Mon intrusion dans le débat renvoie à un syncrétisme positionnel d’un formalisme de bon aloi, à toute épreuve. C’est vrai, tout choix est optionnel, mais l’irruption des cas communautaires dans le COVID 19, doit faire bondir les théoriciens des approches de communication. Globalement et sans coup férir, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale déroule une approche de communication de crise – avec heureusement, la participation des media – sous fond de leçons apprises, avec des résultats, certes diversement appréciés, mais bien pensée. Bravo. Le COVID 19 a réussi un tour de passe : bouleverser toutes les certitudes communicationnelles portées par plusieurs gourous. C’est aussi son charme. Bien honni qui mal y pense !
L’axe majeur de l’approche jusqu’ici considéré privilégiant le savoir sachant doit être réorienté. Nous devons inverser la charge de polarité vers les moins instruits. C’est le public jusque-là inconsidéré détenteur de « savoir profane » qui doit être désormais considéré pour gagner la guerre. Toute la difficulté y réside.
D’abord, parce que les vrais « spin doctors » doivent céder la place à un autre profil. Nécessairement, les sachants communicationnels, durant cette période, doivent s’atomiser. Un nouveau profil « mutatif » doit désormais prendre la parole. Ce sera une relation axiomatique, avec un « chef communautaire » en face d’un « disciple communautaire » qui doit être actionnée en plein régime. C’est ainsi que le disciple communautaire qui était auparavant passif, doit participer au contenu de la communication. Il passe d’un statut d’objet dans la communication, et dans l’apprentissage, à celui de sujet. Il n’est pas seulement auditeur ou téléspectateur, mais acteur. Le langage aussi devra fondamentalement changer. Le ton « pédagogique » et souvent « informatif » emprunté doit être plus performatif. Je dis, je fais et vous ferez pour avoir des résultats. Point. Toute forme d’explication doit être bannie. C’est difficilement compréhensible dans une approche où l’humain est au centre, mais, avec cette intrusion communautaire, la communication s’amende. C’est là où réside toute la substance de la nouvelle démarche à prôner.
Ensuite, nos outils rationnels doivent être relativisés. Les communiqués et conférence de presse ne font plus recette. Seule la radio et, dans une moindre mesure, la télévision doivent être mis en scelle, pour des interventions plus incisives. Car les disciples communautaires sont fortement ancrés dans l’usage de ces media. La preuve, ma contribution à travers les réseaux sociaux, ne sera pas accessible auprès des cibles communautaires. Or, c’est cette cible qui, au mépris du savoir, transmet insidieusement le virus pathogène à plusieurs génotypes sains. La suite, on la connait. Donc, le primat des outils institutionnel et moderne croule sous le poids des outils jugés « traditionnels et rétrogrades » dans cette nouvelle approche de communication communautaire. La puissance d’une parole d’un « chef communautaire », suite à l’accessibilité, telle une onde de choc, crée une catharsis nécessaire au changement de comportements souhaités et voulus auprès du disciple communautaire. Si l’on sait, par ailleurs que c’est la tranche d’âge 40-60 ans qui est la plus atteinte et le ratio H/F est de 0,98, source MSAS.
Enfin, pour avoir un engagement communautaire, il est impératif de maîtriser les habitudes des disciples communautaires de la tranche d’âge 40-60 ans, pour en saisir les vrais marqueurs identitaires. La proximité affective vers la sagesse renseigne que la charge du « Chef communautaire » sur cette cible segmentée est trop forte. Dès lors, faudrait-il imaginer des ressorts plus trempés dans la socio-culture des communautés que dans la fragile technicité apparente. En vérité, que vaut cette définition de Guy Bessette en cette période à connotation communautaire ? « La communication communautaire est une action planifiée, fondée d’une part sur les processus participatifs et d’autre part sur les médias et la communication interpersonnelle, qui facilite le dialogue entre différents intervenants réunis autour d’un problème de développement ou d’un but commun, afin d’identifier et de mettre en œuvre une initiative concrète visant à solutionner le problème ou atteindre le but fixé, et qui soutient et accompagne cette initiative ». Elle semble bien évanescente et chancelante au regard du mode de transmission de ce machin de virus.
En définitive, il se pose au Sénégal, en matière de communication, une problématique dans l’adressage de la théorie du changement. Des précautions principielles doivent être mises en avant, renforçant les conditions de succès et les piliers.
Les conditions de succès doivent être bien surveillées. Généralement, nous misions sur l’information et la sensibilisation, le plaidoyer et le dialogue social, le renforcement des capacités et la gestion des connaissances. Mais avec le COVID 19, les conditions de succès pourraient être ancrées dans la foi et la croyance. Quels sont nos référentiels ? Que croyons-nous ? La foi en nous-mêmes, dans une solidité absolue ou la croyance en un Maître absolu des cieux et des lieux. Vous le percevez, les conditions de succès sortent du domaine du rationnel. Il faudrait bien qu’on s’y attarde pendant la communication communautaire.
Les piliers de cette approche de crise reposent sur les gestes barrières et le confinement. Mais durant cette période d’introduction des cas communautaires, ne faut-il pas introduire dans les piliers, une connaissance de soi. C’est cette dernière qui prime et dicte les comportements. Toute la communication doit être orientée vers la connaissance de soi. Une œuvre délicate qui renvoie à notre statut virologique et à un tissu de comportements. Et si le « Chef communautaire » demandait aux disciples communautaires, en attendant de connaitre leur statut virologique, de respecter les consignes donnés par les professionnels de la santé. On s’en porterait que mieux. Tout est question de cibles ! Qu’Allah, dans son infinie mansuétude, protège Sa planète et Sa terre Sénégal.
Ousseynou Touré