La décision du Président ivoirien de se limiter à deux mandats est sage et salutaire. Elle est source d’apaisement et de soulagement pour ceux qui redoutaient le pire, en souvenir indélébile des animosités qui ont gangrené la vie politique ivoirienne au point d’engendrer des atrocités ayant causé des milliers de morts et des blessures profondes de toutes natures.
Autant les Ivoiriens sont soulagés, autant leurs frères de la sous région Ouest africaine et de l’ensemble du continent le sont. C’est un truisme que de dire que la Côte d’Ivoire est un pays phare dans la zone géographique de l’Uemoa, l’Union économique et monétaire ouest africaine. Elle pèse lourd dans la balance avec une population importante et très jeune dont près de 40 % a moins de 15 ans sur plus de vingt six millions d’habitants.
En dépit de dix années de guerre civile et des affrontements armés après l’élection présidentielle de 2010, la Côte d’Ivoire réalise la croissance forte de la zone dont elle représente plus de 35% du PIB (produit intérieur brut). Elle a faibli par endroits mais n’a pas rompu avec les performances économiques réalisées sous l’impulsion de son actuel Président, Alassane Dramane Ouattara, brillant et méticuleux économiste international, ancien directeur Afrique au FMI (Fonds monétaire international), à Washington et ex-Gouverneur de la BCEAO, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest dont le siège se trouve à Dakar. Alassane, comme aime l’appeler un confrère ivoirien, a plongé définitivement par la suite dans la lagune politique, propulsé subrepticement Premier ministre par le président de la République d’alors feu Félix-Houphouët Boigny.
En octobre prochain, il mettra un terme à sa vie politique pour, dit-il, laisser la place à la jeunesse. Ainsi donc, deux mandats et c’est tout. Fin de vie au pouvoir ! Et puis après ? C’est justement cet après que redoutent presque tous les chefs d’Etat africains et qui pousse certains d’entre eux à s’agripper au pouvoir au point de tripoter la Constitution de leur pays ou d’organiser un hold-up électoral pour s’éterniser. Bon gré mal gré, le président Ouattara a dit ce qu’il doit faire : respecter ses engagements malgré les brèches constitutionnelles aménagées pour éventuellement sauter le pas du 3e mandat. Encore qu’en pratique démocratique normale, respecter les règles constitutionnelles auxquelles on souscrit au titre de dépositaire de la confiance d’un peuple ne saurait relever d’une prouesse. Mais pour ce coup ci, la décision est salvatrice en ce qu’elle décrispe le climat déjà lourd d’incertitudes du côté de la lagune Ébrié. Elle marquera aussi, à n’en pas douter, un pan de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire.
Au demeurant, l’annonce faite par le Président Ouattara a l’agréable mérite de freiner les ardeurs boulimiques et mégalomanes de chefs d’Etat africains gagnés par l’usure du pouvoir et installés dans un confort qu’ils ont du mal à quitter ou empêtrés dans des contradictions et imbroglios inextricables.
En réalité, l’usure du pouvoir tue le pouvoir en ce sens qu’elle installe la routine et déconnecte nos dirigeants de leurs concitoyens, notamment la classe jeune qui veut prendre sa place. Et à juste raison. Il est heureux que le président Ouattara l’ait compris, en souhaitant céder les clefs de son pouvoir ou de son Palais à une nouvelle génération. Après tout, qu’est-ce qui dure sur cette terre ? Quand c’est la fin, c’est la fin. Il faut aimer son pays pour le savoir. Alassane Ouattara dit qu’il aime la Côte d’Ivoire.
Alors, à nos vaillants chefs d’Etat, nous disons : AIMEZ VOTRE PAYS !