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DeuxiÈme GÉnÉration De La Riposte Covid-19, Consonance Et RÉsonnance

« la conception moderne de la pathologie est socialement construite et la manière même dont elle est circonscrite est redevable à un contexte historique délimité » Michel Foucault (la naissance de la clinique Edition Payot)

Le 11 mai 2020 marque un tournant décisif pour les stratégies d’adaptation justifiant une deuxième génération de la riposte au Sénégal qu’il faut enclencher sur le sceau de l’adaptation et de la réactualisation des urgences socioéconomiques et politiques.

Apres la déclaration du chef de l’Etat sur l’assouplissement des mesures de confinement, le Sénégal entame une deuxième phase de la riposte avec beaucoup d’incertitudes et d’interrogations sur leur pertinence. Ceci après plus de deux mois de gestion de la riposte avec des fortunes diverses dans le respect des mesures barrières selon le profil épidémiologique et la cartographie de la prévalence hospitalière au Covid-19. 

À ce jour (samedi 17 mai), nous comptons 2420 cas positifs, 949 guéris, 25 ddécès en milieu hospitalier ou en cours d’évacuation, et 1445 sous traitement. Ces données combinées avec la distribution des cas dans 35 districts sur 79 et 11 régions sur 14 que nous comptons au Sénégal font de Dakar, Rufisque, Guédiawaye, Sangalkam, Keur Massar et Diamniadio l’épicentre de la pandémie avec 1449 cas, ce qui représente 62,7% des cas positifs et Touba avec 272 cas. Ces données ne sont pas un hasard du fait que Dakar, centre économique par excellence, enregistre une forte concentration de population avec 3 835 019 habitants et 5 879 personnes au Km2.  Toute chose étant égale par ailleurs, un équilibre s’impose avec la superposition des urgences sanitaires, politiques,  sociales et économiques afin de mettre en perspective l’après Covid-19.

Impératif de relance économique dans le contexte du Covid-19

Au-delà des aspects émotionnels touchant l’opinion publique concernant l’assouplissement de l’état d’urgence et du timing de la décision, ceci se résume à une logique de mitigation des risques, politiques, économiques et sociaux. En effet, le secteur informel pèse 41,6 % sur le PIB et 96,4% des emplois avec une contribution de plus de 350 milliards de Francs selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et toutes les politiques et stratégies quelles qu’elles soient et dont il faut devoir tenir compte. J’avais indiqué dans un de mes articles qu’on ne peut pas se focaliser sur un programme de résilience pour faire face à une crise sans y intégrer la dimension relance ou relèvement. Renforcer les capacités des communautés à faire face aux chocs liés au Covid-19, c’est bien mais insuffisant pour participer à la transformation du pays vu les nombreux défis auxquels il est confronté notamment sur l’emploi et l’employabilité des jeunes et la mise sur orbite des femmes comme agents et actrices du développement. La représentation que nous nous faisons de l’accumulation économique détermine notre lien au travail dans l’espace urbain, dicté par la logique de survie et l’espace rural basé sur l’échange, le don de soi au profit des traditions. Le secteur informel non agricole emploie 1 689 693 chefs d’unités de production informelle. Les marchés et les loumas ont un rôle central dans l’économie urbaine et les échanges de biens divers. La circulation  des  personnes, des objets et des biens renseigne amplement sur l’économie urbaine bâtie sur le commerce et les souks à ciel ouvert, les gargotes, les garages mécaniques, les menuiseries métalliques et de bois, la vente des chaussures exportées de Chine sur les parvis et les parkings informels. L’économie sénégalaise, bâtie sur ce travail journalier de l’informel, est en soi un dispositif de filet qu’il faut préserver avec des encadrements comme un atout sans laisser la ville se défigurer et pouvant se transformer en une bombe virale.

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Il importe donc de relancer les activités du secteur informel en mettant en place des mesures barrières autour des marchés et des loumas avec une ambulance, des sapeurs pompiers, des volontaires de la Croix Rouge, une équipe d’alerte rapide et des équipes d’hygiène sous la responsabilité des commerçants. Il doit en être de même pour les ports de pèche traditionnelle avec les mareyeuses, les marchés aux légumes, les friperies et les parcs de commercialisation du bois, les garages mécaniques.  

L’assouplissement de mesures signifie que tous les secteurs formels doivent disposer de plans de contingence avec des services minimum pour les personnels essentiels. Il faudra aussi élargir les tests de dépistage systématique en entreprise. Certaines banques de la place ont rendu systématique les tests de dépistage de tout personnel qui reprend les services.        

