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Les Chantiers Qui Vous Attendent, Monsieur Le Président De La République, Umaro Sissoco Embalo !

Les Chantiers Qui Vous Attendent, Monsieur Le  Président De La République, Umaro Sissoco Embalo !

Monsieur le président de la République, permettez-moi, sans vous laisser un minimum de temps, de vous dire qu’il y a urgence car beaucoup de chantiers plus vastes les uns les autres vous attendent.

Vous savez bien que depuis l’instauration du multipartisme en Guinée-Bissau en 1991 et les élections générales qui en avaient suivi en 1994, la patrie d’Amilcar Cabral n’a connu aucune crise politique aussi longue et désastreuse sur le plan économique et social que celle qui a débuté en 2015, mais qui, heureusement, est sur le point de connaître une fin.

En effet, le pays était dans une zone de turbulences suite au limogeage du Premier ministre, de surcroît président du Paigc, par le Président José Mario Vaz.

Cette crise au sommet de l’Exécutif (bicéphale), pour ne pas dire au sommet de l’Etat, atteignit le Parlement (monocaméral). Ainsi, toutes les institutions étatiques ont été bloquées. Les élections législatives de mars 2019, qualifiées de cruciales pour désamorcer ladite crise, n’ont pas pu régler la situation.

L’Etat disparaît ainsi, sous le regard impuissant du Peuple, ou si l’on veut, il est en déliquescence. Comme la nature a horreur du vide, dit-on, la Cedeao s’est substituée à l’Etat de Guinée-Bissau et les institutions ne sont devenues que des organes exécutant les ordres venus de l’extérieur.

Monsieur le président de la République, la souveraineté du pays fut piétinée et bafouée parce que des acteurs politiques qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels ont ouvert les portes et livré le pays à la Cedeao, et celle-ci a commis des erreurs d’appréciation de la situation, alors qu’elle pouvait avoir des éléments qui auraient pu la mettre sur le chemin de la vérité. Mais en définitive, les principaux coupables, ce sont ces hommes politiques qui ont trahi la patrie en mettant en avant leurs intérêts égoïstes et mesquins.

Comment comprendre cette situation et y apporter des solutions adéquates, Monsieur le Président de la République ?

Avec vous, Monsieur le Président, les dignes fils de ce pays doivent, de ce fait, se poser ces deux questions : Est-ce un problème des textes régissant le fonctionnement de l’Etat ? Est-ce un problème des hommes politiques qui ne sont pas à la hauteur de leur mission ?

Rappelons que la Guinée-Bissau a connu trois constitutions en 47 ans d’existence en tant qu’Etat souverain :

– la constitution du 24 septembre 1973 (ou la constitution de «Boé») entrée en vigueur en 1980,

– la constitution du 16 mai 1984 qui instaura un régime présidentiel autoritaire ou une présidentialisation du régime , et

– la constitution du 26 février 1993, amendée en 1995 et 1996, elle constitue la matérialisation de la transition constitutionnelle amorcée en 1991.

La constitution de 1984 avait accordé presque tous les pouvoirs régaliens au président de la République. En d’autres termes, ce fut l’instauration d’un régime présidentialiste où le chef de l’Etat est tout : président de la République, chef de gouvernement, Commandant en chef des forces armées. Le président de la République était une sorte de monarque.

La constitution de 1993 est toujours en vigueur jusqu’à aujourd’hui. On y assiste à une forte diminution des pouvoirs du président de la République au profit du gouvernement, qui est une émanation de l’Anp. Donc, un régime semi-présidentiel ou semi-parlementaire, c’est selon. Même si le gouvernement est responsable devant le Pr et l’Anp, c’est lui qui gère les affaires du pays. Et en cas de désaccord avec le président de la République, le pays peut entrer dans une crise. Ce qui a été le cas en 2015.

On se rend bien compte qu’une loi n’est pas le fruit d’un hasard. Dans le cas qui nous intéresse, il apparaît clairement que les trois constitutions retracent l’évolution historico-politique de la Guinée-Bissau. Le pays est passé d’une extrêmité où le président de la République concentre tous les pouvoirs à une extrêmité où son rôle est presque assimilé aux tâches de fonctions honoriques.

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Monsieur le président de la République, une nouvelle constitution, délimitant les pouvoirs de chaque organe, va plus consolider l’Etat de droit et la stabilité politique et sociale du pays. Mais cette nouvelle constitution ne va pas mécaniquement instaurer la stabilité s’il n’y a pas de volonté politique, s’il n’y a pas d’acceptation des règles de jeux bien établies dans la nouvelle constitution, s’il n’y a pas d’hommes politiques qui agissent pour l’intérêt supérieur de la Nation.

Les textes ne sont qu’une feuille de route qui aide à l’action. Les éléments les plus importants dans un jeu politique, ce sont les acteurs politiques eux-mêmes ; ils peuvent faire en sorte que tout se passe bien, comme ils peuvent créer le chaos et détruire complètement le système. Donc, le changement de mentalité, le changement de comportement dans la gestion des affaires publiques, la formation d’un citoyen modèle soucieux du bien commun sont nécessaires même s’ils ne sont pas suffisants pour (re)mettre à la Nation sa dignité, parce qu’il est aussi clair que les réformes institutionnelles sont également nécessaires pour sortir le pays de cet imbroglio.

