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L’annulation De La Dette, Une Justice Sociale Et Economique Rendue A L’afrique

L’annulation De La Dette, Une Justice Sociale Et Economique Rendue A L’afrique

La pandémie du Coronavirus va plonger les états du monde dans un cycle d’endettement infernal. Elle a mis l’économie mondiale sous assistance respiratoire par intubation au moyen de la dette. La crise du COVID-19 coûte aux états des centaines de milliards de dollars de dette à cause du confinement qui provoque une baisse de l’activité économique. Cette crise sanitaire est aussi une crise d’inégalités entre les pays et les peuples. Les projections et les perspectives sont plus sombres pour l’Afrique que pour n’importe quelle autre région du monde : des millions de morts et de victimes de la faim.

Le panier de devises de référence

Mais tous les états ne sont pas égaux par rapport aux effets néfastes de cette dette. Les états dits développés, possédant les monnaies qui composent le panier des devises de référence ont plus de facilités de faire face aux affres de la dette. La Chine peut payer sa dette ou ses importations par son Renminbi, les USA par leur Dollar, le Japon par son Yen, l’Europe par son Euro et le Royaume-Uni par sa Livre Sterling. Leurs banques centrales respectives vont financer toute leur dette. L’Afrique n’a ni cette possibilité ni cette opportunité car sa dette est libellée en devises étrangères.

Le prix de l’argent

Le prix de l’argent est excessivement cher en Afrique comparé à celui de l’argent dans les pays du nord qui sont à des taux d’intérêts négatifs et nuls. Un dollar de dette coûte 3 à 4 fois plus cher. Ce faux prix inéquitable de l’argent est justifié par la surévaluation des risques de sécurité encourus en Afrique dont ils ne seraient d’ailleurs pas étrangers. Dans ce contexte, la charge de la dette publique africaine (intérêts de 6%) devient 6 fois plus lourde que la charge de la dette des pays occidentaux. La charge de la dette baisse en Europe alors qu’elle nous étouffe en Afrique. Si ce taux d’intérêt était pratiqué par les banques américaines, tous les dollars traverseraient les océans pour atterrir et se réfugier en Amérique. Il en résulterait une forte appréciation du dollar. Dans notre cas aucune monnaie africaine n’a profité de ces taux exorbitants, au contraire elles se déprécient. C’est d’ailleurs, tout le sens de la monnaie commune (pas de monnaie unique, c’est un autre débat) qui serait la base monétaire de tous nos échanges commerciaux et financiers internationaux. Elle jouerait le rôle de monnaie continentale à côté de nos monnaies nationales comme le dollar américain a joué le rôle de monnaie internationale à côté des monnaies nationales de tous les pays. Notons en passant qu’un taux d’intérêt négatif est intuitivement et rationnellement incompréhensible et inacceptable. Il ne peut être que le résultat d’un gangstérisme financier auquel on a confié notre droit régalien de contrôler la monnaie. Nous avons accusé la planche à billets de créer de l’inflation, le gangstérisme financier nous apporte non seulement l’inflation, mais aussi la spéculation financière à l’origine des crises telles que celle boursière de 1929 et celle bancaire de 2008 liée aux subprimes. Cette crise de 2008 a couté des milliards de dollars au contribuable européen et américain dont leurs états sont venus en sapeurs-pompiers pour éteindre le feu allumé par cette classe de gangsters financiers égoïstes et voraces qui ne se nourrit que de rente financière. Notre système financier peut mobiliser les états pour sauver les intérêts de créanciers privés tapis dans des banques mais reste insensible aux crimes sociaux commis par un endettement qui ne finit de dévorer toutes les ressources ainsi que la croissance de nos économies africaines.

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Taux de croissance vs taux d’intérêt

Il faut remarquer que fixer un taux d’intérêt au même niveau ou plus qu’un taux de croissance est économiquement irrationnel. La tendance à la baisse des taux de croissance en Europe a entrainé le nivellement vers le bas des taux d’intérêts. Mais l’Afrique ne peut pas en profiter à cause des prétendus risques d’instabilité et de sécurité de ses états.

