Depuis bientôt trois semaines on constate qu’au Sénégal, l’épidémie de covid-19 s’aggrave de jour en jour, au moment où beaucoup s’attendaient à une stabilisation et un retour progressif à la normale. Au prorata de la démographie, le Sénégal est aujourd’hui parmi les pays les plus touchés par le Covid-19 en Afrique subsaharienne.
Cela signifie à première vue que le plan de riposte Covid 19 qui n’a cessé de s’adapter, éprouve des difficultés et a du mal à inverser la tendance. La pertinence de ses choix stratégiques et son efficacité sont devenues douteuses. Cela est dû à de nombreux facteurs qu’il importe de minutieusement revoir et résoudre afin de venir le plus rapidement à bout du covid-19.
Les projections pessimistes ne tiennent pas compte de nombreux paramètres dont la maîtrise encore possible, conditionne considérablement l’efficacité de la riposte sanitaire anti-Covid. Le renforcement du diagnostic, le dépistage massif des cas contacts surtout dissimulés et l’endiguement de la stigmatisation omniprésente en font partie.
Nous procèderons à un état des lieux pour mieux situer l’épidémie du Covid-19 au Sénégal afin d’en évaluer la problématique qui permettra par la suite de proposer les solutions qui semblent actuellement les plus appropriées pour lever les obstacles qui freinent son éradication. Pour une meilleure analyse de la situation et la proposition de solutions conséquentes, on ne pourra pas passer sous silence la récente sortie du Chef de l’Etat qui marque à tout point de vue un tournant important dans la suite des événements.
Le point sur lutte contre l’épidémie du Covid-19 au Sénégal
La riposte Covid 19 après un début idyllique est mise actuellement à rude épreuve par la ténacité du coronavirus qui semble avoir finalement trouvé bon hôte chez nous. Nonobstant cela, Monsieur le Président de la République en s’adressant à la nation le 11 Mai, est venu ajouter une couche encore plus épaisse sur la visibilité du plan stratégique de riposte anti-Covid qui ne dit pas toujours comment le CNGE arrivera à se défaire du virus. Le changement de cap induit a été si brusque qu’il a surpris plus d’un, dont les acteurs clés sur le terrain.
La preuve, les mesures cohérentes bien qu’insuffisantes du début de crise, qui ont permis de résoudre dans les quatres premières semaines les cas importés et nourri beaucoup d’espoirs avant la multiplication des cas communautaires, ont été remises en cause.
La problématique de ces cas communautaires échappant complétement au système de dépistage en vigueur, venait juste de motiver une mise en garde des hauts cadres du ministère de la santé et du CNGE. Une alerte à la saturation des capacités hospitalières des centres de traitement des épidémies était à l’origine de la nouvelle orientation du CNGE vers la prise en charge extra hospitalière des cas asymptomatiques simples depuis le 04 Mai 2020.
Les acteurs durement éprouvés par la gestion du Covid, à tous les échelons, n’ont plus que leur foi pour encore endurer et tenir, se sentant eux-mêmes de plus en plus menacés. De là à donner un peu plus de crédit à ceux qui pensent que l’état serait responsable de la dissémination du Covid-19, il n’y a qu’un petit pas à franchir. Le président qui devait avant tout remonter le moral des troupes au lieu de le fragiliser, pouvait aisément utiliser d’autres canaux pour régler les énormes problèmes socio-politico-économiques qu’on ne peut plus occulter. Il a misé gros sur l’économie et le social qui ne lui amèneront pas forcement la victoire contre le covid-19.
Les mêmes attentes auraient pu être obtenues ou mieux, avec une écoute plus consensuelle et en renforçant autrement la lutte contre le Covid au lieu de l’affaiblir par un repli massif. Les mesures ont été brutales, certaines inopportunes, et en contraste avec l’évolution de la crise sanitaire, la faute à une précipitation qui a tout court-circuité.
L’objectif actuellement visé est d’assouplir les contraintes en vigueur depuis le début, afin de reprendre les activités à tous les niveaux, en apprenant à vivre avec le coronavirus. In fine, la sortie aura créé plus de problèmes qu’elle en a résolus, pour la riposte Covid-19.
Dès lors, restons concentré sur l’essentiel, le coronavirus qui est au début et à la fin de tout ce désordre. Il faut que le CNGE continue dans sa logique d’adaptation qui a toujours guidé la riposte anti-Covid, malgré les changements, mais en restant plus perméables aux nombreuses critiques bien constructives qui lui sont faites afin de maîtriser l’épidémie qui est en passe malheureusement d’échapper à tout contrôle.
