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Ma Maison, La Rue !

Ma Maison, La Rue !

Il vous est certainement arrivé, dans la rue, à un carrefour, au coin d’un feu rouge, d’avoir été interpellé par de petits talibés tendant la sébile, le regard un peu hagard, parfois plein d’intelligence, illuminant un visage marqué par les souffrances d’une vie malmenée par la précocité des épreuves intimes.

Abandonnés par leurs parents biologiques, confiés à des « daaras » portés par « des maîtres » qui les jettent dans la rue avec la mission d’assurer leurs rentes journalières, ils sont tenus de rapporter une somme d’argent, du sucre, du riz (…). A un âge censé être celui des insouciances heureuses, flottant dans des habits sales, trop amples par endroit, la peau parsemée de cicatrices, ils affichent sur des corps et des visages lavés par des larmes de tristesse, l’indignité et la brutalité de leurs quotidiens.

Combien sont-ils de petits talibés ? Combien sont-ils d’enfants dont la maison est la rue, abandonnés de tous, chapardant dès qu’ils peuvent, soumis aux intempéries, exposés aux risques de tous ordres, au viol, à la maladie, à l’alcool, à la drogue ?

 Selon des chiffres publiés par l’Ong Human Watch Rights et le Samu Social, ils sont quelque 100.000 pour les premiers, 7000 pour les seconds, à avoir basculé dans les expériences douloureuses de l’arrachement et du déchirement.

Loin des parents, loin de leurs repères. Il n’est donc pas étonnant, à la lecture de l’émouvante lettre ouverte des enfants-talibés (lire ci-contre), que leur demande fondamentale soit de se rapprocher de leurs parents. « Au nom de l’humain », ils exhortent le chef de l’Etat à les « aider à retourner pour toujours » auprès des leurs.

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Echaudés par leurs expériences, ils appellent à la construction de « daaras modernes intégrant l’enseignement général ». Tout en précisant ne pas vouloir d’internats, afin que leurs parents puissent assumer leurs responsabilités. Bien que lourd, le traumatisme de l’abandon ne devrait pas pour autant les pousser à jeter le bébé et l’eau du bain. Les internats ont en effet eu à jouer un rôle important dans la vie de nombre d’élèves, pour leur avoir permis de se retrouver dans des conditions matérielles et pédagogiques propices à l’apprentissage.

 L’envie de retrouver la chaleur et la sécurité du concon familial rencontre toutefois des situations empêtrées dans les difficultés à satisfaire les besoins vitaux : boire, manger, dormir. Aussi, nombre de familles de talibés ont-elles préféré se défaire de leur progéniture. On ne saurait cependant s’en arrêter là, pointer du doigt la seule irresponsabilité parentale. Il en est une autre relevant des prérogatives exclusives de l’Etat. Il a en effet, à l’endroit des talibés et des enfants de la rue, une obligation de réparation, pour avoir précisément manqué à ses obligations constitutionnelles. Ainsi la loi d’orientation de l’Education nationale indique-t-elle, en son article 3 bis, que « la scolarité est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans ». Qu’elle « est assurée gratuitement au sein des établissements publics d’enseignement ».

Et elle précise : «Il est fait obligation aux parents, dont les enfants atteignent l’âge de 6 ans, de les inscrire dans une école publique ou privée. Les parents sont tenus de s’assurer de l’assiduité de leurs enfants jusqu’à l’âge de 16 ans ».

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A défaut, « tout enfant âgé de moins de 16 ans et n’ayant pu être maintenu dans l’enseignement général, est orienté vers une structure de formation professionnelle ». Parce que la loi définit de façon claire et cohérente les droits et devoirs de chacune des parties, la détresse exprimée dans la lettre ouverte au président de la République met à nu les graves manquements de l’Etat par rapport à ses propres engagements. Il reste alors aux associations civiles et politiques d’ester en justice car la condition insoutenable des talibés et des enfants de la rue raconte, surtout en cette période de pandémie de coronavirus, le non-respect de la loi.

A ces organisations donc de contraindre les décideurs à remplir leurs obligations.

CALAME







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