Le mécanisme de règlement de la dette

La dette mondiale représente trois fois le PIB mondial, c’est-à-dire la richesse mondiale. Elle ne peut donc être jamais payée. Le mécanisme de remboursement de la dette publique est une technique financière qui ne fait qu’augmenter la dette. On paye la dette par la dette (soule bouki, souli bouki). La dette des états augmente continuellement, les services de la dette s’envolent, grignotent des marges progressivement sur le budget chroniquement déficitaire, affectent la dynamique des dépenses sociales pour se traduire en termes d’instabilités sociale, politique et économique (pauvreté, inflation, ignorance, chômage, maladies, insécurité, incapacité, nonchalance démocratique, émeutes,….). L’Eldorado financier du monde L’Afrique est devenue l’Eldorado financier du monde. Nous avons les plus fortes rémunérations du capital financier dans le marché intérieur comme extérieur. Nous avons des prairies favorables à la fructification et au développement du capital financier international. Nous avons de la croissance, nous avons des matières premières, nous développons nos infrastructures, nous sommes bien connectés au reste du monde,… Autant nous aiguisons l’appétit des gangsters financiers, autant nous devons transformer ces avantages en atouts pour imposer notre droit à une justice économique et sociale.

Les mécanismes de répartition des richesses et le nouvel ordre mondial

De l’esclavage à la colonisation en passant par l’organisation mondiale du commerce (OMC) et l’endettement administré, nous avons été toujours victimes du partage des richesses et des patrimoines de ce monde. A travers l’esclavage, l’Amérique a disposé de l’énergie renouvelable la plus valorisée de l’époque, la force humaine des esclaves plus productive que les machines dans l’exploitation des plantations de canne à sucre. Le nombre d’esclaves était pris en compte dans le patrimoine des maitres qu’il rendait les plus riches de leur classe. Le travail forcé et l’exploitation des ressources de l’Afrique imposé par le système institutionnel violent de la colonisation ont dépecé le continent de sa richesse au profit de la France et du Royaume-Uni. Cette forte contribution de l’Afrique à travers sa force de travail et ses ressources dans le progrès économique, scientifique et technique de la planète a été mise sous silence, ignorée voire banalisée. Les mécanismes violents de la dynamique de la répartition des richesses et des patrimoines dans le monde ont toujours agi en faveur du plus fort et au détriment du plus faible. L’expropriation par la violence et la force n’a jamais été légitime ni juste.

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 La conscience humaine n’a pu supporter l’injustice de ces horreurs. Des voix comme celle d’Abraham Lincoln se sont élevé pour exiger l’abolition de l’esclavage et d’autres la libération des nations africaines. Ces traitements inhumains qui heurtent la conscience démocratique en violant le droit des peuples à la liberté et au développement se réadaptent dans le contexte nouveau de la mondialisation par le libre échange régi par le cadre institutionnel international, l’organisation mondiale du commerce. Il s’agit de déployer l’appareil commercial partout en confinant l’appareil de production qui crée des emplois dans les pays développés. Ce nouveau mécanisme de répartition des richesses était accéléré par la détérioration des termes de l’échange qui transfère toujours nos revenus vers les pays du nord. Cependant, ce mécanisme de libre échange commercial sera dénoncé et remis en cause par les USA parce qu’il ne les arrange plus.

