La situation est de plus en plus claire maintenant, l’Afrique ira vers la récession de son PIB. Une récession arrive quand la valeur de la richesse produite dans l’année courante est inférieure à celui de l’année passée.
Les pays africains vont perdre de 3 à 5 points en moyenne de croissance en 2020, selon les dernières prévisions des organisations spécialisées (FMI, Banque Mondiale, BAD, Agences de notation).
Ceux qui avaient les meilleurs taux de croissance du continent (entre 5 et 6%) combinés à une certaine stabilité des structures de production échapperont peut-être à cette récession globale. Il s’agit probablement de l’Ethiopie, du Kenya, de l’Ouganda, du Mozambique, du Rwanda, des pays de la CEDEAO à l’exception du Nigéria, du Liberia, de la Guinée Bissau et dans une moindre mesure du Mali. Pour le Sénégal, les dernières estimations prévoient une décroissance jusqu’à moins de 3%.
Le problème majeur qui se situe dans toutes ces prévisions actuelles demeure l’impossibilité de savoir la fin exacte de la crise, malgré les énormes mesures de contingence sanitaire, sociale et économique prises partout dans le monde. Toutes les prévisions supposent une reprise timide de l’activité économique à partir de juillet 2020 et normale à partir de Septembre 2020.
A défaut, un prolongement de la pandémie au-delà de ces prévisions serait juste une catastrophe à tous points de vue pour nos économies.
Qu’entraîne une récession :
L’économie est une chaîne liée et connectée, les entreprises produisent, gagnent de l’argent, donnent une partie aux travailleurs, et partagent le reste entre elles et l’Etat. L’ensemble des trois entités utilisent cette richesse créée en le consommant ou en l’épargnant.
Quand les entités (Etat, travailleurs, entreprises) consomment, le cycle de production reprend de nouveau, les entités investissent leur épargne dans des facteurs de productions (matières premières, services, emplois, recherche et développement), créent de la richesse qui croit avec l’augmentation de la demande due en partie aux « nouveaux venus » dans le marché (naissances, progrès, progression, comportements).
L’Etat, sur ce qu’il gagne dans ce processus permet de soigner tout le monde y compris lui-même, de garder la paix, de favoriser les conditions accrues et stables de création de richesse (formation, régulation, infrastructures et au secours quand tout va mal). (Etat gendarme-Etat providence).
Si une récession surgit, elle entraîne une réduction de la taille du gâteau, les travailleurs reçoivent moins (Licenciement, chômage partiel), L’Etat aussi (moins de dépenses pour soigner, éduquer, garder la paix…), itou pour l’Entreprise (pas d’épargne, pas d’investissement, pas d’achat de services, ni de matières premières et…de nouveau recrutement).
En gros, une récession entraînera une augmentation du taux de chômage, une baisse de la consommation, des dépenses publiques et tout ce qui s’en suit en conséquence sociale.
Quand ces cas arrivent les Etats ont dans leur rôle de maintenir la meilleure situation possible (sauvegarde de l’emploi, de la consommation et des capacités d’investissement des entreprises) tout en se maintenant en vie, étant lui-même un agent de l’entité et garant du bon fonctionnement de tout l’écosystème, c’est ce qui entraîne les plans d’assistance ou plans de soutien.
Pour survivre actuellement, l’Etat du Sénégal a prévu d’injecter 1000 milliards permettant de faire face, son « bras de financement de l’Economie », la Banque centrale a accru les ressources monétaires (pour les 8 pays quand même) de 340 milliards par semaine pour un total de 4750 milliards, assouplit certaines règles de financement, de faire reporter des échéances en cours, etc. (Sic).
Le perfusion de l’Etat devrait permettre de faire face aux lourdes dépenses sanitaires contre la maladie (69 Mds), à maintenir la consommation des ménages quasi-intacte (survie, aides sociales) pour 100 milliards, de vacciner les entreprises à 657 Mds et de se soigner lui-même (couvertures des pertes de recettes) à 178 Mds.
Cette intervention, adossée à des conditions, permettra à la structure de production de ne pas totalement flancher, à défaut, on se remettrait des années à le relever.
