Ah le vautour ! Voilà un oiseau jadis vénéré dans l’antiquité, depuis les peuples amérindiens (pour sa bonne fortune) jusqu’en Egypte où il symbolisait les valeurs maternelles (Mout), en passant par la cité antique de Rome où les augures en avaient fait leur oiseau de prédilection.
Mais bien des siècles plus tard, il suscite répugnance et mépris. Un délit de faciès ? Sûrement pas, parce que ce nécrophage a la fâcheuse manie de parader de façon indécente autour d’une proie encore agonisante comme on festoierait en pleines funérailles ou l’on danserait autour d’une tombe.
Cependant il existe une autre race de vautour bien plus répugnante et méprisable : nos politiciens, ces prédateurs structurels de nos deniers publics quelque soit la conjoncture. Et cette pandémie de Covid19 ne fait pas exception.
Pourtant, non sans être naïfs, bon nombre de nos concitoyens face à ce Covid19 avaient « pour une fois et une fois n’est pas coutume » (rien n’est de trop) accorder une présomption de bonne foi à leurs gouvernants, avec la ferme conviction (qui rend sourd et aveugle) que la maladie, la mort et ce qui s’y accole rapproche l’homme de Dieu.
Mais c’était mal connaitre le politicien homosenegalensis qui, en bon charognard, a tôt fait de sentir l’odeur du sang. Et comme l’habitude rassure en ce sens qu’elle perpétue le familier, le quotidien au détriment de la nouveauté, les tentatives inédites de Macky Sall de retenir ses troupes n’eurent aucun effet sur cette horde, par lui, nourrit de scandales en tous genres et d’une impunité à toutes épreuves. Et nous voilà, spectateurs malgré nous du grand bal des vautours.
Et en guise d’ouverture de bal qui de mieux que celui qui est, non pas parce qu’il pense, mais juste parce qu’il est beau-frère du président. Celui-là même qu’on a voulu sauver de la noyade en l’extirpant du ministère de l’hydraulique pour finalement le perdre dans ses propres sueurs lors d’une tentative d’explication-intimidation qui n’a fait que l’enfoncer dans le kébab.
Et comme un crime n’est jamais parfait, le prix du riz de 275fcfa/kg que le ministre et ses laveurs à grande eau ont brandi comme étant le meilleur du marché est en parfaite violation de l’arrêté ministériel nº 7111 en date du 22 mai 2013 portant administration des prix de l’huile en fût et en dosettes, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé qui fixe le prix du kilo à 240fcfa/kg (prix importateur), 245fcfa/kg (prix grossiste) et 260fcfa/kg (prix détaillant). D’une part on n’hésite pas violer allégrement un arrêté qui protège le consommateur et d’autre part on s’accroche à l’arrêté Ousmane Ngom de 2012 comme si sa survie en dépend.
Dès lors on est en droit de se demander ce que cache cette frénésie dépensière qui privilégie la cherté au détriment du moindre coût et un surcoût des frais de transport du riz au détriment de la gratuité (ne serait-ce que d’une poignée de camions). Et les menaces n’y feront rien…
Mais hélas le riz n’était que l’épi qui cache une rizière de nébuleuse. Selon les Echos, ce qui s’est passé dans l’attribution de l’huile et du sucre relève juste de la sorcellerie. Le président de l’Unacois qui s’est taillé 50% du marché n’a pour seule et unique expérience dans le domaine, que les quelques tâches de sandwiche et de soda sur la friperie qu’il importe. Jamais il n’a importé une goutte d’huile ni n’a fait entrer un demi-morceau de sucre dans le pays.
L’acte 2 du bal des vautours qui a pour décor le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS) revêt les atours d’une commande de 2 milliards en équipements et médicaments contractée hors des sentiers battus et loin des radars fouineurs de la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA) pour qui c’est le rôle assigné et assumé. Ce que l’intersyndicale de la PNA n’a pas tardé à qualifier de nébuleuse dans la mesure où elle-même avait déjà, sur instruction du MSAS, fait une commande de 5 milliards de ce même matériel dont un stock d’un milliard est déjà réceptionné dans ses magasins et un autre de 2 milliards est en cours de réception.
Et là on retrouve les mêmes procédés que pour l’attribution du sucre de l’huile parce que, d’après toujours l’intersyndicale de la PNA, la personne qui a raflé la mise est inconnue au bataillon. Sûrement un pèlerin en partance pour Médine et La Mecque qui passait à tout hasard devant les grilles du ministère et à qui on n’a pas manqué d’allouer des moyens de l’état dans un extrême élan de générosité des plus désintéressés.
Cela est d’autant plus regrettable que c’est une mauvaise pub de plus dont le MSAS aurait pu se passer, après sa sortie calamiteuse contre le Professeur Seydi dont le seul tort est d’être plus visible que le ministre lui-même sur la photo de famille. Et les explications du MSAS, consistant à dire qu’il n’est pas obligé de passer par la PNA, sonnent plus comme un aveu. Sinon pourquoi reprendre une commande déjà faite et dont une partie est disponible? Pourquoi n’avoir pas mis les moyens de l’état à la PNA (qui est une structure publique) pour une meilleure diligence dans la commande déjà passée? Et quels sont les critères qui on prévalu dans le choix du privé au détriment de la PNA dont c’est le rôle?
L’acte 3, quant à lui, porte la signature du Comité de suivi de la mise en œuvre des opérations du fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid19 (Force Covid19) mis sur pied par le décret nº 2020-965 du 17 avril 2020. « Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre d’années » dit-on, mais aux âmes mal nées l’antivaleur n’attend point le nombre d’années. Voilà un comité de suivi qui non seulement a été mis en place suite à un énième reniement de Macky sall (il avait annoncé un comité de pilotage) mais qui arrive bien après le démarrage d’opérations dont il est censé suivre la transparence de « façon proactive et inclusive » et qui, comble de malheur, se signale dés sa première réunion du 30 avril pour une histoire indécente de perdium de 3.5 millions par membre (d’après l’Observateur). De l’argent en partie récolté grâce aux dons de bonnes volontés pour venir en aide aux plus démunis et aux secteurs impactés par la crise. Le plus sordide dans l’affaire c’est que plus de 95% de ces membres sont payés (ou ont été payés) gracieusement dans leurs activités en cours (ou passées) dans le public ou dans le privés. Et c’est l’occasion de remercier ceux-là parmi les membres du comité qui ont su dire « non ».
Malheureusement pour le bas peuple (les petites gens comme disait Chirac) la clôture du bal n’est pas pour demain la veille. Ces oiseaux de mauvais augures, toujours aussi affamés, entendent bien profiter de l’hécatombe générale.
En Afrique, il est évident que cette pandémie du covid19 ne fera pas les mêmes ravages qu’en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie, pour des raisons indépendantes de la volonté de nos décideurs politiques. Par conséquent, qu’on ne vienne pas nous faire croire que le constat est mondial et qu’un vent qui emporte des éléphants doit inévitablement avoir raison des mouches, comme a commencé à le faire Macky Sall en parlant de « nouvel ordre mondial » par un mimétisme béat qui frise la pathologie. Non ! Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà (Pascal).
Au Sénégal cette pandémie du covid19 sonne comme un test positif à l’incompétence notoire, la corruption, le détournement des deniers publics et l’impunité.
Abdou Coly.