La proximité avec les foyers de riposte et l’engagement communautaire

Le problème majeur de la première génération aura été la gestion des cas importés, les transmissions communautaires et le suivi des contacts. Le traçage des contacts notamment au niveau des cas importés et de la transmission communautaire constitue un vrai problème dès lors où étaient concernés des commerçants, des guérisseurs ou des restaurateurs. La limitation des tests sérologiques à deux  structures de référence, à savoir l’Institut Pasteur et accessoirement l’IRESSEF, a réduit sensiblement le potentiel national de dépistage de tous les contacts. Mais aujourd’hui, nous assistons à une montée en puissance au niveau du nombre de tests effectués tous les jours, ce qui nous donne la mesure du nombre de cas positifs tout en occultant les décès communautaires qui n’ont pas fait l’objet d’autopsie systématique. Cette phase est en train d’être maitrisée dans une certaine mesure. Un petit rappel dans le profil épidémiologique des cas de Covid-19 où 40% des personnes infectées sont des cas bénins, 40 % seront des cas modérés, 15  % des cas diagnostiqués graves et 5% jugés comme des cas critiques. Le Sénégal est plus ou moins dans cette fourchette avec un faible taux de létalité.

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Le contexte actuel  après la déclaration du chef de l’Etat sera marqué par le retour des voyageurs et des dépouilles mortelles par voie aérienne venant de pays à forte prévalence de la pandémie. Nous allons assister vraisemblablement  à une résurgence des cas importés avec une maitrise des cas contacts d’autant plus que ceux qui ne sont pas suspects seront en quarantaine chez eux et suivis par le district sanitaire. Les familles doivent être préparées à des formes d’enterrement assez violentes pour éviter la contamination. L’autre défi reste la désertion des structures de santé par les populations qui rompt d’avec les droits d’accès aux services santé de qualité.

A cela, il faut ajouter la réouverture des marchés et des lieux de culte et la généralisation obligatoire des masques, la rentrée scolaire de plus de 551 000 élèves programmée le 2 Juin pour ceux qui sont en classes d’examens, l’exposition du personnel aux risques de contamination et le sentiment de relâchement que l’opinion semble partager .

L’humanisation dans le traçage des contacts, une question clé pour inverser la tendance

 Le décor de la deuxième génération de riposte est bien campé pour comprendre les stratégies d’adaptation et les mécanismes de mitigation des risques pour limiter la propagation du virus. Le directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’action sociale avait déjà dégagé et dressé le changement de cap avec une plus grande responsabilisation des médecins chefs de districts qui ont la responsabilité de la coordination des plans de riposte avec l’implication des leaders communautaires, des ASC,  les dahira, les jeunes des paroisses, les éclaireurs, les pionniers, les groupements féminins, les directeurs d’écoles et les élèves. Il s’agit de revenir aux plans opérationnels des districts avec l’appui des agences des nations unies et des ONGs. Le district sanitaire associé aux centres sociaux et CDEPS constitue de fait le centre opérationnel de prise en charge et de prévention avec une forte implication de la société civile dans une démarche inclusive et non sectaire. Il faut dire que ce changement de stratégies est salutaire d’autant plus que l’une des particularités du Sénégal par rapport à beaucoup de pays, c’est son tissu associatif qui existe jusqu’au niveau des villages : ceci n’existe nulle part en Afrique.    

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Le briefing aux médias du 15 Mai 2020 a permis au Directeur du COUS, le Dr Bousso, de décliner les nouvelles stratégies d’adaptation en rapport à la fois avec les mesures d’assouplissement et celles de l’évolution de la pandémie en attendant le pic attendu en juin/ juillet peut être. Trois nouveaux sites de prise en charge extrahospitalière ont été mis en place pour élargir les capacités de réponse.

Les approches nouvelles consistent à la prise en charge des personnes asymptomatiques dans le milieu extrahospitalier, la quarantaine des contacts et des voyageurs retournés au Sénégal à domicile, l’élargissement des sites de traitement des cas positifs dans les hôtels qui étaient jadis le lieu de la quarantaine pour tous les contacts.  Il faut s’attendre à un retour massif de la diaspora au pays, ce qui est un droit que nul ne doit remettre en cause.

Nous pouvons apprécier ce changement de stratégie pour son caractère novateur et inclusif. Cependant, la mise en quarantaine des voyageurs doit être combinée avec leur dépistage systématique du point de vue coût – efficacité. La rentrée scolaire est aussi un autre défi à intégrer dans la deuxième génération de riposte avec des approches de prévention triangulaire – apprenants, enseignants et foyer – pour couper la chaîne de transmission en mettant en place des dispositifs de lavage des mains et de restauration.

Le district sanitaire avec le soutien du Comité de santé, l’imam, le directeur d’école, le centre social, le CDEPS, les ASC, les GPF, les communicateurs traditionnels, les radios communautaires sont les meilleurs et incontournables acteurs pour barrer la route au Covid-19 dans la deuxième génération de la riposte. Gagner la bataille de l’engagement et de la participation communautaire, c’est placer la communauté comme actrice souveraine dans la communication pour le changement de comportement, y compris et social.

Ada Pouye est Expert en Coordination humanitaire







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