Changer n’est pas facile ; abandonner les vieilles habitudes qui deviennent certitudes à force d’être répétées ; remettre en cause notre manière de faire qui s’impose à nous comme une routine instinctive, inscrite dans nos manières de penser ; avoir le courage d’aller à contre-courant de l’image que l’opinion a façonnée pour nous dans la position où nous sommes ; refuser les avantages alors que les moyens illicites d’en profiter sont disponibles ; s’abstenir d’ostentation lorsque griots et laudateurs sont prêts à nous bâtir une généalogie et un hymne trafiqués ; accepter l’humilité de toujours apprendre, se former et se cultiver ; avoir le courage de s’investir au service de son pays et de son peuple sans rien demander en retour que le juste salaire qui nous revient ; vivre sa passion, son engagement et son amour pour son prochain, son peuple, sa patrie plus que sa propre personne, sa propre famille ; enfin inscrire son projet de réussite personnel dans le grand programme d’émancipation de son pays et de l’Afrique.
Changer, c’est avant tout, décider, accepter, trouver un avantage moral, éthique, spirituel, intellectuel, avoir un intérêt à changer. Nous le savons, les mentalités survivent longtemps après la disparition des conditions matérielles qui leur ont donné naissance. Comment alors dans une société qui a une tendance atavique à toujours revenir sur ses pas, à ramener les vieilles habitudes sous des oripeaux plus destructeurs, à couper les têtes qui débordent, à ensevelir l’individu sous le diktat de la communauté plus préoccupée par sa survie que par sa transformation, l’individu peut-il assumer son individualité et son autonomie pour s’en extirper et oser une remise en cause salvatrice ? Et pourtant tel devrait être le destin de l’intellectuel africain !
Entre le pouvoir, les pouvoirs qui imposent soumission et exécution de directives écrites, le plus souvent non écrites et plus contraignantes, les exigences d’une représentation sociale de la réussite, de l’utilité et de la considération, il est difficile de trouver un chemin taillé à sa propre personnalité, sans tambours, ni trompettes, sans heurts, pour bâtir un engagement patriotique sincère à construire son pays. Le changement de mentalité, le changement tout court, la naissance d’une forte communauté ouverte et engagée dans la transformation de la société, passent par l’éducation et la formation qui doivent transcender l’éducation et la formation disciplinaires qui sont certes très importantes. Cependant elles ne suffisent pas à former les citoyens nouveaux qu’impose la marche vers le monde nouveau qui se construit sans notre permission.
De la Chine communiste aux États-Unis capitaliste, la formation de la citoyenne et du citoyen est au cœur du projet de société mis en œuvre. Ce n’est pas une affaire de système économique et social encore moins une question idéologique, c’est la prise de conscience de la nécessité de mobiliser toute la société vers la réalisation d’un objectif dont il faut la convaincre de son bien-fondé et l’engager librement, volontairement à être partie prenante de sa mise en œuvre. Tout est en train de changer sous la pression des idées, des fake news, des nouveaux outils, des méthodes, des moyens de pression, de la manipulation et de la soumission des esprits.
L’Afrique, les pays africains sont soumis à une pression énorme et constante venant de l’extérieur. La peur, la perte de confiance en soi, la perte de confiance par rapport aux autorités et à toutes les autorités, la création de multitudes de nouveaux pôles dont la légitimité est fabriquée par les médias et les financements extérieurs, sont aujourd’hui une des faces de l’influence extérieure en plus des pressions sur les autorités en place. Cette pandémie du COVID19 devrait nous instruire : combien de millions de morts du covid19 a-t-on déjà prédit pour l’Afrique ? Cette prédiction macabre ne s’est pas estompée qu’on nous annonce des millions d’africains victimes de la famine ! Il est à parier que le marché mondial de la misère est très florissant sur le continent africain !
Les modèles endogènes sont niés, les réussites, en dehors des officines secrètes qui nous les imposent, sont déconstruites, les responsabilités individuelles sont bannies car, dit-on, relevant d’application de simples injonctions de forces extérieures. Cette manière de voir infantilise les africains et l’Afrique. Elle est bénéfique pour tous ceux qui travaillent, avec beaucoup de moyens, de cerveaux et d’intelligences africains, patiemment, ouvertement et dans l’ombre, à la balkanisation des africains, des territoires, des pays et de l’Afrique.
Changer, c’est aussi admettre que nous avons des héros, des savants, de bonnes et de mauvaises autorités, des compétences, des traitres, des criminels, des mécènes, des adultes, des ouvriers, des paysans, des femmes, des jeunes, chacun doit être entièrement responsable de ce qu’il fait et non de ce qu’on pense qu’il fait.
Changer, c’est aussi admettre que nous avons des valeurs qui favorisent la transformation de la société, la reddition des comptes, l’émulation, la sanction positive et négative (sa guémigne khassaw na sa doomu ndey moo la koy wakh, waaw goor baakh na ci kuy liggeey, etc.).
Effectivement changer, c’est bâtir une société dans laquelle chacun est responsable, peu importe qui l’inspire, il est le seul responsable devant la société et le peuple souverain. Refusons d’être les véhicules inconscients de l’indignité africaine qui veut que derrière ou dans la tête de presque chaque africain, il y ait une personne étrangère qui soit la maîtresse de ses pensées ou de ses actes. Une société sans repères, sans modèles, sans valeurs, est vouée à l’effondrement et à l’assujettissement. Rassurons-nous, nul modèle, nul héros n’est parfait !
Changer, c’est faire confiance à nos ressources humaines, à nos compétences, à nos entreprises, à nos capitaux, à notre esprit d’innovation, à nos esprits créatifs, etc.
Changer, c’est protéger et préserver notre environnement et nos ressources naturelles.
Changer, c’est aussi prendre l’investissement humain comme une partie du capital, c’est nous imposer dans certains segments prometteurs du marché international, bâtir des espaces de souveraineté économique et financière qui sont les leviers sur lesquels nous nous appuyons pour bâtir notre émancipation économique et sociale.
Changer est une affaire individuelle et collective, mais aucun changement qualitatif, général et collectif n’est possible, s’il n’est porté par l’autorité politique, les autorités politiques, les pouvoirs publics, les communautés, les femmes et les jeunes. Le changement, la culture de changement seront mûrs lorsque les écrivains, les poètes, les artistes s’en empareront, alors par l’écriture, par la magie du verbe, de l’image et la symphonie des corps, le peuple subjugué, conquis et convaincu, adhèrera aux transformations économiques, sociales et culturelles. Unis et engagés, nous vaincrons.