L’Etat du Sénégal, à travers le Port Autonome de Dakar, est revenu à la table des longues et difficiles négociations avec le groupe des experts du concessionnaire (DPW) pour la finalisation et enfin le démarrage des travaux du Port du futur baptisé Port de Ndayane. C’est à la suite de la rencontre entre le Présidentde la République, Macky SALL, garant de notre économie nationale, et le Sultan Ahmet bin Sulayem, PDG du groupe DPW, le 07 février dernier.
D’emblée, il faut rappeler que le choix du Port Autonome de Dakar pour la conduite de ces négociations bien encadrées par l’Etat du Sénégal, s’explique par un double fondement, juridique et technique. Au plan juridique, l’objet de ces négociations est de discuter d’une disposition contenue dans la convention de concession qui lie le Port Autonome de Dakar et DPW depuis octobre 2007.Au plan technique, l’expertise portuaire est nécessaire et souhaitée dans ce genre de pourparlers. En effet, hormis les aspects financiers qui relèvent des orientations stratégiques de l’Etat central, l’essentiel des discussions vont tourner autour de notions techniques, très complexes par ailleurs.
Ainsi il est question entre autres de tirant d’eau, de cercle d’évitage des navires, de répartition et de spécialisation des quais etc. À ce titre, c’est le lieu de rendre un vibrant hommage à l’expertise portuaire qui a été à l’origine du présent de concession. L’occasion nous est ainsi donné de révéler les importantes économies faites avec la gestion de ce dossier par l’expertise interne. Une consultance internationale nous aurez couté beaucoup d’argent. Pour comprendre l’origine du port de Ndayane, il faut remonter à la convention de concession que l’État du Sénégal, à travers le Port Autonome de Dakar, a accordée à DPW, en octobre 2007, en deux volets :
1.L’Aménagement, l’Equipement, l’Exploitation, la Gestion et la Maintenance des terminaux des TAC1-TAC2-TAC3 (Terminal A Conteneurs) de la zone nord du Port Autonome de Dakar. Ce premier volet était un programme ferme que DPW devait réaliser dès l’entrée en vigueur de la convention de concession en janvier 2008;
2.La Conception, le Financement, la Réalisation, l’Exploitation et la Maintenance du Terminal du Port du Futur aujourd’hui appelé Port de Ndayane. Ce volet est un programme conditionnel.
Dans le cadre de la présente réflexion, c’est le deuxième volet de la concession qui nous intéresse à savoir le projet du port du futur que la convention de concession définit ainsi qu’il suit : Le port du futur désigne l’infrastructure qui devra être conçue, financée, réalisée, exploitée et maintenue par le concessionnaire (DPW) dans le cadre du second volet du projet. Il sera repris en gestion par le concédant au terme de la concession (…)
Le projet du port du futur de Ndayane dénommé : Ndayane est un engagement contractuel de DPW selon les termes de la concession de 2007. A ce sujet, il ne fait aucun doute que DPW est un partenaire sérieux de renommée mondiale. La société est une filiale du groupe Dubaï world qui est une société de participation appartenant au gouvernement Dubaïote. Elle est créée en 2005 à la suite de la fusion de Dubaï Port Authority (DPA) et Dubaï Port International (DPI).
Grâce à son professionnalisme et à son palmarès, la société DPW est devenue, en peu de temps, le troisième exploitant portuaire mondial avec à sonactifla gestion de 49 terminaux à conteneurs, dans 52 pays à travers le monde. Avec un partenaire d’une telle envergure, les négociations ne peuvent être faciles dans la mesure où chacune des parties va tirer le maximum d’atouts de son côté. C’est ce qui explique la longue période de négociations, ayant duré, une année et demie. Il faut, en outre, souligner que les lenteurs notées s’expliquent par le seul fait qu’il s’agit de l’avenir de plusieurs générations futures, de la discussion de données techniques d’importance capitale et de la sécurité de plusieurs milliers d’emplois. Ce nouveau cycle de pourparlers, dit de Dakar se tient dans un contexte où chacune des deux parties exprime une bonne volonté et de réelles dispositions pour la matérialisation concrète du projet. Du côté du Sénégal, il s’agit pour les plus hautes autorités, de doter enfin à notre pays d’une plateforme portuaire et logistique nous permettant de faire face aux nouvelles exigences du transport maritime.