Etat des lieux de la riposte covid-19
Revenant sur la prise en charge du Covid-19, une stratégie a certes été définie assez tôt, mais elle a eu du mal à se déployer en toute cohérence compte tenu certes de la méconnaissance du Covid 19 mais aussi d’un attentisme qui a beaucoup ralentie ses activités. L’option principale consistant à s’adapter au fur et à mesure que l’épidémie évolue a été bien malmenée. Maîtrisant difficilement le cours de l’épidémie cette vision s’est soldée par une sorte de pilotage à vue sans aucune prévision et des rattrapages incessants, parfois contradictoires s’éloignant même du cadre de l’objectif principal qui consiste à maîtriser puis éradiquer le Covid-19.
Malgré sa bonne structuration et de grandes compétences, le système de santé à travers la riposte Covid 19 semble beaucoup pécher dans la coordination des différentes activités pour que chaque entité qui le compose puisse s’exprimer pleinement. La gestion globale du Covid qui a ainsi connu beaucoup d’errements et le manque de rigueur ont fini par ouvrir de nombreuses failles à travers lesquelles le virus n’a pas perdu de temps pour s’y engouffrer et prendre des racines qui de jour en jour se consolident. On peut citer sans trop rentrer dans les détails :
- l’état d’urgence, une très bonne décision mal gérée alors qu’elle offrait au début toutes les garanties d’un bon contrôle de la maladie;
- Une option claire du type de confinement, n’ayant jamais été définie, a laissé un message flou ‘’ Rester chez vous’’ dominer la communication sur le Covid 19 sans pour autant convaincre. Ce dernier n’a réussi qu’à diviser et à faire voir en chiens de faïence ceux qui sont dotés de moyens et dont les revenus sont assurés quoi qu’il arrive et, ceux qui ne possèdent rien et qui ne comptent que sur leurs sorties quotidiennes pour faire tourner le foyer. Cela a empêché au début de bien faire suivre les mesures barrières qu’elles soient collectives ou individuelles.
- Les lieux de culte sans distinction (mosquées de quartier, chapelles, grandes moquées et cathédrales) ont été fermés laissant les transports urbains, les boulangeries et les marchés se comporter plus dangereusement et pendant très longtemps.
- Les laboratoires ont été très avares en tests dès le départ alors que l’OMS recommandait depuis le 16 Mars à tous les pays du monde face à l’aggravation de la pandémie de Covid-19, l’intensification des tests de dépistage comme meilleur moyen de ralentir la progression de la maladie.
- Le soutien alimentaire aux populations impactées, sans être effectif, a pris trop de place au détriment de l’urgence sanitaire et la prévention qui pendant un certain temps, ne semblaient plus être, que l’affaire des personnels de santé et du CNGE.
- Les autorités ont demandé puis recommandé timidement, avant de l’imposer, le port de masque. Le port de masque aussi, jusqu’ici très mal organisé va forcément retentir sur l’évolution de l’épidémie. Et pire, l’état ne prend pas en compte comme il se doit cet outil qui non seulement protège, rassure mais libère les populations pour qu’elles reprennent sereinement leurs activités. Tant que le masque (dans son port réglementaire) et les solutions hydro alcooliques ne sont pas accessibles à tous et en quantité suffisante, on vivra un semblant de protection collective et individuelle qui remet perpétuellement en cause tous les acquis de ces longues semaines de restrictions. On ne sent pratiquement pas le CNGE et le ministère de la santé derrière ‘’les masques’’, dont la qualité, la sécurité, la disponibilité et l’accessibilité par rapport à leurs principales cibles est entièrement sous leurs responsabilités, tant le lien entre le masque, les autres gestes barrières et le virus est étroit.
- La stratégie de lutte contre le covid-19 a connu beaucoup de péripéties qui ont fini par mettre à nu le degré de paupérisation et la non préparation manifeste, quantitativement mais aussi qualitativement, du plateau technique de nos structures de santé, pour assumer une telle demande. Certes des efforts énormes ont été entrepris dans la douleur pour s’adapter.
