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Corona Urbi Et Orbi

Corona Urbi Et Orbi

Invisible à l’œil nu, Covid 19 a contraint plus de 3 milliards d’hommes, de femmes, d’enfants de tous âges, de toutes nationalités, de toutes conditions sociales, à s’arrêter. Cette soudaine « horizontalité » nous met presque tous au ralenti sinon à l’arrêt, depuis des jours et des jours, à faire le compte d’un temps dont nous avions perdu la valeur. Sait-on seulement encore quoi en faire aujourd’hui ?

Le moment que nous vivons, pleins d’anomalies et de paradoxes, fait réfléchir quant à cette responsabilité partagée de sentir que de nos comportements dépendent non pas seulement notre propre sort, mais de celui des autres, de ceux qui nous entourent, et que nous dépendons aussi d’eux. Avec Covid 19, l’habit ne fait pas le moine, mais la pourpre fait le cardinal.

Des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux, montrent des chefs d’Etat ou d’autres personnalités non moins « puissantes », calfeutrés dans leurs bureaux ou dans des centres de décisions, portant masques et adoptant la distanciation sociale, dans une louable intention de gagner la guerre qu’ils ont tous déclarée à cet ennemi arrogant et brutal dont nous sommes tous, eux y compris de potentielles tranchées ambulantes. Ces décideurs brusquement débarqués de leurs rutilantes voitures regardent s’éloigner l’espérance d’un taux de croissance à deux chiffres, des bénéfices astronomiques ou autres gains, dans un écoulement de morve et dans un bruit étouffé de reniflements. « Le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas » : auront-ils cette sagesse ? Nul doute que des leçons seront tirées de la crise du Covid-19 sur le plan sanitaire, scientifique, de la recherche, des politiques sociales. Parce que si la politique politicienne est par essence approximative et manipulatrice, la démographie, la sociologie reflètent des réalités impossibles ni à éluder, ni à contourner.

Urbi, dans ces différentes prises de parole depuis que Corona nous empêche de dormir sur nos deux oreilles, le président de la République est apparu grave, donnant l’impression que le pouvoir vertical s’abaissait, que tout était devenu difficile pour lui et que tous les Sénégalais étaient utiles, toutes affaires cessantes pour colmater les brèches béantes ignorées jusque-là. Certains, voient dans cette attitude une feinte, et d’autres la recherche d’un second souffle.

Sans Premier ministre, avec un gouvernement en maraude (chacun tourné vers sa base politique pour offrir des vivres de grande consommation, mais surtout de savon et des antiseptiques), il est désormais vu comme responsable de tout et comme coupable de chaque échec. Ce qui ne l’a nullement empêché de demander à l’Assemblée nationale, qui l’a votée, dès la fin de son message à la Nation du 3 avril la loi d’habilitation, renforçant ainsi son pouvoir présidentiel. On dit que le premier mandat d’un Chef d’Etat lui permet d’imprimer sa marque, et que le deuxième lui consent de préparer sa place dans l’histoire. Il y a huit ans, on comprenait que M. Macky Sall ne voulait pas faire durer sa présidence en nous promettant de le raccourcir, aujourd’hui, on comprend qu’il veut faire durer son pouvoir.

Et l’Assemblée nationale, ce jour-là, à part quelques refus, a été comme une mer étale, sans rivalités vinaigrées entre parlementaires de bords différents et sans batailles rituelles de clans et de tendances où la surenchère est inévitable. Dans le même temps, il est étonnant d’entendre le président de la République, rendre hommage à tous ces personnels de santé et fonctions dont les voix et revendications ont été inaudibles, toujours dans un plan d’action ou d’observation de grèves, comme s’il avait oublié les revendications qui étaient les leurs et qui ne les avaient pas vues concrètement dissipées

Il est devenu courant d’entendre des revendications, doublées de suspicions légitimes qui s’élèvent fermement pour dire qu’elles surveillent comme du lait sur le feu les opérations de distribution de vivres. C’est à croire que tous les régimes politiques que ce pays a connu ont enraciné au plus profond de la conscience populaire, la foi dans l’inégalité, la conviction que seule la faveur décide, que pour avoir ce que l’on veut il faut non le mériter, mais le « décrocher ».

Recommandations, interventions, démarches, pressions « pistons », sont devenues pour beaucoup, la loi du « régime démocratique». De là, nait, de haut en bas et de bas en haut un louche compagnonnage de services mendiés et de services rendus, qui fait de l’intrigue et du « bras long », la base de presque toute relation. Covid 19 nous jette à la figure (ce que nous devinions/savions) que le Sénégal est gangréné de petits comités de patronage, qui, en s’obligeant les uns les autres, créent deux catégories de citoyens : ceux à qui ont dit oui, même quand ils ont tort, ceux à qui l’ont dit non même quand ils ont raison.

Dans cette période de fort tangage, Covid 19 a inauguré la mise à jour et en lumière d’hommes et de femmes qui, jusque-là, mis en marge de la presse et des médias d’informations générales ont révélé des talents particuliers pour leur science et pour leurs paroles, introduisant ainsi des légitimités et de nouvelles représentations. « Ce qui se conçoit bien s’annonce clairement, et les mots (les maux ?) pour le dire, arrivent aisément », nous sortant ainsi de ce contexte de capharnaüm, amoncellement de platitudes et de lieux communs desquels s’échappent plus que d’habitude des perles nauséabondes, privilégiant l’ignorance sur l’apprentissage, la distraction sur le travail, l’imitation sur la création, l’anarchie et la désolation sur le vivre-ensemble S’il est vrai que notre histoire, faite de défis et de frondes contribue à accréditer l’idée d’un peuple réfractaire et difficile à discipliner, il n’en demeure pas moins qu’une camisole de force a été cousue pour tous ces spéculateurs, importateurs de thermoflashs, qui au rythme, aux prix, aux commandes exponentielles, nous feraient croire qu’ils ont des vertus curatives du Covid 19.

Cette mesure de bon sens devrait désormais amener l’Etat, à l’avenir à l’appliquer pour toutes marchandises pouvant faire l’objet de spéculations suite à des pénuries soudaines ou provoquées. Il nous épargnerait dans le même temps ces cris d’orfraie si souvent entendus lors des passations de marchés qui sont devenues de véritables chasses à courre. Et orbi? Il parait qu’ «il y souffle un vent tiède et humide qui détend toute rigidité, rend lâche ce qui tenait ferme. On est presque tenté de se frapper la poitrine pour l’audace que l’on a d’être en bonne santé ». L’Europe et l’Amérique, qui représentaient jusque-là le paroxysme de leur aboutissement, le modernisme et le libéralisme pur ont été touchées en plein dans leur chair. Aujourd’hui, l’heure y est au recueillement, au comptage macabre des « martyrs » et à la traque effrénée de ce coupable, cet ennemi, si narquois, à qui la guerre a été déclarée, et qui a pris le dessus sur les discours lénifiants et sur toutes les réalités du monde qu’elles croyaient dominer.

Et Covid 19, en ces moments perçus cruciaux, confirme cette formule de Lord Byron, « les destins changent de chevaux, forçant l’histoire de changer de ton ». Cette année 2020, est incontestablement différente des autres, même si, aucune année n’est semblable. Et ceux qui, comme moi, vivons ce moment, la fête de Pâques sera presque gâchée parce que sans ngalakh, mais jamais oubliée

Calame







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