CONTRIBUTION
Au train où vont les choses, dans ce tragicomique feuilleton de la distribution de vivres aux populations de notre pays, nous serons passés à côté de l’essentiel, mais il se pourrait bien qu’au final, le Sénégal réussisse la prouesse d’être le pays le moins touché du monde. Simplement parce que le Coronavirus, malin comme il est, fait tout pour éviter d’attraper « le Sénégalais », qui rendrait risible son statut de « tueur » à la face d’un monde transi de trouille.
Les bonnes réponses apportées par le chef de l’Etat aux journalistes de RFI et de TV5, sur nos méthodes et nos objectifs face à la menace du Covid-19 qui pèse obstinément sur le Sénégal, ont été vampirisées, comme d’habitude, par le brouhaha traditionnel dans lequel se noient toujours nos responsabilités pas prises devant l’Histoire, à laquelle ce sacré virus nous offre pourtant l’opportunité d’en écrire de nouvelles et belles pages.
La prestation du président Macky Sall faisait penser à ces couples qui reçoivent des amis à déjeuner et qui devant leurs hôtes se donnent du « mon chéri », « mon amour », et qui une fois ceux-ci partis, se remettent chacun dans leur coin, ne se disant plus rien. Tout roulait dans ses propos. On en avait presque oublié ces soupçons de scandales qui font hélas, les « Unes » de nos quotidiens. Jusqu’à la brusque question subsidiaire d’un des journalistes, qui sans aucune précaution de langage, demanda à Macky Sall si l’implication du frère de son épouse dans cet imbroglio, n’allait pas avoir pour conséquences les hésitations pour le coup légitimes des institutions qui nous ont promis leurs aides. En Gaulois dans le texte : « tout ce pognon de dingue va-t-il encore une fois servir à se payer des bolides et des palaces avec piscines » ?
Réponse de l’époux qui recevait : « face à de telles problématiques, tellement urgentes dont je viens de vous parler, on ne va tout de même pas abaisser le niveau de notre docte discussion, avec de telles mesquineries ». Ben voyons ! D’ailleurs, il n’a pas tort puis que la presse en fait ses choux gras et nous feuilletonne avec gourmandise, ces agissements de vandales, alors qu’il faudrait les traiter comme ce qu’ils sont en réalité : de gravissimes crimes économiques.
Dans ce cirque obscène auquel nous convient nos politiciens, il ne manque que Bob Geldof, ce rêveur qui avait eu l’idée de sauver l’Ethiopie de la famine. Quel est notre problème ? Le Coronavirus ou les millions de tonnes de riz à se partager et à distribuer ? Pourquoi les maires des communes ne se disputent-ils pas le titre de la commune qui aura vu le moins de cas communautaires apparus sur leurs cités ? Il n’y en a pas un seul qui fait le tour des maisons pour recommander gestes barrières et responsabilité devant cette pandémie, expliquant à leurs ouailles que le Covid-19 n’est en rien une MST, et qu’il ne faudrait pas en avoir honte au point de le dissimuler pour mieux l’éparpiller.
Cette responsabilité du président Macky Sall face à l’Histoire aurait voulu que le jour de la réception des tonnes de riz, il s’avance, tel un Général en guerre, non pas vers son frère et son beau-frère, mais vers le chef d’État-major de nos armées, auquel il aurait donné la superbe occasion, après un 4 Avril sans défilé, de faire corps avec la nation entière. Quel spectacle de voir une armée mobilisée par la distribution de denrées, hélicoptères voletant, camions déversant vivres et conseils dans une discipline que seule l’armée peut inspirer. Quel message nous avons manqué de pouvoir diffuser d’une armée en mission humanitaire, même si sous certains uniformes bougent des sénégalais « comme les autres ».
Au contraire, il nous est offert le spectacle d’un homme qui transpire à grosses gouttes en délivrant son incantatoire probité face à un peuple, qu’il était tellement plus urgent de mobiliser sur les conditions de sa survie et de sa projection vers le monde d’après Covid 19.
Nous avons eu droit depuis des jours à la propagation du « Crocovid-221 ». Là, nous sommes immunisés contre la honte, et sommes tout disposés à être avec fierté « LA RIZEE DU MONDE ».
Au grand Bal des tocards, nous ne serons assurément pas l’orchestre…
Jean Pierre CORREA
Le Sénégal « rizée » du monde ? (Par Jean Pierre CORREA) – L'info continue en temps réel.