Ainsi donc on peut vivre un monde sans champions League, sans Liga ni Serie A. Ainsi donc on redécouvre que, quand la réalité surpasse en horreur la fiction, nul besoin de cinémas, de théâtres, de stades.
Les méga stars planétaires sont confinées dans leurs luxueuses résidences, les aficionados n’en ont cure. Face aux équipes invisibles qui défoncent les défenses réputées infranchissables de l’Italie, de la France, des Etats-Unis, le recours au « catenacio » des frontières seul ne suffit pas. Alors on se souvient de la masse anonyme des héros qui veillent chaque jour, en chaque instant, sur le sort des milliards d’humains, du berceau à la tombe. On exhume de l’oubli infirmières, sages-femmes, médecins, agents de service d’hygiène, soldats, professeurs…la charpente d’une nation quoi ! Travailler au-delà des prolongations est dans la nature de leur sacerdoce. De nuit comme de jour, leur match pour la vie ne connaît pas de répit.
Ils crient depuis longtemps qu’ils n’en peuvent plus, nul ne les entend. L’équipe nationale de football en campagne internationale (Mondial, CAN) réclame-t-elle un palace digne de ses talents pour se loger, des primes à hauteur de celles des pays riches ? On lui versera des bonus, même quand elle perd la finale. Et il se trouvera des milliers d’avocats pour juger cela juste et bon. L’hôpital et le poste de santé, cela fait ringard : il faut des Dakar Arena, une arène nationale de lutte, un stade national de 155 milliards pour porter haut les couleurs du Sénégal et accessoirement faire quelques heureux riches. Tant pis si le pays compte moins de vingt appareils d’assistance à la respiration artificielle, à peine autant de lits pour la quarantaine, quoiqu’Ebola eût cogné à notre porte il y a cinq ans. Comme la première des sept trompettes de Jéricho ?
Quand sonne la deuxième, l’effroi devient national. On se tourne alors de désespoir vers ces héros qui ne jouent ni pour le plaisir ni pour les primes, qui exposent leurs vies et celles de leurs proches chaque fois qu’ils tentent d’en sauver. Du garçon de salle au chef de service, de la sage-femme au professeur émérite, ils font des miracles une vie durant et se retirent dans le plus parfait anonymat, avec des salaires à inspirer la commisération à n’importe quel intermittent du football.
Le Covid19 nous confronte à nous-mêmes, à nos faiblesses systémiques, à notre fortitude s’il en est : serons-nous assez lucides pour revoir notre modèle de société, qui place les héros vrais au bas de l’échelle et privilégie les rentiers et les « débrouillards » de tous acabits ? Une société qui se délecte des prophéties de diseuses de bonne aventure et de hâbleurs outrancièrement chamarrés et réfute les connaissances les mieux établies ?
Il y a très longtemps que le savoir et la compétence sont « minimisés » dans notre Pays. Le fait est devenu simplement aveuglant à l’occasion de cette crise. Un pays avec un système éducatif en en réanimation, un système sanitaire en soins intensifs, des pans entiers de son administration dans le sinistre, va droit dans le mur. Il est encore temps de refonder notre pacte républicain en consacrant la vertu de l’abnégation et en reconnaissant les vrais héros de la Nation : les guérisseurs de l’ignorance, des maladies, de l’insécurité…
Pour les aider à nous aider, suivons LEURS conseils, leurs SEULS conseils !!!
Thierno Alassane Sall