- Sur le plan épidémiologique comme on le constate aujourd’hui on tarde à trouver la bonne formule. Le Covid 19 continue à évoluer de plus belle. Certaines autorités tentent de nous imposer un pic, courant Mai 2020, alors qu’aucun indicateur ne permet de le situer. Et de l’autre coté la prévision de certains experts [1] semble dire qu’on va rester avec ce virus jusqu’en Septembre. Avec un taux de mortalité du Coronavirus au Sénégal qui est aujourd’hui de 1,04% des cas positifs, ces prévisions brutes font froid au dos compte tenu de ce qui peut arriver. Ce sont forcément des centaines de milliers de cas positifs qui seront notés. Avec seulement 300 000 cas on peut arriver à 3120 morts. Si on rentre dans les chiffres de certaines études [ 2] qui s’approchent de 1 500 000 cas positifs d’ici Mars 2021, même avec un taux de 0,3 à 0,5% l’hécatombe culminera être 4500 et 7500 morts, de quoi retenir son souffle compte tenu du contexte psychologique qui accompagne cette maladie. Donc le Covid-19 est une virose pas du tout comme les autres, une affection à prendre très au sérieux et avec laquelle, Il faut apprendre à vivre. Il ne faut pas jouer à faire peur. Mais que tout le monde soit instruit du danger qui nous guette en cas de relâchement. Certains se sont offusqué des prédictions de l’OMS et de l’ONU sur l’Afrique. Cependant avec les revirements stratégiques très mal élaborés que le Sénégal a depuis le début du mois de Mai, sans vouloir leur donner raison, on peut au moins les remercier de nous avoir mis en garde. Car un homme averti en vaut deux a-t-on l’habitude de dire.
Prenons ce dicton à notre compte et réagissons vite et positivement, en partant du principe que tout ce qui a été fait n’est pas mauvais, jusqu’aux décisions très contestables sur le plan épidémiologique et sanitaire du Président de la République, qui à son corps défendant se justifient du reste assez bien sur le plan politique.
Epidémie du Coronavirus en chiffres et plan de riposte
Laissons la politique de côté et parlons seulement de la Maladie du Covid-19 afin de lui trouver quelques solutions appropriées en nous posant certaines questions.
Où en sommes-nous sur le plan épidémiologique et sur le plan de la riposte santé Covid-19? La réponse à ce questionnement permettra de voir ce qui pose réellement problème en ce moment précis et qui empêche de reléguer le Covid-19 à sa plus simple expression et à défaut de l’éradiquer, de pouvoir cohabiter prudemment avec lui.
Sur le plan épidémiologique on retiendra qu’en 78 jours soit deux mois et demi, du 2 Mars au 17 Mai 2020 sur approximativement 32 460 tests réalisés, 2481 soit 7,64% des cas sont positifs. Sur les 2481 cas positifs 89 cas sont importés (3,58%), 213 sont des cas communautaires (8,58%), le reste 2178 (87,8%) sont des cas identifiés contacts des importés ou des communautaires. 26 cas de décès ont été répertoriés dont 9 soit 34,6% sont des décès communautaires (Diagnostiqués post mortem). Ces cas de décès communautaires représentent 47,3 % des patients décédés de Covid -19 ces trois dernières semaines (entre le 25 Avril et le 17 Mai 2020).
On peut constater le peu de tests effectués en 2 mois et demi compte tenu des capacités techniques qui sont sur place. De même la problématique des cas communautaires est posée. Non seulement ils sont nombreux mais ils prennent le temps d’évoluer spontanément jusqu’à l’exitus, laissant derrière eux une trainée de contacts qui se révèleront dans la majorité des cas, communautaires s’ils tombent malades.
Autrement ils peuvent rester porteurs asymptomatiques ou sains pouvant à leur tour contaminer un nombre élevés d’autre contacts. Et ainsi se crée un cercle vicieux portant la maladie à l’endémicité si la chaine de transmission n’est pas rompue. Ceci expliquerait la montée en flèche des cas positifs depuis le 15 Avril.
Au Point de vue riposte santé Covid-19, le CNGE depuis Janvier 2020 est monté au créneau progressivement en mettant en place les outils de base de sa stratégie : formation, information, système d’alerte, création de centres de traitement, diagnostic des cas symptomatique, traitement, recherche de contacts et quarantaine à l’hôtel.
