« …Je crains qu’on aura en Afrique des millions et des millions de personnes infectées et même si la population est plus jeune que dans le Nord, il y aura nécessairement des millions de morts » !
C’est dans ces termes alarmistes et stigmatisant que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations-unies, Antonio Gutteres, s’est exprimé dans une interview accordée à France-24, portant sur le Coronavirus et sa propagation dans le monde.
Pourtant, le bilan de l’état d’évolution de la pandémie autorise à avoir une autre lecture plus optimiste. Selon une grande agence de presse occidentale, la situation du Covid-19, se présente comme suit à la date du 28 mars 2020 :
-« En Europe, 337 632 cas pour 20 059 décès auraient été comptabilisés.
-En Asie (sans le Moyen-Orient), il a été enregistré 103 478 cas pour 3 715 décès.
-Au Moyen-Orient : 43. 016 contaminations pour 2. 590 décès.
-Aux États-Unis et au Canada : 109. 459 contaminations pour 1.764 décès.
-En Amérique latine et aux Caraïbes : 11. 739 cas pour 232 décès.
-En Océanie : 4.139 cas pour 15 décès.
-En Afrique : 3.897 cas pour 117 décès !
Devant une telle situation, susceptible d’évoluer certes, l’ancien premier ministre portugais et actuel Secrétaire général de l’Onu, n’a pas trouvé mieux que d’indexer le continent africain et de prédire des millions de morts !
Comble d’ironie, il ne sollicite que 10% du PIB des pays développés (le G-20), c’est-à-dire, 3000 milliards de dollars pour faire face à la terrible crise humanitaire qu’il promet à l’Afrique !
Le semblant plaidoyer stigmatisant de M. Antonio Gutteres, n’est pas pour l’Afrique, mais contre l’Afrique.
Le Secrétaire général de l’Onu occulte volontairement, l’état actuel de la propagation de la pandémie, pour se projeter dans une fiction alarmiste, où l’Afrique ravirait la palme de la malédiction aux autres continents.
En effet, le continent africain est certes affaibli et honteusement exploité, mais, il se débrouille, comme tout le monde, sinon mieux que tout le monde, pour faire face au Covid-19, avec les moyens dont il dispose.
Il est vrai que le tableau ci-dessus évoqué, reste pour l’instant, très favorable au continent noir, mais cela ne doit guère conduire à un optimisme béat. Compte tenu de l’état peu enviable des infrastructures sanitaires en Afrique et de la pesanteur handicapante des services de la dette qui anéantissent les efforts consentis par nos États pour sortir la tête de l’eau, l’Afrique doit rester vigilante. Il s’y ajoute que les institutions de Bretton Woods notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, nées vers la fin de la 2 ème guerre mondiale (1944), n’ont pas apparemment pour mission d’aider l’Afrique à se développer. Les plans et schémas concoctés (pour) ou (contre) l’Afrique, contiennent plus de contraintes que d’atouts pour un continent sciemment morcelé par ceux qui ceux qui, hier, l’ont gouverné et l’ont pillé.
Les fameux plans de redressement structurel des années 80, avaient fini par étouffer dans l’œuf, les velléités d’industrialisation qui profilaient à l’horizon des premières années des indépendances. De nos jours, la plupart des investissements qui ciblent le continent engendrent des services de la dette, qui restent supérieurs aux montants des budgets alloués aux secteurs de la santé et de l’éducation. Cette situation à tous égards, déplorable, aurait dû amener le Secrétaire général de l’Onu, à dégager de meilleures pistes de sortie de crise pour l’Afrique, au lieu de nous servir un cocktail de malédictions qui nous rappelle, hélas, l’ère de l’Afro-pessimisme, que l’on croyait à jamais révolue.
La démarche maladroite d’Antonio Gutteres, pourrait être justifiée par son échec patent quant au règlement des principaux conflits en Afrique et dans le monde. Impuissant devant la guerre fratricide en Libye, en Syrie, au Yémen, au Mali, en Birmanie où les Rohingyas subissent un génocide silencieux et inhumain, en Chine et en Inde, où des minorités musulmanes sont constamment persécutées, M. Gutteres, n’a de solutions que d’oppose un silence coupable et une inertie qui intrigue tous ceux qui sont épris de paix et de justice.
Rattrapé par ces ratés à la fin de son premier mandat, M. Antonio Gutteres opte résolument pour une démarche de séduction envers les pays du Nord, se disant cyniquement, que ceux du Sud, pourraient être embrigadés au dernier moment, par ceux qui disposent d’un droit de veto.
Il appartient, dès lors aux Africains d’apprendre à se passer de la (mamelle) d’une mère qui n’est pas la leur.
Malheureusement, ce qui se passe sous nos yeux n’inspire guère un excès de confiance. Pendant que les 27 dirigeants de l’Union européenne se (réunissaient) jeudi 26 mars en visio-conférence, pour dégager une riposte commune face aux menaces du Covid-19, les dirigeants de l’Union africaine, ceux de la Cedeao ou même de l’Uemoa, étaient confinés, chacun dans son minuscule territoire, lorgnant une « aide précaire », venue d’ailleurs.
Les Etats africains sont sommés de mutualiser leurs forces, pour lutter ensemble ou perdre la face devant un monde qui se dé-mondialise à cause du Coronavirus.
Le Covid-19 nous enseigne, au moins, trois choses :
-Le modèle de gouvernance et développement économique et sanitaire que l’Occident nous a tant vanté naguère, n’est en réalité, qu’un château de cartons, dont les briques cèdent au premier coup de pioche. Ce modèle est plutôt un mythe inimitable.
-Le mode de gouvernance chinoise, en dépit de ses nombreuses imperfections, n’est pas globalement à rejeter. Il a des aspects positifs notamment en temps de crise.
– Les minuscules États en Afrique ou ailleurs, résistent difficilement devant de grands périls généralisés où le monde vit dans une situation de sauve-qui-peut. Il est impérieux, surtout pour les Etats africains, d’envisager une unité d’action, en attendant d’aller, à pas feutrés, vers de grands ensembles organiques, plus viables. Il y va de notre survie.
Les 3000 milliards, timidement réclamés par Gutteres, pour une aide humanitaire d’urgence à l’Afrique, traduit tout le mépris qu’il nourrit à l’égard du continent noir.
En prévision des dégâts collatéraux que va engendrer inéluctablement le Coronavirus, les pays africains auront, non seulement besoin, d’une remise totale de leurs dettes, mais aussi de ressources additionnelles conséquentes, susceptibles de booster des économies trop faibles pour résister à la charge virale du Covid-19.
On s’attendait à ce que le Secrétaire général de l’ONU abonde dans ce sens, plutôt que de spéculer sur le nombre d’éventuels morts du Covid-19, en Afrique.
Il revient cependant, aux dirigeants du continent, de tirer les leçons du Coronavirus. Face à un péril généralisé, on ne peut compter que sur Dieu et sur propres forces.
Je nourris l’espoir de voir une Afrique debout, après le Coronavirus, nettement différente de celle que nous a contée l’autre jour, le grand-père Antonio !
Mamadou Bamba Ndiaye