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Anthropophagie Politique Au Sein De L’apr

Anthropophagie Politique Au Sein De L’apr

Nous sommes à l’ère de l’anthropophagie politique au sein de l’Alliance pour la République (APR). Ce qui se passe au sein du parti présidentiel renvoie en effet au scénario du film « Alien » de Ridley Scott, dans lequel les membres de l’équipage du vaisseau spatial Nostromo se font dévorer un par un grand « Alien » (Ndlr, extraterrestre) appelé Xénomorphe. A quatre ans de la fin de mission de Macky Sall, les apéristes commencent déjà à s’entredévorer !

Invité de l’émission Sen Jotaay de la Sen Tv du 1er mars dernier, Mame Mbaye Niang a été le premier à tirer. Le chef de cabinet du président réclame ni plus ni moins « la destitution de l’APR de Boun Abdallah Dionne, Aminata Touré, Mbaye Ndiaye et Amadou Bâ ». Rien que ça ! Dans la même dynamique, Bara Ndiaye, le directeur de la Maison de la presse, dans un communiqué publié le 26 février 2020, accuse nommément « Amadou Ba, ministre des Affaires étrangères, et Aminata Touré, présidente du Conseil économique social et environnemental (Cese) » d’avoir des agendas cachés. Il les appelle ainsi à clarifier leur position. On pensait que Bara Ndiaye allait s’en limiter là mais c’était mal le connaître. Il enfonce le clou en accusant la présidente du Cese d’avoir « recruté en un seul jour, 72 chargés de mission et conseillers ».

Visé par une sommation interpellative, il revient à la charge en soutenant que « la présidente du Cese a recruté le nommé Sidy Bara Fall comme son chef de cabinet avec un salaire estimé 1 700 000 F CFA alors que ce dernier n’a même pas le bac ». Des allégations qui ont valu — ou vont valoir — au directeur de la Maison de la presse une plainte de la part de Mme Aminata Touré. De son côté, Mbaye Ndiaye, ministre d’Etat et secrétaire chargé des Structures de l’Alliance pour la République (APR), à l’assemblée générale de la coordination des Parcelles Assainies, se fichant de la Constitution, déclare ceci : « Les dispositions actuelles de la charte fondamentale n’interdisent pas au détenteur du premier mandat de 7 ans de briguer une autre candidature, parce qu’il vient de commencer un mandat de 5 ans. C’est à partir de ce mandat qu’il faut faire le décompte… Je le dis pour éclairer la lanterne des Sénégalais et des Sénégalaises. Si demain, le président Macky Sall aurait l’intention de se représenter à une candidature quelconque, il n’y a aucun texte qui l’interdit. Il faut que ça soit clair dans la tête de tous les Sénégalais, de l’opinion nationale et internationale ».

 Si on a relevé ces déclarations à l’emporte-pièce venant de responsables de l’Alliance pour la République (APR), c’est pour montrer le niveau paroxystique des troubles qui secouent la formation présidentielle. Aujourd’hui, les procès en sorcellerie intentés à des responsables de l’APR, les petits meurtres politiques entre amis, les crocs-en-jambe sont le lot quotidien du parti de Macky Sall. Pourtant, ce dernier avait émis un édit interdisant à ses militants d’aborder dans les débats publics la question du 3e mandat. Laquelle polluerait l’atmosphère de sa gouvernance. Si c’était pour mieux dérouler le PAP 2 du PSE dans la sérénité, cette interdiction en valait effectivement la peine. De fait, les militants téméraires qui ont eu le toupet de consommer la pomme interdite ont été sanctionnés soit politiquement soit administrativement.

