Il fut un temps où le Sénégal était un beau pays, un pays où les contradictions les plus profondes s’échouaient autour d’un bol de riz, de l’humour oui de la tolérance comme toujours. De ce sénégalais bavard qui préférait d’abord le dialogue à la violence, la solidarité à l’égoïsme.
Un sénégalais qui préférait une paix douillée à une tension vaine. Un « masla » solide et sincère, qui fit la force de sa société et qui fut le fondement qui allait asseoir une nation soudée.
Le sénégalais était ancré dans ces principes, sa croyance aussi forte qu’elle puisse être, s’adossait à la science, à l’humanisme et à la tolérance. Elle ne laissait pas place à l’obscurantisme, qu’elle soit religieuse, politique, et même ethnique. Le Sénégalais avait foi à sa liberté, à cet Etat auquel il n’hésitait pas à donner sa vie lorsque les principes qui en constituaient les colonnes, risquaient de s’écrouler. Oui, le sénégalais croyait à la démocratie, à la liberté. Ce n’était pas pour rien qu’on appelait sa terre, terre de la Teranga, une terre d’hospitalité.
Nostalgique de cette époque où cette terre était paisible, où même les plus misérables se contentaient malgré leur misère, d’une paix sincère. Ils vivaient heureux, ils vivaient en paix avec eux-mêmes, espérant que demain, leur tour viendra. Ces brises soyeuses et cette terre bénie qui enveloppait chaleureusement d’une argile légère et d’une boue moelleuse d’illustres érudits, de braves guerriers, de pacifistes et de saints qui par leur piété rendirent un si petit pays aussi grand, admiré de tous. Ce pays où les gouverneurs aussi tyranniques qu’ils pouvaient être, savaient aux moins ce qu’était une nation. Ce pays ou de preux chevaliers, de religieux sanctifiés conscients de leurs responsabilités, n’hésitaient pas à monter sur leurs grands chevaux pour défendre ce peuple et prôner l’éthique et la probité dans la gouvernance. Ce pays avec ses robins de bois héroïques, aussi sanglants, aussi truands, mais surtout aussi populistes, leurs petits larcins aux moins étaient plus sobres et plus humains.
Mais les temps passèrent, ces souvenirs si lointains s’effacèrent de la mémoire des Sénégalais. Ils oublièrent leur passé, leur valeur et se tournèrent vers la cupidité, la recherche effréné de la richesse, du voyeurisme au risque d’y laisser leur honneur, leur liberté et leur quiétude. Leur soif de connaissance fut remplacée par la soif de richesse, de paraître qui corrompirent même ceux qui étaient considérés comme les garde-fous, censés leur rappeler leur passé. Leur bavardage innocent, laissa place aux bavardages de bornes fontaines, de haines inutiles qui attisèrent la désunion et étouffèrent les crimes et les injustices les plus ignobles. La vie de leurs saints, de leurs érudits et de leurs valeureux, qui par leur sang donnèrent un sens à ce pays, furent oubliés et effacés. Oubliant de se surpasser afin de consolider et enrichir les acquis, ceux, sensés suivre leur pas se muèrent en de conteurs d’histoires. Ils donnèrent un caractère mythique aux actes et à la vie de leurs illustres aînés, ils installèrent l’obscurantisme, freinant ainsi toute volonté de suivre les pas de nos illustres aïeuls, n’est-ce pas là le sens de leur combat ? Cette intelligentsia de cour, de science, de foi, finit par transformer ce « masla » qui garantissait la paix sociale en un « masla » de tabou, qui excluait les plus misérables, les plus faibles rendant leurs espoirs naïfs et leur avenir incertain.
Un avenir que même les plus optimistes prophètes de l’après Covid-19 ne peuvent prédire, avec un brouillard sombre, aussi aveuglant que l’incertitude. Le Sénégal ne doit pas avoir peur de ce Covid-19, mais des démons qu’il ne cesse de repousser. Le Sénégal doit arrêter de courir, il doit affronter ses démons qui le pourchassent. Il ne peut plus courir, il est à bout de forces, sous ses pieds, les épines de la haine, de l’injustice et de l’ignorance la handicapent et le font souffrir. Il se doit de s’arrêter et d’y faire face, armé de son histoire, de sa tolérance, de ces valeurs et de son amour. Ce beau pays ne doit pas demain, devenir un pays autrefois, riche, qui s’appauvrit au fur et à mesure que ses puits de pétrole dont il n’avait pas profité, tarissent.
Sa jeunesse ne doit plus connaître le chômage, le désespoir. Fatiguée de l’incompétence de ces dirigeants, elle ne doit pas demain, trouver l’espoir dans la haine et la violence à l’égard des étrangers pour assouvir sa souffrance.
Le Sénégal ne doit pas accepter que demain, ses fils et ses filles oublient la tragédie des Tutsis et des Hutus. Que la vie de leur frère, ne soit valorisée pas que seulement par la race, l’ethnie, la religion ou la confrérie, mais qu’elle ait de la valeur par le seul fait d’être d’abord une vie.