Le mécanisme n’est plus performant ni efficace pour canaliser la richesse du monde vers leurs économies. Le mécanisme de libre-échange redistribue leur appareil de production à l’extérieur, au-delà de leur zone et frontière, en Chine notamment. La Chine est devenue l’atelier du monde qui ruine leurs emplois par la délocalisation d’entreprises doublée d’une agressivité commerciale féroce qui secoue profondément les bases de leur libéralisme économique. Toute leur richesse est tirée vers la Chine de la même façon que l’Afrique l’a subi sans crier. Ils brandissent maintenant l’arme du protectionnisme, en violation flagrante du dogme libéral du libre-échange. Il ne leur reste plus que le mécanisme de l’endettement à des taux d’intérêts usuraires pour continuer à pomper nos ressources. La présence de la Chine sur tous les fronts (financier, commercial, industriel,…) les empêche de plus en plus de déséquilibrer l’échange en leur faveur. Plus encore, la Chine revendique, à la place du panier des cinq devises, les monnaies de référence officiellement reconnues par le FMI et auxquelles le DTS se laisse convertir, une monnaie internationale par rapport à laquelle toutes les monnaies sont d’égale dignité. Ils constatent que tous leurs avantages liés à l’ordre et aux mécanismes qu’ils sont établis sont en train d’être chahutés par la Chine. Pour survivre, ils doivent se réadapter en se réorientant vers de nouveaux sens et un nouveau jeu plus juste et plus équitable. Le nouvel ordre international se fera, avec la Chine au centre du jeu, pour renouveler les enjeux du bonheur humain fondés sur la paix, la liberté, l’égalité, le progrès économique, social et démocratique et le bien-être écologique.

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Mobiliser le leadership africain

L’après Coronavirus serait fatal à nos économies. Il ne faut pas minimiser les prévisions des institutions internationales, elles sont bien informées. Sous une dette qui explose, les conséquences peuvent aller du chômage à l’aggravation de la pauvreté, en passant par des coupures sur les salaires, des réductions de dépenses publiques sur la santé, l’éducation, les subventions,…. Le président Macky Sall, bien conscient de ces revers éventuels a voulu anticiper en exigeant l’annulation de la dette. Il ne doit pas rester solitaire dans ce combat. Nous saluons la mobilisation de tout le leadership africain pour l’accompagner dans ce combat que nous pouvons gagner. C’est un combat politique, ce n’est pas un combat de spécialiste, même si cette bataille a besoin d’une légitimation et d’une légitimité technocratique. Le déterminisme politique de la répartition des revenus et des patrimoines porté par les mouvements sociaux, syndicaux, politiques et des sociétés civiles a toujours triomphé du déterminisme économique des technocrates. Ce combat pose la problématique des inégalités sociales et économiques entre les pays et les peuples sous l’angle de la répartition juste et équitable des richesses et des patrimoines de la planète.

Résumé

En résumé, l’annulation de la dette se justifie par le privilège que détiennentles pays développés dont leurs cinq monnaies composent le panier de devises internationales d’user de la planche à billets. En outre, le service de la dette qui est chargée d’intérêts usuraires augmente chaque année et grignote les dépenses sociales en creusant le déficit budgétaire. Le mécanisme de paiement de la dette publique fait que l’on ne peut jamais la payer entièrement. La dette même effacée en partie se reconstitue rapidement. Les états paient les intérêts sur la dette et enroule le principal (de l’argent virtuel, voir mon blog seneweb) dans une nouvelle dette qu’il faut encore continuer à payer. On paie la dette par la dette en s’endettant toujours à nouveau. Le service de la dette grossit, grossit encore, grossit toujours, avec une dette qui luimême ne peut cesser d’augmenter. On se retrouve donc avec un budget qui risque d’être complètement englouti par le service de la dette. On n’est donc obligé d’effacer la dette qui s’accumule ou une partie à défaut de pouvoir la rembourser. Les bailleurs sont d’ailleurs bien conscients de cette situation, qui les pousse à annuler de temps à autre la dette de quelques pays ciblés. L’objectif de l’annulation de la dette est d’apporter à nos états une bouffée d’oxygène qui leur permet de prendre correctement en charge leurs dépenses de santé et d’éducation mais aussi et surtout de relancer leur économie. Merci de rendre cette justice sociale et économique à l’Afrique.

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop Initiateur du RBG-AMO

Opérateur politique







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