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Artemisia « Malgache », Prenons-en De La Graine

Artemisia « Malgache », Prenons-en De La Graine

Il était une fois, un patient couché sur le billard dans une salle d’opération, en attente d’une incision qui devait le débarrasser d’un furoncle. L’anesthésiste, comme de bien s’entend,  lui explique qu’il va lui faire une anesthésie locale. Et le patient de protester avec énergie : «Ah non docteur, une anesthésie oui, mais pas locale, mais comme en France !». Local, dans la compréhension de notre malade, équivalant à dépréciation, voire de mauvais aloi. N’est valable que ce qui vient de l’extérieur. Penser globalement et agir localement ? Au-dessus de nos têtes et de nos capacités confinées.

La réaction de nombre d’Africains à l’annonce par le président malgache, de la «découverte » d’un remède au coronavirus, grâce à une plante dénommée «artemisia», est source de réconfort. Habituellement cette plante, réputée efficace est utilisée principalement dans le traitement du paludisme et dans certains cas de typhoïde, depuis des siècles en Chine (encore elle!) et en Afrique.

La fierté légitime que peut éprouver l’Africain à qui on  dénie tout, jusqu’à son identité d’humain et qui, matraqué par un destin auquel il a fini par se soumettre, est compréhensible. Il n’en demeure pas moins que l’ignorance de ses propres capacités et des extraordinaires ressources déployées par cet autre Africain, debout et conquérant semblent être la marque de fabrique de nos élites et de nos dirigeants.

Au Sénégal où l’artemisia est cultivée depuis plus d’une vingtaine d’années, des structures de santé le prescrivent aux populations pour prévenir et soigner le paludisme. Notre pays fait partie de 23 pays du continent qui ont été ciblés pour le lancement d’un essai clinique sur l’efficacité de l’artemisia contre le Covid 19. La presse internationale et locale -y compris des sites d’information- bien de chez nous, en ont parlé à foison.

Qu’est qui explique alors cet engouement soudain pour, que le Président du Sénégal tienne tant à «féliciter Madagascar et son Président », «André » comme il l’appelle familièrement, «pour cette bonne nouvelle qui nous vient de la grande Ile pour cette thérapie qui pourrait venir  d’une de vos plantes (sic) d’après ce que j’ai appris. Ce serait un grand honneur pour toute l’Afrique de savoir qu’un de nos pays parmi les terroirs les plus beaux, les plus magnifiques, qu’une solution mondiale pourrait venir de l’Afrique».

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Doctement, «André»  s’est appliqué à expliquer à notre Président admiratif et approbateur, les prouesses de la recherche médicale malgache. «Nous avons à Madagascar, une plante (…) plus de mille tonnes d’artemisia et en fait la meilleure qualité au monde» a-t-il décliné avant de vanter le «produit bien étudié et bien élaboré» et l’excellence de l’Institut malagasy de recherche appliquée, crée depuis 1957 ».

« André » a donné de la voix. Indiqué une voie ?

C’est un Président sénégalais subjugué qui a sauté sur l’offre marketing du chef de l’Etat malgache,  pour réclamer des échantillons «pour les mettre au niveau du service des maladies infectieuses où il font le traitement déjà», tout en s’empressant d’assurer son interlocuteur de sa volonté de passer commande : «nous serons disposés à acquérir, selon les modalités mises en œuvre par Madagascar».  «Courage et force à nous M. le Président», a conclu sentencieusement « André,  là où son prospect (son futur client) lui donne du «je salue tout le peuple de Madagascar et bravo pour ce que tu fais aussi ».

Cette démarche qui consiste à vouloir acheter ce qu’on a déjà chez soi, produit par les paysans sénégalais encadrés par les bénévoles de la Fondation «la maison de l’artemisia», les mêmes qui ont appuyé et accompagné les chercheurs congolais, (les plus en pointe sur la question) et malgaches, présents dans la moitié des pays africains, est pour le moins surréaliste.