La Guinée-Bissau est gangrenée par le cancer de la corruption à tous les niveaux. Donc, si les mentalités ne changent pas, même la meilleure des constitutions au monde ne pourra pas apporter l’effet recherché des réformes constitutionnelles et institutionnelles préconisées.

Oui, Monsieur le président de la République, l’arsenal juridique, surtout la constitution, est à revoir car il y a des zones d’ambiguïté dans la séparation des pouvoirs au sein de l’Exécutif bicéphale (Pr et le gouvernement dirigé par le Pm). Les pouvoirs ne s’équilibrent pas mais ils se font écran, de ce fait, en cas de litiges entre les deux têtes de l’Exécutif, c’est le blocage de toutes les institutions du pays.

Même si le président de la République est le garant du pays (il garantit la paix et peut déclarer la guerre si la paix est menacée), il est garant du respect de la justice et du principe du droit, ses pouvoirs sont très limités. Dans les faits, il a été démontré que ces pouvoirs peuvent lui échapper si les autres acteurs ne jouent pas le jeu démocratique. Et c’est cela qu’il faut encadrer pour éviter au pays de vivre des situations désastreuses comme celles qu’il est en train de vivre aujourd’hui.

Il est le seul à avoir les prérogatives de nommer ou de révoquer le Pm (qui est aussi responsable devant l’Anp) ou de dissoudre l’Anp, il est le seul habilité aux nominations civiles et militaires, etc. Mais le constat est que, quand il y a la mauvaise foi de certains acteurs politiques, on ne peut que regarder avec impuissance la cacophonie entre le Président de la république et le Premier ministre (soutenu par son gouvernement). La crise va donc s’amplifier si aucune formation politique ne détient la majorité absolue au Parlement.

Est-il possible de penser à revoir le mode du scrutin ? Le scrutin proportionnel intégral permet, certes, une large représentation des formations politiques à l’Anp, mais il est source d’instabilité si la majorité absolue n’est pas obtenue par un parti politique. Le scrutin mixte n’est-il pas à envisager, Monsieur le président de la République ?

Monsieur le président de la République, le secteur de la justice ! Tiens ! tiens! Le secteur judiciaire est à revoir de fond en comble. C’est la justice qui est le socle d’une Nation et quand elle ne joue pas son rôle, quand elle est corrompue, quand elle ne met pas les citoyens au même pied, toutes les autres institutions étatiques sont en danger. Un pays peut tout perdre et renaître sur ses cendres comme le phénix, mais quand il n’a plus de justice, il risque de disparaître.

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La justice n’est pas un pouvoir, comme on le dit souvent, mais elle est un instrument au service du pouvoir exécutif et législatif, mais elle joue un très grand rôle dans l’harmonie sociale. Dans l’Etat, il n’y a que deux pouvoirs : l’Exécutif et le Parlement.

– L’Exécutif : pouvoir de faire les projets de loi, conduire la politique de la Nation, garantir le bon fonctionnement de l’Etat.

– Le Parlement (Anp, monocaméral) : pouvoir de voter des lois, de faire une proposition de loi, de contrôler de l’action de l’Exécutif.

Donc, la justice est une autorité qui veille à la bonne application des normes, elle peut, quand c’est nécessaire, infliger des punitions. Elle n’a pas de pouvoirs de créer de nouvelles normes, elle a le devoir de dire le droit au nom du Peuple et non selon son vouloir. Les juges ne sont pas des architectes mais des maîtres d’oeuvre.

Oui, Monsieur le président de la République, l’attitude du Suprême Tribunal de Justice (Stj) au cours de ce processus électoral, renforce l’idée selon laquelle il urge également de réformer le système judiciaire. Quand la justice devient injuste, les citoyens n’ont d’autres moyens que de se faire justice eux-mêmes. On assistera ainsi au délitement de l’Etat.

Monsieur le Président, il y a un autre cancer et il n’est pas le moins dangereux. Oui, la presse ! Dans un pays qui se respecte et où les gens prennent la mesure de leurs responsabilités, la presse joue un très grand rôle. Elle joue et doit jouer le rôle de régulateur social. La presse est la voix des sans-voix. La presse, c’est les yeux de ceux qui ne peuvent pas voir. Par leurs articles (d’investigation ou pas), leurs reportages, leurs interviews, leurs prises de position, les journalistes ne doivent avoir que comme seule préoccupation que l’intérêt de la Nation, le développement économique et social du pays.

Malheureusement, dans la patrie de Amilcar Cabral, elle est aussi gangrenée par la corruption. Certaines presses sont devenues des états-majors des partis politiques. Les journalistes, poussés par l’appât du gain; ont démissionné de leurs fonctions, ils ne jouent plus leur rôle.

