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Angoissantes Incertitudes

Angoissantes Incertitudes

Les ravages de la pandémie n’ont plus, pour les Africains, ce côté impersonnel que revêtent souvent certaines grandes calamités. En début de semaine, Jean-Michel Denis, grand spécialiste de la musique africaine, était emporté par ce virus. Puis, ce jeudi 19 mars, c’est Aurlus Mabele, le roi du Soukouss, qui s’en est allé. Pour cela, et pour mille et une autres raisons, l’Afrique, explique Jean-Baptiste Placa, doit se réveiller, et oser le sursaut qui lui permettra d’éviter le pire. Il répond aux quesiton de Laurent Correau.

Au-delà, justement, de la litanie plus ou moins effrayante des chiffres sur les ravages de ce virus, ces noms de célébrités viennent donner corps, dans les esprits, au Covid-19. Au rythme auquel se répand le mal, la vulnérabilité de l’Afrique apparaît sous un jour de plus en plus angoissant. Car le continent n’a jamais autant eu besoin de se ressaisir, jamais été, à ce point sommé de se réinventer. Mais pas par de timides réformes sans lendemain. Non ! L’urgence, ici, appelle un panafricanisme réel, robuste. Pour ne pas sombrer dans des circonstances comme celles que nous vivons, les nations se doivent, avant tout, d’accepter qu’elles n’ont aucun avenir durable dans de squelettiques chevauchées solitaires.

Et la plupart des États plus ou moins chétifs qui constituent l’Union africaine sont plus précaires que jamais. Car très peu ont les moyens de faire face, seuls, aux exigences de dangers comme celui-ci. Et lorsque, face à l’ampleur de la pandémie, les Chinois en moins d’une semaine, construisent, seuls, un hôpital comme l’Afrique en compte peu, les Africains ne peuvent que conclure à la nécessité, pour leurs nations, de se fédérer, si elles veulent survivre.

Admettez que les gouvernements font tout de même ce qu’ils peuvent ?

Sauf que les enjeux, ici, se situent dans des sphères bien plus élevées que ce que peuvent plus ou moins les gouvernements. Et d’ailleurs, vous aurez observé que certains régimes n’ont même pas été capables de simplement dire aux populations l’attitude à tenir. Comme par hasard, c’est presque toujours ceux qui déploient tous les moyens pour s’accrocher indéfiniment au pouvoir qui sont les plus lents à assumer les responsabilités allant avec le pouvoir en question. Plus prompts à précipiter l’organisation d’élections bourrées d’arrière-pensées qu’à répondre aux besoins impératifs de leurs peuples, plus habiles à priver leurs adversaires politiques de liberté qu’à assurer la santé à leurs concitoyens.

 

L’annonce de la fermeture de certaines frontières a même ramené quelques peuples à d’angoissantes perplexités, tant ils sont dépendants de leurs voisins. Aucun pays, sur ce continent, ne se suffit à lui tout seul. Mais, sans revenir aux temps immémoriaux, où les bergers passaient les frontières avec leurs troupeaux, sur la seule base d’une géographie des verts pâturages, les États africains ont l’obligation de s’extirper de la balkanisation léguée par la colonisation, pour se hisser à la périphérie des États-Unis d’Afrique. Pour reprendre le mot d’ordre et titre de l’ouvrage du Dr Kwame Nkrumah, l’Afrique, à la sortie de cette pandémie, doit, pour ne pas mourir, absolument s’unir.

En quoi cela règlerait-il des problèmes comme ceux de la pandémie à laquelle elle est confrontée ?

Il n’est pas pensable que l’Afrique, à chaque crise, doive se tourner vers d’improbables générosités venues d’ailleurs, alors qu’elle a les richesses, toutes les richesses, sur son sol et dans son sous-sol. Il n’est pas concevable que les médecins, les biologistes et autres scientifiques africains concourent au prestige des laboratoires et centres de recherches des pays dits riches, alors qu’en matière de recherches scientifiques, le continent demeure un désert désespérément stérile.

Les besoins de survie de l’Occident et des grandes puissances sont tels, aujourd’hui, que le temps n’est plus loin où, faute de pouvoir aider toutes les nations, les grandes puissances devront décider quels peuples, à leur avis, méritent d’être sauvés, et quels autres il faudra laisser couler, car il en coulera !







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