La prévention est axée sur les gestes barrières individuelles sans le port de masque au début. L’état d’urgence est décrété par le chef de l’Etat le 23 Mars assorti d’un couvre-feu et une limitation de la circulation interurbaine. Cette décision a été la première mesure barrière collective qui a été d’une grande utilité avant de connaitre des impairs qui nous ont valu une extension notoire de l’épidémie (Jakartas, route secondaires). Le port de masque rendu obligatoire le 17 mars est venu renforcer la prévention par les mesures barrières individuelles et collectives.
L’une des meilleures décisions dans la lutte contre le coronavirus qui semble bien suivie par les Sénégalais. Mais elle est mal encadrée et l’état ne s’est pas assez impliqué en mettant en place assez de masques et des circuits de distribution officiels à la hauteur de l’importance que le masque revêt dans la prévention du Covid-19 et dans l’ouverture de l’espace publique, les entreprises , la circulation ; la reprise sécurisée des activités économiques, du culte en public et bientôt de l’éducation nationale. Les besoins sont énormes et la force Covid-19 devrait s’y atteler fermement d’autant plus que nous sommes appelés à cohabiter avec le virus au moins jusqu’en septembre 2020, selon les meilleures projections du moment.
La stratégie de riposte qui a évoluée depuis le 4 mai vers la prise en charge extrahospitalière des cas asymptomatiques et simples devra intégrer les nouvelles mesures issues de l’allocution du chef de l’état du 11 Mai et totalement imprévues à ce stade dans le dispositif et le déploiement de la riposte covid-19. En levant brusquement les freins d’un ensemble non négligeable de restrictions, la résultante sur l’épidémie (en bien et en mal) ne tardera pas à se manifester dans les jours à venir.
Cependant une chose intrigue. Et cela fait partie des zones d’opacités de la prise en charge du covid-19 par le ministère de la santé et ses équipes techniques. C’est la réalisation des tests de dépistage. Il apparait avec moins de 33 000 tests réalisés en 78 jours, que l’activité tests-dépistage qui devait vite ratisser large pour circonscrire la maladie n’a pas du tout fonctionné comme il se devait. Ce dysfonctionnement est encore plus préjudiciable dans la phase communautaire de la maladie où il n’est plus permis d’attendre que des cas se manifestent pour les diagnostiquer. Il faut aller chercher le coronavirus là où il est. Tout le reste est un faire-semblant. Plus tôt seront réalisés le diagnostic et la prise en charge, moins seront notés de cas graves et de morts. Plus le diagnostic sera retardé, plus il y aura de cas graves et de morts.
Nous avons une énorme chance. Le Sénégal est l’un des pays d’Afrique subsaharienne les plus nantis dans le domaine des laboratoires avec des praticiens aguerris qui ne demandent qu’à être mobilisés. Et la force Covid a suffisamment d’argent pour s’occuper du volet maladie qui détermine la suite sur tout le reste. En plus de l’Institut Pasteur (qui a le quasi-monopole des tests), l’IRESSEF du Professeur Mboup, l’IRD avec le Dr Sokhna grand Collaborateur du Pr Raoul, près de 40 Laboratoires qui maîtrisent le RT PCR qui est la technique de référence pour le diagnostic du Sarscov2 ou Covid19 sont disponibles au Sénégal.
Avec cette escadrille, sans même parler des tests rapides sérologiques qui pourraient rendre de grands services dans le dépistage et le suivi en temps réel, aussi bien à Dakar et que dans les régions, on peut au moins réaliser plus de 4000 tests par jour au Sénégal et cela de façon, plus rapide et plus fiable que ce qui se passe actuellement. Le monopole de Pasteur qui ne se justifie plus actuellement ralentit de toute évidence le dépistage et devient même du fait de la surcharge moins fiable que quand il n’y avait que quelques dizaines de cas à traiter par jour répartis sur des zones peu distinctes.
Avec l’augmentation des cas contacts, la couverture idoine des besoins de diagnostic et de suivi du Covid devient plus lourde et impose une autre approche d’autant que les délais moyens de rendu actuels des résultats culminent à 48H de l’avis des praticiens de terrain. A cela s’ajoute l’impérieuse nécessité de développer et d’aguerrir l’expertise nationale en pareilles circonstances. Il faut que les milliards de la force Covid servent à la réelle lutte contre la maladie.
Compte tenu des difficultés d’approvisionnement actuelles au niveau international concernant les réactifs, il faudrait, dans le cadre d’une bonne anticipation, procéder à des commandes massives en privilégiant les équipements les plus représentés au niveau de nos laboratoires.
