J’ai souvent écrit dans ces lignes que le dialogue national est non seulement une arme de distraction massive, mais aussi que c’est une immense perte de temps. La nouvelle proposition de la société civile pour la création d’un «ministère chargé des Elections et de la modernisation du système partisan» confirme que la société civile est souvent complice dans cet art permanent de la distraction massive. Le théâtre de mauvais goût ne fait plus rire personne.
Dans notre système politique où l’alternance est devenue la respiration naturelle de la démocratie et où les Présidents sortants Diouf et Wade ont organisé et perdu des élections, où l’opposition remporte souvent la mairie de la capitale face au pouvoir en place, vouloir créer un «ministère chargé des Elections et de la modernisation du système partisan» est un anachronisme démocratique. Cette idée aurait été pertinente il y a 30 ans, avant les alternances. Certains membres de la société civile, qui sont souvent à l’origine de ce genre de propositions, sont des rentiers de la tension politique qui cherchent toujours à créer une inflation institutionnelle pour caser leurs membres.
La démocratie n’a pas de prix, mais elle a un coût, et notre démocratie nous coûte trop cher, avec une inflation institutionnelle permanente. Dans une démocratie, les élections ne sont qu’une parenthèse qu’on ferme rapidement pour que le pays se remette au travail. On n’a pas besoin d’un ministère dédié aux élections, sauf à admettre que le Sénégal doit vivre dans une campagne électorale permanente. Nous voulons que notre pays fasse un grand bond en avant, mais pas qu’on nous ramène toujours en arrière avec ce genre de propositions anachroniques.
Nous n’avons pas besoin d’un ministère chargé de la «modernisation du système partisan». Notre système fonctionne bien, il se modernisera avec le temps, sauf que nous ne donnons jamais le temps à notre système, caractérisé par un éternel recommencement après chaque élection. Le système américain, qui est d’une extrême complexité, est devenu moderne avec le temps, car dans ce pays, on s’adapte aux règles du jeu définies il y a des siècles.
Chez nous, on adapte les règles du jeu aux conjonctures électorales. Ce qui fait que nous avons des traditions électorales très fortes, mais encore des traditions démocratiques très fragiles à cause des règles du jeu qui changent en permanence. Il n’y a pas d’institutions parfaites. Elles le deviennent avec le temps. Laissons le temps au temps pour parfaire nos institutions et utilisons notre énergie pour des problèmes réels !
Rien de révolutionnaire ne sortira du dialogue national. Le dialogue national ne fera pas faire à notre démocratie une grande avancée parce que le dialogue national cherche à trouver des solutions à des problèmes artificiels ; d’où des propositions artificielles comme un ministère chargé de la Modernisation du système partisan. Du dialogue ne sortiront que des propositions artificielles parce que notre pays n’a pas de problème politique. Nous avons élu un Président qui gouverne, l’opposition s’oppose et travaille pour la prochaine alternance, les magistrats tranchent les litiges, la plèbe se passionne pour l’affaire Dieyna, tout est normal. C’est parce que le dialogue n’a pas d’objet que c’est une perte de temps et une distraction qui nous éloignent des vraies questions.