Seulement, toutes ces mesures n’empêcheront pas une baisse de la croissance, parce que les entreprises sont connectées au niveau mondial, ils ont besoins du cultivateur ukrainien qui leur fournissent du blé, confiné chez lui, du riziculteur indiens, confinés chez lui également, de l’ouvrier des champs pétroliers d’Aramco Arabie saoudite, également confiné chez lui, et de la main d’œuvre du sénégalais lambda à qui on de demande de « rester aussi chez lui sagement ».
Mais elles permettront (ces mesures) de ne pas amener samba Khoule au chômage, lui donnera sa part, même réduite, du Gâteau qui n’est pas ou peu produit, et favorisera à Samba de continuer à acheter…entraînant la continuité du cycle de production. Aucune chaine ne doit se casser entre la production et la consommation, c’est la règle principale de résilience d’une économie.
Enfin, pour financer ces 1000 milliards, l’Etat n’avait besoin que de chercher 783 Mds en liquide, le reste étant des renonciations de recettes effectives (remises de dettes fiscales, exonération, suspension TVA).
Il a bénéficié d’un apport externe de ses bailleurs de fonds principaux à hauteur de 586 Mds (74% des besoins) [Fonds monétaire international (264 milliards), la Banque mondiale (138 milliards), la Banque ouest africaine de développement (26 milliards 749 millions), la Banque islamique de développement (98 milliards), la Banque africaine de développement (60 milliards).]
Les Sénégalais eux-mêmes (individus et entreprises compris) ont apporté 15 Mds dans l’escarcelle (en moyenne 800 FCFA par personnes).
Pour le reste des coupes et réduction budgétaires le comblera, il s’agit pour ces coupes et sans suspenses les frais de voyages en première ligne et des dépenses courantes principalement. On touche en dernier ressort les investissements et les salaires.
Ces mesures, bonnes ou mauvaises, acceptables ou faibles, sont adossées déjà à d’énormes contraintes, dont la principale est la perte de recette de l’Etat, et des critères macroéconomiques à surveiller (niveau de la dette, pression fiscale limitée, déficit budgétaire) tout un casse-tête et…Le pire est que tout est bâtis sur des hypothèses d’une fin de crise dont on ne connait quasiment pas l’issue.
NB : Quelque chiffre pour se faire une idée des …chiffres de notre économie.
Le Sénégal c’est en moyenne (référence 2019) :
– 1177 milliards CFA de richesses produits par mois, 38 Mds par jour, 1.6 Mds/heures
– 9 millions de personnes en âge de travailler et 7,7 millions environs qui ont une occupation rémunératrice. Un taux de chômage officiel de 15%. Environ 4 personnes sur 10 ont un emploi salarié.
– Chaque personne active au Sénégal apporte en moyenne 152.000 F de richesse à l’économie, en comparaison, la moyenne mondiale est d’une personne contribuant 1,859 millions de FCFA à l’économie (sources BM) soit un taux de productivités de 8% par rapport à la capacité moyenne mondiale. (92% d’oisiveté économique).
– L’Etat a gagné en 2019 en moyenne par mois 213 Milliards de recette, a dépensé 332 milliards et a consommé 119 milliards d’emprunt. 62 des 332 milliards dépensés par l’Etats ont été en salaire pour environs 143 milles fonctionnaires et Cie.
– Ces chiffres rapportaient à un niveau plus bas permet de comprendre notre immense retard : L’Etat paie en moyenne 433.000 FCFA à ses supports pour permettre au Sénégal de produire 152.000 de richesse par travailleur. En comparaison avec la France, leur Etat paye en moyenne 1,464 millions de FCFA à ses supports pour garantir une production de richesse de 5 millions par travailleur. Cela ne signifie nullement qu’on ait un trop plein de fonctionnaires, nous en avons que 8 pour 1000 habitants, là où les pays développés ou émergeant pointent à plus de 50 pour 1000 et des pics de 150 pour les pays scandinaves.
Bachir Diop est Diplômé d’Analyse et Politiques économiques
FASEG/UCAD 2006