Globalement c’est un déficit : de dépistage, de catégorisation des patients et d’une prise en charge adéquate neutralisant la stigmatisation et les diverses craintes qui semble lourdement plomber le système. La dissimulation des contacts par leurs proches ou de leur propre chef, est liée d’une part à la stigmatisation qui n’est pas le seul fait du voisinage mais aussi des méthodes , de désinfection, d’abords et de ramassage très exposantes du CNGE sans compter la gestion traumatisante des décédés qui ne se justifie nullement d’après certaines indiscrétions.
Les réticences à la quarantaine avec toutes ses contraintes amènent d’autre part, les gens à se terrer chez eux quitte pour certains, à compliquer leur état avant de se manifester ou en mourir, si la guérison spontanée ne survient pas comme dans la majorité des cas de Covid-19. Les patients asymptomatiques eux, ont toute la latitude de contaminer d’autres contacts. C’est ce phénomène largement répandu qui constitue le réservoir des cas toxiques dit communautaires qui polluent le système et attisent l’épidémie par des contacts de plusieurs rangs. C’est là qu’il faut placer, au sens le plus péjoratif de la contamination, le rôle des cas extrêmes de décès communautaires.
La Prise en charge communautaire peut-elle être la solution du covid-19 au Sénégal
La prévention et le dépistage des cas de contamination communautaires devraient être la règle comme dans toute lutte contre les épidémies. La carte des contagions en cours [3] est jusqu’ici superposable à celle de la densité de la population [4] et permet de voir où le maximum d’effort devrait être déployé pour dépister et traiter ; mais aussi là où le maximum d’effort devrait être consenti pour barrer la route à l’entrée de la maladie.
Au stade actuel de l’épidémie du Covid-19 c’est essentiellement les cas communautaires et leurs contacts difficiles à cerner qu’il faut essayer de mieux maîtriser. Vu tout ce qui été évoqué plus-haut un véritable changement de stratégie doit s’appliquer. Elle peut être appelée prise en charge communautaire du coronavirus covid-19. La prise en charge communautaires peut être encore appelée prise en charge par confinement encadré et assisté à domicile. Une gestion mixte, médicale et sociale du Coronavirus qui tournera toujours au tour des deux axes majeurs qui conditionnent tout le reste :
Le diagnostic et la prise en charge précoce d’une part ; La prévention de la contamination par le dépistage et l’application des mesures barrières d’autre part. Ce changement stratégique prend à la fois en compte la saturation des capacités en lits des centres de traitement annoncée depuis le 3 Mai et la prise en charge extrahospitalière du Covid-19. Les hôpitaux moins sollicités libéreront plus de places pour les cas symptomatiques, les vrais malades du Covid-19.
La gestion communautaire du Coronavirus sera basée sur des modèles de communautés dictés par la localisation des cas à prendre en charge formant une unité territoriale ou cluster. Elle commence par l’application du premier axe évoqué au-dessus : une bonne identification et un classement des patients et leurs contacts après les tests diagnostiques (de proximité), en plusieurs catégories, et leur traitement suivant les protocoles en cours dont le but est de réduire la charge virale et raccourcir le temps de guérison en évitant les complications.
Le deuxième axe fera suite ou sera concomitant. Le dépistage des cas communautaires se fera d’abord par l’endiguement de la dissimulation, l’amélioration de l’identification de tous les cas contacts d’un cas positif et la récupération des cas fuyant la quarantaine à l’hôtel ou dans les centres de traitement extrahospitaliers. En plus des moyens de laboratoires, le dépistage sera potentialisé par l’approche communautaire, mais aussi par des outils non invasifs comme l’Oxymétrie du pouls couplée au Thermoflash, pour l’évaluation massive des sujets à risques.
La ressource humaine pour accompagner cette mesure est disponible et les territoires à cibler en urgence sont les grands foyers ou Clusters bien identifiés comme la région de Dakar, les villes de Thiès et Touba et partout où le besoin sera identifié. Le classement des cas est important dans la prise en charge et peut revêtir un format en six classes P1 à P6 (P1 : Patient positif symptomatique grave, P2 : Patient positif symptomatique modérée, P3 : Patient positif asymptomatique à risques, P4 : Patient positif asymptomatique sans risques, P5 : Patient contact négatif à risque, P6 : Patient contact négatif sans risque).
Considérant que le cas positif communautaire est un cas contact (ou contact d’un contact) méconnu devenu positif il sera identifié ainsi que ses contacts de premier ou deuxième rang et classé de la même sorte.
