Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Comment Les Erreurs Et échecs Entraînent L’innovation ?

Comment Les Erreurs Et échecs Entraînent L’innovation ?

Il est souvent arrivé dans l’histoire qu’une entreprise jadis dominante devienne quelconque parce qu’elle a raté un tournant. C’est le cas de Kodak avec la photographie numérique, de Nokia avec les smartphones, de Sears avec l’e-commerce…Parce qu’elles ignorèrent le nouveau paradigme, elles perdirent d’abord leur position de leader, puis déposèrent le bilan.

Quand les conditions sont stables, l’entreprise peut se concentrer sur ce qu’elle sait faire. Elle peut procéder à des innovations incrémentales, c’est-à-dire des innovations qui améliorent le produit sans le révolutionner.

Cependant, quand les conditions changent, ces innovations incrémentales ne suffisent plus. Un nouvel acteur pénètre dans le marché avec un produit certes moins performant, mais qui satisfait à des besoins nouveaux. Ces produits constituent une innovation de rupture.

Quand cela arrive, les firmes dominantes ne voient souvent pas le danger venir : elles sont aveuglées par leur succès, refusent de se remettre en cause et ne prennent plus de risque. Progressivement, le nouveau produit monte en gamme, satisfait davantage de consommateurs et finit par menacer le marché principal de la firme dominante. Quand cette dernière finit par réagir, il est souvent trop tard.

Dans un monde stable, nous pouvons continuer avec le même paradigme : on ne change pas une équipe qui gagne. Cepen­dant, quand les conditions changent, et que nous ne changeons pas, c’est la voie sûre à l’échec.

Aujourd’hui le monde économique est de moins en moins statique et de plus en plus dynamique.

Ces entreprises dominantes d’alors, n’ont pas été larguées parce qu’elles ne pouvaient pas fabriquer le produit ou proposer le service qui les a ébranlées mais parce qu’elles l’ont négligé. Les histoires de Kodak, Block­buster, Nokia, les journaux pa­piers sont bien connues. Leurs faillites ne sont pas dues à leur incapacité d’innover mais plutôt à leurs refus de prendre des risques ou de changer de stratégie.

A LIRE  MAMADOU OUMAR NDIAYE, LA RECOMPENSE D’UN BAROUDEUR

Clayton Christensen en parle dans son livre The innovator’s dilemma. Tu ne peux pas t’habiller de la même manière selon que tu te trouves à l’équateur ou aux pôles. C’est la même chose pour une entreprise : tu ne peux pas adopter la même stratégie selon que le produit est établi et dispose d’un marché stable ou qu’il vient juste d’être lancé et n’a pas encore un marché défini.

Dans le chapitre 6 «Adaptez la taille de l‘organisation à celle du marché», il explique qu’une innovation disruptive ne dispose que d’un marché de niche au début. Ce marché est en général fort restreint et les consommateurs ne sont pas prêts à payer très cher pour ce produit. La taille d’une grande entreprise fait que les bénéfices du nouveau produit sont insignifiants, ce qui entraîne son rejet. La solution serait de créer une nouvelle organisation autonome dont le taux de rentabilité correspondra à celui du nouveau produit.

Pour faire une analogie, si tu gagnes 100 000 francs Cfa, tu considéreras qu’une augmentation de salaire de 50 000 est énorme (50% de hausse). Cependant si tu gagnes 1 000 000 francs Cfa, tu considéreras la même augmentation insignifiante (5%). D’où l’importance pour une firme bien établie de lancer une société indépendante si elle veut introduire dans le marché une innovation de rupture.  Cette société indépendante sera plus encline à prendre des risques et à supporter des échecs.

Quand nous nous en tenons simplement à ce que nous savons faire et refusons de sortir de notre confort, nous ne prenons plus de risque. Ainsi, nous ratons des occasions de croissance que d’autres exploiteront. Canon, Sony ont exploité la photographie numérique que Kodak avait développée.

A LIRE  Dossier nouveau: Doit-on donner un chèque en blanc de 1000 milliards à l’APR/BBY ?(Mamadou Lamine Diallo)

Notre modèle social pourrait expliquer cette propension à rester dans notre zone de confort : le bon élève, l’employé modèle est celui qui ne commet pas d’erreur, qui s’en tient aux règles, qui exécute ce que l’on lui demande. Dans la vraie vie, les choses ne se passent pas ainsi : nous nageons dans l’incertitude, nous n’avons pas une réponse toute faite aux questions, qui sont ouvertes plutôt qu’offrant la possibilité d’y répondre par vrai ou faux, oui ou non.

Si je demandais à un élève sénégalais : quand débuta la deuxième Guerre mondiale ? Il me répondrait certainement 1939. Cette date est fortement réductrice : le Chinois te répondrait 1937, quand le Japon envahit son territoire, la Russie 1941 quand l’Allemagne attaqua son territoire, un Africain pourrait répondre qu’il n’y a jamais eu de seconde Guerre mondiale, car cette guerre ne le concernait pas.

C’est cette incertitude que présentent les décisions en entreprise. Aussi est-il important de sortir de notre zone de confort, ne pas prendre les choses pour acquises et d’explorer toutes les options. Dans un monde changeant à grande vitesse, nous ne pouvons pas nous en tenir à ce que nous savons faire : nous devons oser sortir du moule, prendre des décisions difficiles.

Si notre employé réfléchit d’une manière innovante, n’essayons pas de le faire rentrer dans le rang : dans le monde incertain d’aujourd’hui, il est un actif important, et nous avons intérêt à le garder. Seth Godin appelle ce type d’employé des linchpins. Ce sont eux qui présentent des idées innovantes qui amélioreront la rentabilité de l’entreprise. Ils n’ont pas forcément des diplômes prestigieux mais ils ont la capacité de porter l’entreprise très loin par leur dynamisme et leur volonté de sortir du moule.

A LIRE  DIEU A-T-IL SA PLACE DANS TOUTES SES NUISANCES SONORES AUX…RELENTS RELIGIEUX ?

L’école devrait aussi encourager cette idéologie : exit la note 20/20. Comme l’écrivait Georges Duhamel : «Nul doute, l’erreur est la règle : la vérité est l’accident de l’erreur.» Il faut inciter les élèves à aimer commettre des erreurs. C’est par l’erreur qu’ils apprendront et s’amélioreront. Le critère du bon élève, comme celui qui trouve les bonnes réponses, dessert dans le monde incertain d’aujourd’hui.

Les entreprises disparaissent plus rapidement aujourd’hui qu’à d’autres époques, parce que le monde change à une plus grande vitesse. Une entreprise se doit d’être proactive, accepter de commettre des erreurs et de connaître des échecs : c’est ainsi qu’elle apprend et s’ajuste. Cela nécessite un changement de paradigme : les entreprises étant dirigées par des hommes et des femmes, ces derniers doivent aussi apprendre à aimer commettre des erreurs. L’école devrait encourager cela : c’est toute notre démarche actuelle qui doit changer. Sans cela, nous ne pourrons pas prospérer dans le monde dynamique d’aujourd’hui.

Moussa SYLLA

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *