Par Axel van Trotsenburg, directeur général des opérations de la Banque mondiale
La semaine dernière, j’ai voyagé dans la région du Sahel, du Mali au Niger, en passant par le Burkina Faso, avant de me rendre en Mauritanie. J’ai rencontré les autorités, la société civile, des mères, des pères, des ingénieurs, des entrepreneurs et des groupes communautaires. Avant cela, j’ai participé à la Conférence de Munich sur la sécurité. Demain, je m’adresserai à l’Assemblée Générale de l’Alliance Sahel.
Ces personnes partagent une préoccupation commune : l’augmentation de la violence et la détérioration de la situation sécuritaire dans la région du Sahel, et son impact sévère sur les communautés, les sociétés et les économies.
On estime que 15 000 personnes ont perdu la vie à cause du conflit et que la région est aux prises avec une crise d’ampleur exceptionnelle de déplacements forcés. Fin 2019, la région comptait environ 1,000,000 personnes déplacées internes et 165 000 réfugiés, dont 150 000 personnes déplacées rien que pour le Burkina Faso depuis le début de l’année.
La violence détruit les emplois, les biens, les centres de santé et les écoles. Près de 3,800 écoles sont actuellement fermées au Burkina Faso et au Mali et plus de dix mille enseignants ne peuvent plus enseigner, interrompant ainsi la scolarité de plus de 500 000 enfants.
Le conflit pèse également sur les budgets des gouvernements. Pour répondre aux menaces de sécurité accrues, les gouvernements du Sahel ont dû augmenter considérablement leurs dépenses dans ce secteur. Cela représentait en moyenne autour de 22% des budgets publics en 2018, au dépend des prestations de services publics.
Compte tenu de ces tensions et du nombre croissant de personnes vivant dans la pauvreté, la région du Sahel est une priorité pour l’Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres. Au cours des trois dernières années, nous avons augmenté notre appui de 50 % et nous irons encore plus loin dans les trois prochaines années avec plus de 7 milliards de dollars pour le Sahel.
Le soutien de l’IDA viendra compléter les efforts des organisations humanitaires et ceux des acteurs des questions sécuritaires. Les forces internationales, y compris les Nations Unies, ont appuyé la force conjointe du G5 Sahel et de l’Union européenne pour établir d’une réponse militaire crédible à la violence dans la région.
Comme nous l’avons vu ailleurs, quelle que soit la taille de la force militaire, il ne peut y avoir de paix durable sans investissements sérieux dans le développement et qui s’attaquent aux causes profondes des conflits.
Lorsque la violence cesse, les communautés doivent en ressentir les bienfaits. Des programmes visant à réduire la pauvreté, créer des emplois et améliorer les services publics seront essentiels, tout comme l’amélioration des infrastructures et le renforcement des institutions et de l’Etat de droit. Il sera aussi important d’aider les pays à s’adapter aux effets du changement climatique, qui exacerbent les tensions liées à l’insécurité alimentaire, la pénurie d’eau et la réduction de l’espace réservé au pâturage.
Le statu quo ne suffit pas. Parallèlement à l’augmentation de nos financements en faveur du Sahel, nous déploierons une nouvelle stratégie pour les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence afin de les aider à s’attaquer aux causes profondes des conflits.
Par exemple, le Projet d’autonomisation des femmes et de dividende démographique au Sahel de 295 millions de dollars de la Banque mondiale renforce déjà l’autonomie des femmes et des filles de la région en augmentant leur accès aux services de santé reproductive, infantile et maternelle. Il soutient également l’éducation et enseigne aux jeunes filles et aux femmes des compétences professionnelles et des compétences de vie comme la santé reproductive, la nutrition, l’hygiène et la gestion financière.
En continuant à financer ce genre de projets dans des zones de conflit actif – comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad –nous resterons engagés pour préserver les institutions clés et le contrat social, et maintenir les services de base ainsi que favoriser l’emploi et le développement de la création d’emplois petites et moyennes entreprises qui fournissent près de 80 % des emplois dans des situations fragiles.
Cette stratégie comprend des mesures destinées à gérer l’impact des conflits qui débordent au-delà des frontières en venant en aide aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil, tout en adoptant une approche régionale pour s’attaquer aux répercussions sociales et économiques transfrontalières.
Maintenir notre engagement de travailler dans des régions comme le Sahel et participer aux efforts internationaux pour assurer une paix durable est au cœur de notre stratégie. Comme un seul acteur ne peut résoudre les défis aussi complexes, une coopération étroite avec les agences humanitaires et les forces de sécurité est essentielle.
Des ingénieurs du Mali aux entrepreneurs du Niger, j’ai été frappé par la détermination des Sahéliens à aider leur pays et leur communauté. Le chemin vers la paix et la prospérité reste long, mais c’est avec cette détermination, une meilleure sécurité et des politiques inclusives que le Sahel y parviendra.