Les patients classés P1, P2, P3 seront hospitalisés et traités dans une structure médicale à proximité d’une réanimation. Les patients classés P4 seront suivis et traités à domicile. Les patients classés P5 et P6 seront suivis sans traitement à domicile
Les moyens d’accompagnement de la stratégie communautaire
Le prise en charge communautaire ou le confinement à domicile sera assorti d’une surveillance médicale et d’une assistance sociale encadrée par les autorités (centrales et ou décentralisées) de même que le voisinage ou les comités de quartier. Ceux qui sont autonomes qui peuvent se prendre en charge en confinement (habituellement en famille) recevront gratuitement tout ce qu’il leur faut pour vivre chez eux (rations de denrées alimentaires de base) et régulièrement des unités mobiles passeront leur fournir le reste (pain et légume ou autres nécessités). Ceux qui ne sont pas autonomes parce qu’ils habitent seuls par exemple seront assistés pour leurs nourritures.
En plus tout ce que les autorités pourront ajouter dans le kit (facture d’eau et d’électricité pour un mois etc.. .) servira de moyens de fidélisation ou d’adhésion à cette politique. Ce type de confinement qui peut concerner de vastes zones, tout un quartier, tout un village est susceptible d’être plus facilement accepté par les populations qui n’auront plus à se révolter contre les forces de l’ordre qui peuvent dans certaines conditions être rapidement excédés entrainant des réactions parfois difficilement contrôlables (Cas du village Thor à Diender). Il faudrait absolument dans ce cas veiller à ce que les moyens annoncés arrivent à suffisance au niveau des différents comités de lutte et équipes d’intervention, ce qui est loin d’être la cas actuellement.
Ainsi les forces de l’ordre et les comités de sécurité communautaires en place, s’occuperont de la sécurité des confinés; des entrées et sorties nécessaires dans ces zones confinées; Convaincre les concernés de la nécessité de jouer le jeu pour leur bien et celui de toute la nation qui vient en soutien s’occuper d’eux pendant ces moments exceptionnels. Il faut tout faire pour éviter les conflits (communiquer, dialoguer, convaincre, encourager en utilisant les médiateurs sociaux), dédramatiser l’affection ou le risque supposé et rester ferme avec les contacts non positifs pendant la période d’observation.
Les traitements nécessaires et les mesures barrières resteront de rigueur. Tant qu’il y aura des contacts méconnus ou dissimulés, la transmission communautaire ne sera pas enrayée et sans mesures appropriées il sera impossible de rompre le cycle de transmission communautaire. Les positifs secondaires et les asymptomatiques devenus symptomatiques ou qui s’aggravent seront extraits du confinement à domicile pour une hospitalisation.
Le confinement et le suivi à domicile de cas simples contacts ou asymptomatiques, coûtent moins cher que leur hospitalisation ou la quarantaine hôtelière. Avec une journée d’hôtel ou d’hospitalisation une famille de 10 personnes peut être prise en charge à domicile pour au moins deux jours.
Conclusions
Voilà en quoi la nouvelle adaptation de la stratégie pourrait consister. Les cas communautaires, cas contacts méconnus, non diagnostiqués découlent du déficit de tests et d’identification de tous les cas contacts d’un cas positif, très souvent de la dissimulation à cause de la stigmatisation ou pour fuir la quarantaine hors domicile, pour continuer à jouir de sa liberté. Le contrôle effectif de la maladie surviendra quand ces cas communautaires seront incontestablement maîtrisés. En ce moment-là, l’évolution de l’épidémie permettra d’avoir une meilleure emprise sur les cas sporadiques avec qui on pourra vivre sans plus s’inquiéter car entre temps on aura bien appris et collectivement bien assimilé.
Dans la stratégie communautaire il faut surveiller et avertir tous, des sanctions qu’ils pourraient encourir en cas de propagation délibérée de la maladie. Il est évident que la sanction est aussi un élément dissuasif dans ce genre de rapport. On ne peut pas mettre non plus de l’ordre sans informer, former ou dialoguer avec la population. C’est-à-dire communiquer. Il faut rester équitable, compréhensif mais ferme. Avec cette approche il sera donné plus de chance au CNGE de maîtriser la contamination, le flux hospitalier et la prise en charge des cas graves, sans mettre hors service les structures de santé dont la fonction ne doit plus être focalisée sur la gestion du Covid -19.