Pour l’opérateur, cette détermination affichée et leur engagement s’expliquent pour des raisons hautement stratégiques. Il s’agit pour lui de faire de Ndayane une version africaine ou délocalisée du port de Jebel Ali qui, faut-il le souligner, est devenu le premier port en eaux profondes du golfe persique et le dixième port commercial du monde. Ainsi avec cet accord en vue, Ndayane est parti pour se positionner comme le géant africain dans la gestion du trafic conteneurisé de marchandasses. Le port de Ndayane, selon des études et projections pointues effectuées par des experts, sera sans doute l’une des plus grandes plateformes portuaire de la sous-région, voire de l’Afrique. Techniquement, les tirants d’eaux varieront de 18 à 20 mètres. Une véritable révolution et don de la nature compte tenu de l’importance du site. Ndayane sera un port logistique multimodal et multifonction avec une connectivité sur l’aéroport, la zone économique et l’intense réseau routier qui ceinture le secteur. La gestion moderne portuaire implique d’importantes réserves foncières. C’est pourquoi le futur port sera bâti sur un espace de 600 ha avec une logistique et des infrastructures de manutention de dernière génération pour un montant d’investissement qui va tourner autour de 1000 milliards.
Le délai raisonnable de construction ne dépassera pas 5 ans. Avec une telle infrastructure, le Sénégal sera enfin le lieu de passage des navires post-panamax ; ce qui permettra à notre pays de confirmer son leadership dans le secteur portuaire africain. En outre, il est aussi prévu l’aménagement d’une zone économique spéciale intégrée de 600 ha qui sera attenante au Port. Cette zone économique spéciale intégrée avec tout son paquet technologique et ses commodités va favoriser l’installation et le déploiement de plusieurs centaines de sociétés multinationales suivant les standards internationaux. La zone économique spéciale, va repositionner notre pays comme un pôle privilégié des investisseurs, mais aussi sera une bonne opportunité pour augmenter le volume de nos exportations.
En effet, le déploiement massif des entreprises multinationales pour la délocalisation de leurs activités dans la zone de Ndayane, va sans aucun doute créer plusieurs milliers d’emplois directs et indirects, mais contribuera à accroitre de manière drastique notre PIB et par la même occasion notre décollage économique. De même, avec les nouveaux projets d’autoroutes (Mbour/Kaolack et l’autoroute côtière Dakar-Saint Louis) ainsi que la forte volonté politique affichée par le Sénégal et le Mali en décembre dernier avec la création de la société DBF (Dakar Bamako Ferroviaire) avec comme mission principale le redémarrage du chemin de fer ; feront du port de Ndayane l’outil incontournable pour une meilleure prise en compte et des gains de trafic sur les pays sans façade maritime.
Pour toutes ces raisons, les populations de la localité de Ndayane et environs doivent d’abord se réjouir que leur localité accueille un projet d’une telle dimension. En effet, leur localité; Ndayane est entrée dans l’histoire, car le développement socio-économique du Sénégal partira surement de là-bas. C’est le lieu de rappeler que le port de Ndayane n’est pas exclusivement pour la localité mais pour tout le Sénégal, tant bien même que le projet prendra en compte les besoins de toutes les populations environnantes en terme d’infrastructures, d’emplois et de consolidation de certains de leurs acquis.
Pour ce futur port de Ndayane, le Port Autonome de Dakar avec DPW sera incontestablement au cœur de tout le processus en tant que concédant et autorité portuaire.
En effet, en tant que démembrement de l’état du Sénégal, il devra être au centre de tout le projet. Il lui appartiendra, au nom et pour le compte du Sénégal, de gérer tous les aspects ayant trait à la souveraineté nationale. La vocation première de tout port est l’exercice d’une mission de service public pour les populations, les usagers et les différents acteurs. Ainsi, en tant que concédant, il doit revenir au Port Autonome de Dakar la construction des quais, la construction du chenal d’accès, la gestion du pilotage des navires, la gestion du lamanage, la gestion de la sécurité et de la sûreté qui relèvent exclusivement de la puissance publique, ici incarné par le PAD. Cette légitimé du Port Autonome de Dakar dans le projet du nouveau port trouve son fondement à trois niveaux : 1.Le statut de concédant, 2.