Monsieur le président de la République, votre mission est aussi de protéger la dignité de tous les enfants de la mère Guinée-Bissau, donc, pas de tolérance pour les insulteurs professionnels sur les réseaux sociaux. La parenthèse est fermée. Notre société doit être ouverte et respectueuse des valeurs humaines.

Le pays a perdu sa souverainté. Monsieur le Président, le Peuple et les dignes fils de ce pays sont derrière vous pour que cette glorieuse patrie puisse retrouver totalement sa souvraineté. C’est votre mission de mettre les mécanismes pour la reconstruction de l’Etat qui est complétement délabré; vous aurez besoin des partenaires étatiques et institutionnels, pour remettre le pays sur les rails: Etat de droit, développement économique et social.

Les chantiers qui vous attendent Monsieur le président de la République, Umaro Sissoco Embalo, sont énormes : lutter contre la corruption, instaurer un système de santé digne de ce nom, bâtir un système éducatif performant, construire des infrastructures, booster le secteur économique en donnant un autre regard positif du pays (risque pays) par la coopération bilatérale, multilatérale et du secteur privé.

Les populations n’ont pas accès aux soins sur les plans géographique et du coût des médicaments, à cause du faible pouvoir d’achat. Le système de référence n’existe pas, tous les malades se retrouvent directement à l’hôpital : pas de cases de santé, pas de dispensaires, pas de centres de santé pour les premiers soins.

C’est une lapalissade de dire que le système de santé est moribond. Les hôpitaux sont devenus des mouroirs par manque de matériel et d’approvisionnement en médicaments, le système éducatif n’existe pas… au moment où les fonds publics sont détournés pour des besoins personnels, les salaires de la Fonction publique ne sont pas payés, les enseignants sont permanemment en grève.

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Monsieur le président de la République, l’état de grâce va être très court parce que les populations sont impatientes. Malgré les efforts consentis par le Président José Mario Vaz pour stabiliser le pays et mettre fin au règne désastreux des 47 ans du Paigc, les chantiers sont encore très vastes. Le Président Vaz a défriché, maintenant c’est le moment de commencer à labourer. Vous avez déjà la boussole, Monsieur le Président, il ne vous suffit que de renforcer le travail entamé par Jomav : garantir la paix et la stabilité politique et sociale, car sans cela, aucun développement n’est possible.

Mais les populations attendent de vous, Monsieur le Présient, que vous mettiez fin à l’impunité sur les crimes de sang et des crimes économiques. Vous n’avez pas besoin de faire une chasse aux sorcières, mais il vous est indispensable de faire une chasse aux malfaiteurs. Il ne s’agira pas de vengeance mais de justice. C’est là où le Ministère public a le devoir de sauver la face hideuse de la justice que nous connaissons.

Monsieur le président de la République, les populations attendent et elles doivent être considérées comme les actrices du développement, donc elles doivent être impliquées aux décisions prises dans leur localité. C’est dire que l’organisation des élections locales, pour descendre la démocratie à la base, doit devenir une réalité. Ce n’est plus acceptable que toutes les décisions sur le plan local viennent de Bissau. Quand les populations commencent à penser par elles et pour elles, elles vont s’impliquer davantage sur les questions économiques et sociales de leur terroir. Ce qui est un facteur de développement.

Monsieur le président de la République, pensez à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la neuvième région de la Guinée-Bissau, la diaspora. Votre prédécesseur, José Mario Vaz, avait déjà amorcé le processus. Elle a besoin d’être mise à contribution pour la construction d’une nouvelle Guinée-Bissau prospère, où il fera bon vivre (matière grise et apport financier).

Votre principale mission, Monsieur le président de la République, est de réunifier la Nation qui s’est désagrégée depuis que certains hommes politiques ont pensé que pour leur ascension politique, il leur faut diviser, mettre en mal les uns contre les autres. Or, les Guinéens ont toujours vécu dans la paix et la concorde, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur appartenance ethnique, surtout pendant la lutte pour la libération de la patrie.

Monsieur le Président de la République, vous avez tous les atouts entre vos mains : vous n’êtes pas seul, contrairement au Président José Mario Vaz : les populations seront à vos côtés, vous aurez l’appui de la Communauté internationale (elle a finalement constaté la réalité), vous aurez de précieux conseils de vos prédécesseurs (Présidents Ferreira et Vaz), vous aurez le Parlement (Anp) et le soutien total du gouvernement.

Veuillez, Monsieur le Président de la République, transmettre mes sincères remerciements au premier des patriotes, Président José Mario Vaz et au vaillant Peuple de la Guinée-Bissau.

Oupa Diossine LOPPY

PS: Pour une question de stabilité politique et d’efficacité des actions, vous ne pouvez pas ne pas anticiper les élections législatives afin qu’une majorité puisse se dégager clairement. La stabilité politique est un préalable. Ces élections permettront de débloquer l’Anp prise en otage depuis plus de cinq ans.

Un nouveau recensement électoral est une nécessité ; il va remettre les citoyens lésés dans leurs droits de citoyens. Le droit de vote est inaliénable pour tout citoyen.

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