Dame justice vient de donner son verdict : deux policiers marseillaiscondamnés pour enlèvement et séquestration d’un jeune réfugié afghan !Sans revenir sur les détails de cette affaire qui peut faire sourire du côtéde Dakar, ce sont les enseignements qui m’intéressent !Chez nous, le confinement a commencé avec des images insoutenables decitoyens, dont, ironie de l’histoire, des membres du personnel soignantde certains hôpitaux, les nouveaux héros populaires et, des citoyens dontle seul tort avait été de ne pas avoir trouvé un moyen de transport pourrentrer avant l’heure du couvre-feu. Les pauvres ! Ils ont été humiliés,malmenés, brutalisés, parfois sans sommation par des agents de sécuritéqui s’en donnaient à cœur joie. Dans l’une des vidéos, un jeune agenttentait maladroitement de justifier son acte : « Puisque vous ne voulezpas rester chez vous on emploie les gros moyens ! ». Les images, prisesdepuis certains balcons, avaient enflammé la toile, créant un énième tollésur la violence des agents chargés de veiller à notre sécurité. Les autoritéss’en étaient, parait-il émues. Une haute autorité de la police, peu frileusen’avait pas hésité à poser le débat devant ses hommes à Touba, commeun procureur burkinabé du reste, pour rappeler aux agents ce qu’ilssavent déjà, la règle sacro-sainte de ne pas user d’une violencegratuite, injustifiée, asymétrique et, contre-productive sur de pauvrescitoyens ! Ce débat si récurrent vient d’ailleurs d’être relancé suite à uneintervention très musclée des éléments du commissariat de Thiaroye auquartier Nietty Mbaar de Dieddah Thiaroye Kao.Au cœur de cette polémique liée à ces scènes de bastonnade d’une autreépoque, certains, loin de s’en offusquer, s’étaient délectés de ces imagesvirales, partagées dans les réseaux sociaux assaisonnées de toutes sortesde commentaires ! Ainsi on tentait même d’expliquer cette violence,jugée « sympa » ! « Les sénégalais sont têtus ! » Diantre ! Rien que cela ?Pour eux, les « âmes sensibles », se devaient d’accepter cette règle tacite,non écrite nulle part, mais importante parce que ces coups « serviraientde leçon et éduqueraient les sénégalais » ; elles, ces candides, n’avaientdonc qu’à détourner les yeux le temps que les « tontons macoutes »fassent le ménage pour débarrasser la rue de ces citoyens inconscients !Dans une discussion passionnante mais correcte, un « ami » m’avaitopposé la thèse dont je viens de parler ci-dessus, me rappelant un articledu code pénal qui stipulerait qu’un « agent qui obéirait à l’ordre d’uneautorité lui demandant d’user de violence n’aurait pas de compte àrendre. » Je me demande si existe dans le code pénal. Mais jelui avais fait part de deux observations :
- Une autorité, un commissaire de police, peut donc, si on se base sur, demander à ses agents d’embarquer manu militari unpharmacien qui aurait simplement refusé de violer la loi pour luivendre un médicament sans ordonnance ! Aussi ces agents seraient-ils épargnés de toute sanction !
- De même des gendarmes peuvent, obéir à leur commandant debrigade, et tabasser tranquillement un agent de police qui seraitintervenu dans une zone qui leur était dédiée ! J’ai longuement attendu la réaction de mon ami, qui entre quarantaine, confinement, cas contacts ou communautaire a dû oublier d’éclairer malanterne ! Moi je pense qu’on ne peut accepter qu’une police, même nationale puisse se permettre de passer à tabac un humble réfugié afghan, quand bien même il viendrait de la lointaine Kaboul ou de ses environs et, baragouinerait un français à peine approximatif ! Même s’il commet le délit de violer un couvre-feu ou un confinement ! On ne lève pas la main sur un refugié ! On ne lève pas la main sur un citoyen ! J’ai dit à une vieille dame, pour simplifier, « pensez-vous, qu’une personne dont vous participez à payer la tenue, l’arme, le véhicule, l’essence, puisse vous taper dessus parce que vous êtes sortis à une heure indue ? »Le colonel Yoro Koné, chef du corps expéditionnaire de l’arméesénégalaise lors de l’intervention en Guinée Bissau disait : « Ce quidifférencie les forces de défense et de sécurité des gangsters est trèssimple, toute l’action des premiers est assujettie au respect de la loi ;sinon ils deviennent des bandits de grand chemin. »La police est un maillon important de la chaine de sécurité qui permet à la République d’être forte sans que les citoyens ne soient écrasés sous son poids ! Mais toute son action doit être encadrée par la loi, comme du reste le veut la devise de ce corps d’élite « Dans l’honneur au service de la loi », il serait bien qu’elle se contente de sa mission régalienne si essentielle au lieu d’en rajouter. La loi, rien que l’application de la loi !Mais quand quatre gaillards, s’acharnent sur un pauvre homme, qui loin de résister, tremble d’effroi ou, à terre bien menotté, n’étant donc plus une menace. Personne ne comprend cette barbarie ! La loi donne aux agents une panoplie de sanctions, qu’ils peuvent appliquer à leur guise ! Ces pratiques, marginales, mais hélas, si nuisibles à l’image de la police, ne reflètent pas le comportement de la majorité des agents ; mais elles finissent par devenir une sorte de cliché négatif, une impression forte et têtue qui reste gravée dans la tête des citoyens !
Moustapha Diop