L’ambiguïté de la prière du vendredi 20 mars à Touba, c’est l’arrêté d’un gouverneur confinant la seule région de Dakar alors que la bataille du covid-19 est nationale. Et pour freiner le danger qui guette les Sénégalais, Paris vaut bien une messe.
Avec 800 cas sur 1.000 suivis, Touba présente une situation prise assez au sérieux par le président Macky Sall pour dépêcher le ministre d’État Muhammad Boun Abdallah Dionne auprès du Khalif général Serigne Mountakha Mbacké. Surtout que les prévisions des scientifiques sont alarmantes, se fondant sur le temps d’incubation du virus et sur le taux de prévalence au quotidien : les chiffres actuels pourraient être multipliés par plus de dix, de quoi préoccuper un pouvoir sérieux soucieux de la santé et de la vie des Sénégalais. L’Organisation mondiale de la Santé est également entrée dans la danse pour alerter les autorités sénégalaises sur les risques de propagation rapide de la pandémie.
Aussi Mouhammad Boun Abdallah est-il allé, sur recommandation du président de la République, défendre le dossier auprès d’un guide d’autant plus sensible à la crise du covid-19 qu’il avait pris les devants en appuyant fortement le pouvoir, à hauteur de 200 millions Cfa,et en interdisant certains grands rassemblements dans la ville sainte. Le Kazou rajab de ce dimanche 22 mars, trois jours après la visite du ministre d’État, a démontré le sérieux des autorités politiques et religieuses qui apparemment ont mieux compris l’enjeu sanitaire.
À l’appel du muezzin, Muhammad Boun Abdallah Dionne a prié ce vendredi 20 à Touba. Il a d’autant bien fait qu’il eût autrement commis le crime parfait : doublement obligé par le président Macky Sall et le très vénéré Khalif Serigne Mountakha, l’hôte du jour ne pouvait se dérober à cette obligation religieuse. D’autant que rien ne saurait s’y opposer. Certes, un arrêté du gouverneur de Dakar fermait les grandes mosquées dans la capitale et a suscité quelques interrogations, parfois musclées, qui ont fissuré l’unanimisme autour de l’appel du chef de l’État.
L’exclusion du reste du Sénégal de la décision pose problème : la guerre contre le coronavirus est nationale et il relevait de la responsabilité du gouvernement d’initier un arrêté ministériel fermant toutes les mosquées du pays. De là est née la rébellion qui se vérifiera encore la semaine prochaine si une mesure radicale n’est prise dans ce sens : loger tout le monde à la même enseigne, pour la sécurité et la santé de tout le monde.Tel est le combat pour la survie des Sénégalais, au vue du grand malheur qui frappe certaines grandes puissances impuissantes devant la pandémie ; au moins le Sénégal plie et ne rompt pas encore.
Dans l’immédiat, pour limliter au grand maximum les risques de débordement du foyer de la maladie et l’extension de la maladie, Paris vaut bien une messe !
Pathé Mbodj