Pourquoi le décollage économique du Sénégal n’est-il toujours pas une réalité, en dépit de l’existence d’un capital humain sénégalais relativement riche? Cette question soulevée par M. Daniel Aschheim, Chef de Mission Adjoint de l’Ambassade d’Israël au Sénégal, avait fait l’objet d’un débat passionnant autour d’un dîner traditionnel juif auquel nous avions assisté; il y avait autant de réponses que de personnes attablées, mais la question resta encore entière à la fin du dîner.
Le Covid-19, une opportunité
C’est récemment en lisant une contribution de Jacques Attali sur l’actualité de la maladie à Coronavirus (Covid-19) que nous avons obtenu un début de réponse à cette interrogation. En réalité, « l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur» ou quand elle est confrontée à d’importants défis. Ce constat de Jacques Attali n’est-il pas illustré par le génie sénégalais qui semble se réveiller à l’ère du COVID19 ? Les arguments socio-économiques, artistiques et technologiques jusque-là apportés par les Sénégalais vont dans le sens de prouver qu’une catastrophe ne vient jamais seule, elle regorge toujours d’opportunités.
Le rassemblement du corps social sénégalais
Chaque Sénégalais, aujourd’hui, peut s’identifier à un autre Sénégalais luttant directement ou indirectement contre le Covid-19. Par exemple, le Fonds FORCE Covid-19 a été doté des contributions financières suivantes : 2000F, 5000F et 10000F respectivement versés au Trésor Public par des citoyens Sénégalais (A.D, Mme M.N et A. N). Ces montants symboliques montrent tant l’élan solidaire de leurs auteurs que leur compréhension que seul le geste pour la nation compte. Les initiatives contre le Covid-19 démontrent l’union de tout le corps social sénégalais : individus, association de marchands ambulants, association de tailleurs, familles religieuses, familles coutumières, diaspora, secteur privé, secteur public.
Une pluralité d’innovations
Le COVID19 a provoqué comme prise de conscience le fait que l’économie ne doit pas être au-dessus de tout le reste, nous assistons, en conséquence, à la mise en avant d’arguments non économiques pour venir à bout de la maladie à Coronavirus au Sénégal. Ainsi, conscients de l’universalité de leur langage, des artistes sénégalais ont peint des fresques illustrant les gestes barrières sur des murs de l’Université Cheikh Anta Diop, au même moment des chanteurs de diverses sensibilités musicales ont produit des chansons de sensibilisation.
Sur le plan scientifique et technique, ces dernières années, le gouvernement a beaucoup insisté sur le déficit d’élèves dans les filières scientifiques, mais avec l’avènement de cette maladie, des prouesses scientifiques et technologiques ont été notées. La plateforme numérique Covid-19 renseignant sur l’état de la maladie au Sénégal, les gels hydro-alcooliques fabriqués (à Dakar) par des élèves de l’Ecole Supérieure Polytechnique et (à Ziguinchor) par des étudiants de l’Université Assane Seck, et la machine solaire de distribution de savon liquide sont autant de marques du génie sénégalais en ces temps de Covid-19.
Les enseignants chercheurs sénégalais ne sont pas en reste, avec le prototype de respirateur artificiel développé par quatre enseignants chercheurs, les docteurs Ibrahima Guéye, Ahmed Mouhamadou Wade, Mamadou Lamine Diagne et Ousmane Seydi de l’Université de Thiès. Enfin, sur le plan de la sensibilisation, l’Université Gaston Berger et l’Université Alioune Diop de Bambey reflètent le plein sens du concept de Responsabilité Sociétale de l’Université, au travers de la plateforme 100000 étudiants contre le Covid-19, une initiative se présentant aux étudiants en ces termes : « saisissez l’opportunité de faire partie des héros de la nation en participant à la sensibilisation sur le Covid-19 ».
Au Sénégal, on ne parlait que du génie militaire mais après cette pandémie, nous aurons le loisir de parler des génies médical, socio-économique et technologique ou tout simplement du génie sénégalais.
Cheikh Tourad Traoré,