«Le Sénégal est un havre de démocratie.» La déclaration du secrétaire d’Etat Mike Pompeo aura été un non-évènement comme tout le monde s’y attendait. Tout le monde savait ce qu’il allait dire. Il l’a dit sans surprise. Il n’y a pas eu de surprise parce que c’est ce que John Kennedy avait dit à Senghor. Bill Clinton l’a réaffirmé au Président Abdou Diouf. Georges W. Bush l’a répété au Président Wade. Le Président Obama l’a confirmé au Président Macky Sall. Il est temps que le Sénégal dépasse la rente démocratique et devienne l’exception économique, après avoir été l’exception démocratique. C’est ça avoir de l’ambition. L’ambition ce n’est pas aujourd’hui de s’auto-glorifier d’être un «havre démocratique». Avoir été un «havre démocratique» est un avantage comparatif dont notre pays n’a pas beaucoup profité, à part en faire une rente pour avoir plus d’aide au développement.
A partir du moment où tout le monde reconnaît que nous avons réglé la question politique, notre ambition doit être de nous attaquer à la question économique afin que le prochain Président américain qui viendra puisse nous dire : «Vous avez profité du fait d’avoir été un havre démocratique pour transformer votre pays en havre économique.» Et nous devons avoir cette ambition dans les 10 ans. Un avantage comparatif qui ne sert pas à faire la différence ne sert pas à grand-chose. Nous avons plus besoin d’investisseurs américains qu’on nous rappelle que nous sommes un havre démocratique. On le sait, car quand les Américains s’étripaient pendant la guerre de sécession pour régler par le fer et le feu leurs contradictions politiques, dans les quatre communes du Sénégal, ces mêmes contradictions politiques se réglaient démocratiquement et pacifiquement, en organisant des élections. Maintenant, pour que le «havre de la démocratie» devienne un havre économique, il est urgent qu’on cesse de perdre du temps à chercher des solutions à des problèmes artificiels, comme le fait le dialogue national, ou que 90% du cerveau de nos hommes politiques soient piratés par la question électorale. Le premier prérequis pour que le «havre démocratique» devienne un havre économique est que la classe politique soit d’accord sur les règles du jeu qui ne deviendront plus l’objet de débat. Ainsi, les brillants cerveaux que nous avons dans l’espace politique, aussi bien dans l’opposition qu’au pouvoir, vont se concentrer sur la question économique. Si on réussit ce miracle, on rattrape Dubaï et Singapour.
La déclaration du Premier ministre canadien n’aura pas non plus été une surprise. Trudeau avait donné le thème, l’agenda et le ton bien avant son arrivée. Il estime que la promotion de l’homosexualité fait partie de la défense des droits de l’Homme. C’est son avis et son droit. Mais il est aussi de notre avis et de notre droit de lui rappeler que ce qu’on appelle universel est presque toujours «l’universalisation d’un particularisme». C’est un particularisme occidental de vouloir promouvoir l’homosexualité. Il serait donc de bon ton que nous aussi, dans la mondialisation, on apprenne à promouvoir certains de nos particularismes. La prochaine fois que le président de la République sera en visite au Canada, qu’on inscrive dans l’agenda des discussions la défense de la polygamie, pour voir la réaction des Canadiens. Leur rejet de ce particularisme leur permettra de comprendre notre rejet de leur particularisme. C’est dans ce choc des particularismes que l’Occident va redécouvrir une de ses valeurs qu’elle a tendance à oublier, et qui s’appelle le «relativisme culturel» en d’autres termes : Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.