Les limite du Port Autonome de Dakar s’étendent jusqu’à Sangomar (au-delà de Ndayane), 3.L’existence d’un personnel et d’une ingénierie portuaire outillées pour faire face aux défis de Ndayane. Ainsi, de notre avis, Ndayane ne doit pas entrainer la mort du Port de Dakar.
En effet, avec la réalisation du port de Ndayane, l’essentiel des compagnies maritimes arrêteront de desservir Dakar à cause des caractéristiques liées à la taille des navires et à leurs tirants d’eau. Ainsi, avec Ndayane, le Port Autonome de Dakar deviendra forcément un port de cabotage, de pêche, de plaisance et de passagers. Il ne fait aucun doute que la structure est au commencement de tout, car c’est grâce à elle que DPW a obtenu cette concession dont on discute en ce moment de l’avenant qui va générer le terminal à conteneurs ainsi que le port du futur. A ce sujet, Ndayane ne doit pas être vu comme un concurrent du Port Autonome de Dakar, mais sa suite logique pour les raisons suivantes : •Saturation actuelle du port,
•Port ceinturé par la ville ; ce qui exclut toute possibilité d’extension,
•Impossibilité de faire face au gigantisme des navires à cause de son statut de port naturel et de la configuration actuelle de ses quais et ses tirants d’eau.
Par ailleurs, dans une très grande majorité des cas, les ports, quelles que soient leurs natures et leurs spécialisations, relèvent d’abord de la puissance publique à cause du caractère de service public aux passagers et aux marchandises. Sous ce rapport, Ndayane ne doit pas être une exception quels que soient les moyens mis en œuvre par le concessionnaire pour sa réalisation.
Pour des raisons de souveraineté nationale, sa gestion et sa tutelle doivent revenir de plein droit au Port Autonome de Dakar qui est, au demeurant, la seule entité étatique à même de gérer un port d’une telle envergure. Selon les dispositions de la convention de concession, le concessionnaire (DPW) avait une obligation contractuelle de réaliser le terminal à conteneurs du port du futur qui devait lui revenir de plein droit dès l’achèvement des travaux, pour une concession de 25 ans. Il faut noter que les concessions sont bien encadrées par l’essentiel des institutions telles la Banque Mondiale, la CNUCED, le CNUDCI et le FMI et par notre propre législation nationale avec la loi CET (2014-09 du 20 février 2014 relatif aux contrats de partenariat modifiée). Sous ce registre, une concession ne peut dépasser une durée de 25 ou 30 ans. C’est pour cette raison que le Sénégal n’a d’autre choix que de s’aligner, car une concession ne peut durer 75 ans comme semble le vouloir le concessionnaire DPW.
À ce sujet, l’État du Sénégal tout comme DPW doit réaliser que la notion de risque est un des fondamentaux des concessions surtout le risque politique. Ces négociations de Dakar sont d’une grande importance pour le peuple sénégalais et son économie, parce qu’il s’agit de l’avenir de jeunes générations futures, mais aussi de notre économie nationale. Voilà autant de raisons, qui font que l’ensemble des acteurs dans ce processus (Etat, Concédant et différents intervenants) se doivent d’être armés d’un grand sentiment patriotique et être inflexibles, pour le bonheur de tout un peuple ainsi que pour l’intérêt du concessionnaire. Ce dernier représente un allié sûr et fiable qui a permis au Port Autonome de Dakar d’acquérir ses premiers portiques ainsi que divers outillages de manutentions. Ce concessionnaire (DPW) a du mérite pour avoir choisi notre pays pour ses atouts géographiques et sa stabilité sociopolitique avant d’investir pour la réalisation d’un si grand projet qui va hisser notre pays à un rang élevé dans le transport maritime international. Vivement que le rêve de réalisation du port en eaux profondes de Ndayane soit une réalité dans un délai raisonnable. La préservation des intérêts du Port Autonome de Dakar et la qualité de son personnel grâce auquel la vision et l’idée d’un port du futur ont beaucoup servi à l’éclosion du projet.
Alinard Ndiaye
Cadre portuaire
Spécialiste des Concessions Portuaires
Titulaire d’un Master 2 en management Portuaire et MaritimE