Le président malgache se targue d’avoir la meilleure plante, certes. Les spécialistes disent qu’il y a deux espèces de plantes de cette famille. L’artemisia annua connue en Chine et ailleurs depuis des millénaires et l’africaine (ils ne disent pas malgache !), l’artemisia afra. La première doit être acclimatée pour pousser en Afrique avec des semis annuels, tandis que la seconde, la nôtre, la bonne vieille africaine, considérée comme une plante miracle,  se présente sous forme de buisson, est facile à entretenir et peut avoir une durée de vie d’une cinquantaine d’années, explique-t-on. On attend de voir les particularités de la « malgache » tant vantée par notre îlien

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A Sébikotane, Diass et surtout Tivaouane, où officie sous la guidance d’un ingénieur agronome belge, installé dans la Ville sainte,  M. Pierre Van Damme, une équipe de 17 personnes, les actions de vulgarisation de masse de l’artemisia, considérée comme une véritable plante contre le paludisme, sans effets secondaires, sont déployées face à une opposition farouche, déterminée des lobbies de l’industrie pharmaceutiques, des laboratoires, de certains médecins prescripteurs liés à ceux-ci, activement soutenus par l’organisation mondiale de la santé (OMS).Cette dernière, faut-il le rappeler, tire l’essentiel de ses ressources de Fondations et d’Etats ayant pour souci, de préserver les intérêts des firmes hégémoniques dans cette véritable guerre du médicament.

Les propriétés prêtées et/ou reconnues à cette plante présentent autant de bienfaits pour nos populations que de risques de «bliztkrieg» pour les sangsues de la finance internationale. Jugez-en: d’après ses promoteurs, la plante soignerait, outre le paludisme, la fièvre, les maux de tête, la constipation, les règles douloureuses, l’acidité de l’estomac, la bilharziose, l’ulcère, le diabète de type 2, etc.  Excusez du peu !

Nos chercheurs, à l’instar du Professeur Diallo de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, certains des membres du personnel soignant dans les zones péri-urbaines et rurales, nos paysans et des partenaires africains et étrangers  ont fait de l’expérimentation,  des protocoles de validation et de la vulgarisation de l’artemisia, à des fins de prévention et curatives leur principale préoccupation. Ce que l’on n’arrive pas à réaliser, c’est comment l’Etat du Sénégal a pu (ou feint) ignorer  tous ces efforts endogènes au point d’exposer de cette manière le Président de la République à un tel étalage de méconnaissance de ce qui se passe dans le beau et magnifique pays «qu’il dirige? » Est-il dans son pouvoir de prendre des échantillons et de les transmettre directement aux services des maladies infectieuses, et si avis favorable de ceux-ci, éventuellement passer commande à Madagascar d’un produit disponible à domicile ?

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Sans tenir compte du parcours scientifique que tout médicament doit emprunter avant validation, sur la foi des déclarations du Président malgache et des résultats de son institut de recherches appliquées, alors que nos scientifiques observent strictement le protocole de recherche et d’essai clinique sur cette même plante?

S’il est vrai qu’en dehors de son effet non encore prouvé sur le coronavirus, ce que l’on sait déjà de l’artemisia plaide largement et à suffisance, pour sa valorisation et sa popularisation, une fois la validation scientifique éprouvée et reconnue.

Madagascar montre la voie de ce qu’un travail sur soi,  par soi et pour soi peut produire de bienfaits, charriant au passage une fierté légitime et une émulation. L’homologue familier « André » a su créer l’événement pour faire la réclame pour son pays et ses produits, en affectant de donner l’exemple en tenant la dragée haute à l’Occident. Tout l’inverse d’une posture de communication mettant en avant un leadership claironné, avec pour gage la stabilisation du système international qui enserrera davantage nos pays,  à la faveur des ravages du Covid19. Leçon d’histoire: si on veut être écouté, il faut être à l’écoute des moindres  pulsations de son peuple!

Quitte à s’obliger, à descendre « au ras des pâquerettes » et s’inquiéter du détail qui tue, ne serait-ce que pour nettoyer les écuries d’Augias !







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