Sory Kaba a été limogé de son poste de directeur des Sénégalais de l’Extérieur pour avoir osé parler de la fin de mission présidentielle de Macky Sall en 2024. Moustapha Diakhaté a été relevé de ses fonctions de ministre-conseiller et exclu de l’APR même s’il dit ne pas reconnaitre la légalité d’une telle mesure. Hélas, l’interdiction présidentielle ne s’applique qu’à ceux qui rappellent ce que l’article 27 de la Constitution dit concernant les mandats présidentiels. Car, dans le même temps où le sabre présidentiel tranchait la tête de ceux de ses militants qui indiquaient le terme de sa mission, tous les apéristes qui ont eu à dire que le Président la possibilité de briguer un 3e mandat, ont été élevés au pinacle. C’est donc dire que le président et chef de parti Macky Sall parraine tous ces thuriféraires s’épanchant dans les médias pour faire la promotion d’un 3e mandat. Une promotion qui fait désordre au moment où le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara vient de renoncer publiquement au troisième mandat auquel il a pourtant légalement droit. Il est de notoriété publique que ces sauvageons marron-beige qui multiplient les sorties sont en service commandé. Or, au sein de l’APR, si l’on veut tuer politiquement quelqu’un, on commence par utiliser une certaine presse de révérence pour l’accuser de putschiste. Aujourd’hui, il y a rémanence de la liquidation politique dont Mimi Touré a été victime quand elle était Premier ministre.

Mbaye Ndiaye, Mame Mbaye Niang et Marième Badiane, via la presse de connivence, avaient été les bourreaux de l’alors chef du gouvernement. Bizarrement, le président avait stipendié cette opération de liquidation qui allait aboutir à la défenestration de Mimi du 9e étage du Building administratif dix mois seulement après sa nomination à la Primature. Aujourd’hui, c’est le même scénario qui se dessine dans l’horizon politique du parti au pouvoir. On envoie des marionnettes dans les médias aboyer pour ensuite passer à l’ignoble opération d’anthropophagie politique. Si aujourd’hui, Bara Ndiaye et Mame Mbaye Niang dénoncent sans preuves de prétendues manœuvres d’Aminata Touré, d’Amadou Ba ou condamnent les sorties de Mbaye Ndiaye et de Boun Dionne au point de demander leur exclusion du parti, c’est parce que le parti présidentiel traverse une véritable crise de leadership. Chaque ectoplasme se prend pour un chef. Et c’est ce qui explique ces sorties inopportunes qui importunent. L’APR scie aujourd’hui la branche sur laquelle Macky est assis parce que tous ces remous auront pour conséquence la désagrégation de ce parti de l’espoir fondé en 2008 dans la douleur.

Cela dit, pourquoi, au moment où Macky Sall n’a plus la hantise d’une réélection, les membres de son parti le jettent-ils volontairement dans les sables mouvants des tiraillements et autres querelles politiques qui fragilisent son pouvoir ? Les ambitions présidentielles des uns et des autres et les postures non encore avouées sous-tendent cette guéguerre qui, in fine, dégénérera en conflit fratricide ouvert. L’APR est devenue l’adversaire de l’APR et elle est en train de creuser sa propre tombe politique. Si Mbaye Ndiaye, soi-disant directeur des structures d’un parti qui n’a aucune structure a l’outrecuidance de décréter l’exclusion d’Amadou Ba de la section APR des Parcelles, c’est parce qu’il veut revenir en force à la tête de ce bastion électoral le plus important de Dakar. En effet, tous les moyens sont bons pour se positionner aux prochaines locales et Mbaye Ndiaye, qui ne se contente que son poste de ministre d’Etat, est conscient des enjeux des élections locales.

Cette cacophonie aura tendance à s’accroitre et à empirer tant que le chef des apéristes ne prendra pas réellement les cartes en main pour faire prévaloir son autorité. Car, s’il se complait dans ce pilonnage de hauts caciques de son parti orchestré par des sauvageons, il assistera à coup sûr à la destruction de ce joyau politique qui lui a permis en moins de quatre ans d’existence d’occuper la station suprême. Le zèle dont font montre Mame Mbaye Niang, Mbaye Ndiaye et Bara Ndiaye participe plus à la déstabilisation du parti présidentiel qu’à autre chose. Le PDS où Macky Sall a fait une bonne partie de sa carrière politique a été victime des zélotes d’Abdoulaye Wade et de son fils qui ont expurgé du parti tous les militants accusés de fractionnisme. La défenestration de Macky Sall et compagnie, on l’a vu, avait été lourde de conséquences puisqu’ayant entraîné la défaite de Wade en 2012. De même, la démission de Djibo Ka et l’exclusion de Moustapha Niasse, respectivement en 1996 et 1999, avait fait perdre au Parti socialiste atrophié le pouvoir en 2000. Jamais deux sans trois et aujourd’hui l’APR suit la même trajectoire que le PS et le PDS. Les anthropophages apéristes sont en passe d’accélérer la disparition du parti du cheval. Au galop !







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