l’intermédiaire d’une concurrence pour les profanes, ou, mieux, pour le monopole du droit de parler et d’agir au nom d’une partie ou de la totalité des profanes. » L’inflation du discours politique des seconds couteaux pour déflorer les pensées secrètes des uns et des autres dit-on ne donne pas la légitimité et la qualification à ces porteurs de discours plein de haine, de calculs politiciens et de rapine. Il faut comprendre les sorties de Gaston la gaffe, de Farba Ngom, de Moustapha Diakhate , de Moustapha Cisse Lo et de tant d’autres qui vont s’y ajouter comme seconds couteaux pour alimenter une symphonie mal arrangée. Le Sénégal est à la croisée des chemins avec un basculement de l’échelle des valeurs dominantes de Diom, de souteureu et de kersa au profit des raccourcis avec la mendicité à cols blancs. Nous sommes entrain de payer le dividende de la politique par l’argent, les seconds couteaux pour ne pas dire mercenaires de la guérilla politique en cours doivent mériter leurs salaires.
Tous les coups sont permis y compris au bas de la ceinture. Il y a comme qui dirait une danse des ombres que personne n’arrive à capter. Le chemin pour 2024 est plein d’embuches, et c’est la période des incertitudes qui sont vécues comme celle des traitants d’arachide en son temps. La principale force politique à travers l’APR et BBY va-t-elle survivre à ces coups portés sur ses flancs pour rappeler au prince son devoir moral de clarification de sa posture politique avant terme. Le sabre brandi à tous ceux qui prononcent sur la possibilité et non possibilité du troisième mandat illustre le virage gaulliste du présidentialisme ambiant. Le tournant bonapartiste va-t-il survivre aux coups de boutoir multiformes portés sur le début du deuxième mandat. Les initiatives annonciatrices de la volonté de renforcer le dialogue politique, version cosmétique et liquidatrice des acquis des assises nationales, les retrouvailles entre les deux Présidents Wade et Sall dés après la victoire aux élections présidentielles traduisent la quête d’une nouvelle dynamique politique qui accélère la crise au sein de l’APR sur des questions de repositionnement pour l’avenir immédiat avant et après 2024.
CHARBONS ARDENTS
La disparition du poste de Premier Ministre , libération surprise de Khalifa Sall, la gestion chaotique de la communication politique sur l’affaire Petrotim, l’arrestation d’un responsable politique de l’APR pour trafic de faux billets ; le cleaning day, l’ébullition du front social avec l’augmentation des prix de l’électricité, les saisies record de drogue, les grèves à répétition de l’enseignement secondaire et universitaire, la multiplication de toutes les formes de violence envers les femmes, les ascendants, les crimes abjects, les émeutes de Mbour, Guet Ndar, le rôle d’avant-garde de la société civile à travers Nio lank par rapport aux partis politiques d’opposition aphones exposent et fragilisent d’avantage le Président aux avants poste sans disposition de déminage et sans cohérence gouvernementale. Aujourd’hui alors que des menaces sécuritaires lourdes pèsent sur le Sénégal, toutes les conditions sont réunies pour accélérer la crise de gouvernance, de leadership et le manque de lisibilité politique. Les traitants politiques, sociaux, religieux, économiques cheminent vers 2021 pour les locales, 2024 pour les présidentielles sont à leurs marques avec des faux départs en vue.
Le rapport attendu du comité national du dialogue politique pris pendant un mois à se constituer formellement, à définir des termes de références va-t-il accoucher d’une configuration de gouvernement d’union nationale de gestion du pétrole et d’accord pour un troisième mandat ? La dynamique au sein de l’APR troublée par une ambivalence de la communication politique occupée à faire de la communication de crise comme les sapeurs pompiers. Depuis l’avènement de la démocratie multi partisane, l’autorité politique s’entretient et se valorise sous forme de mise en scène et de récit pour alimenter le rêve des citoyens. Au cœur de sa légitimité politique, on trouve la perte de confiance des citoyens par rapport au pouvoir, qui est devenu un phénomène mondial accéléré par les nouveaux medias sociaux. Tous les politiques sont astreints à une forme de théâtralisation du champ politique pour reprendre Georges Balandier. Les faits sociaux sont des faits de communication, de langage des faits symboliques. Actuellement nous sommes en plein dans la théatrocratie avec ce qu’on pourrait traduire par le théâtre baroque, un style basé sur l’ostentation, le mouvement, l’inconstance, la contradiction, l’antithèse. Les acteurs passent d’une palette de sentiments à une autre en fonction des situations.
Les Farba , Gaston la gaffe , les deux Moustapha, Serigne Mbacke Ndiaye, Mame Mbaye Niang, Boune Abdalah Dione sont les faces hideuses de l’iceberg en attendant la mise en scène des premiers maillons de la chaine que les sénégalais vont juger par leurs actes Le champs politique a trois conséquences qu’il faut comprendre et bien analyser à savoir pour Bourdieu ‹‹ un effet de censure en limitant l’univers du discours, et, par là, l’univers de ce qui est pensable politiquement, à l’espace fini des discours susceptibles d’être produits ou reproduits dans les limites de la problématique politique comme espace des prises de position effectivement réalisés dans le champ, c’est-à-dire socio-logiquement possibles étant donné les lois régissant l’entrée dans le champ ».
La fragilisation de la gouvernance au Sénégal avec une forme d’impunité systématique des décideurs politiques et une boulimie des investisseurs étrangers surtout français suscitent plusieurs interrogations et rappellent à plusieurs égards la situation du Mali avant la chute de Amadou Toumani Touré et celle du nord est du Nigeria pan essentiel du bassin du lac Tchad.
Missira Ngone Pierre
Consultant en Planification