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Le Coran, La Sounna Et Le Coronavirus

Le Coran, La Sounna Et Le Coronavirus

Voltaire en 1741 intitule une de ses pièces ‘’’Le fanatisme ou Mahomet le prophète’’. Montesquieu dans ‘’L’esprit des lois’’ en

1748 relie le fatalisme à l’Islam : « Cela est dans les décrets de Dieu, il faut donc rester en repos ». L’orientaliste Jacques Berque, dans sa traduction du Coran,  a corrigé ces présentations déformées de l’Islam : « Je n’évoque pas ici la tendancieuse accusation de fatalisme que contredisent tant d’appels du Coran à la liberté et à la responsabilité humaine ».

Au Sénégal avec l’éclosion du coronavirus, une dissension est née entre les croyants à propos des lieux de culte : consensus chez les catholiques, mésintelligence chez les musulmans sur l’ouverture ou la fermeture des mosquées. Ce qui n’est pas sans rappeler le problème du fatalisme et du fanatisme qui vont de pair.

Le prophète (psl) exhortait de prier à la mosquée, disant que  la prière en

groupe est 25 fois plus bénéfique que la prière faite tout seul, que chaque pas que fait le fidèle entre sa demeure et la mosquée est béni, de même que le temps qu’il reste assis dans la mosquée en attendant la prière. Il a même menacé, sans l’avoir jamais fait, de brûler les maisons des musulmans qui  n’allaient pas à la mosquée (Sahih Bukhari, Mouslim). Mais toutes ces prescriptions ont été assorties de dérogations, c’est-à-dire exception à l’application pour cause de force majeure, toutes rapportées par Mouslim (1487-1491) :

  1. En cas de forte chaleur, il recommandait de reculer la prière du milieu de la journée (tisbar). Lorsque le repas était servi, il demandait de manger avant de prier.
  2. En cas d’intempéries (vents violents, pluies fortes …), il déconseillait d’aller à la mosquée. La prière du vendredi à la mosquée est une obligation pour le musulman qui n’a pas d’empêchement majeur, mais le prophète (psl) disait : « Je ne veux pas vous voir marcher dans la boue avec un sol glissant pour venir à la mosquée même pour cette prière».  Dans de telles situations, il demandait au muezzin d’ajouter après l’appel à la prière : « Restez dans vos habitations ».
  3. Le prophète (psl) demandait aux maris d’autoriser leurs épouses qui le désiraient, d’aller prier à la mosquée.  Mais il conseillait aux femmes de prier à la maison, surtout avec les prières du matin et du soir pour une question de sécurité. 

Le prophète (psl) qui recommandait aux musulmans de se dispenser d’aller à la mosquée pour ne pas être incommodés par des intempéries aurait-il demandé de les ouvrir dans une situation de pandémie comme le coronavirus qui peut conduire à la mort ? Les imams sénégalais qui ont fermé leurs mosquées n’ont fait que le suivre.

Lors de prière en mosquée, le prophète (psl) recommandait de serrer les rangs, de ne laisser entre les fidèles aucun espace où pourrait se glisser quelque dissension entre eux.  Compte tenu du coronavirus, l’obligation  faite de prier en mosquée à la condition de respecter la distanciation sociale fait fi de cette tradition prophétique. Raison majeure ? On accepte la raison majeure à l’intérieur de la mosquée, mais on la refuse en permettant d’y entrer. Et puis, avec la limitation du nombre de fidèles dans la moquée (comment sont-ils choisis ?) qu’en est-il de la frustration de ceux qui sont refoulés ?

Le prophète (psl) a certes dit que la prière en groupe est supérieure à la prière faite individuellement, mais la prière en groupe ne se fait pas uniquement en mosquée. Tout responsable de famille doit aussi être imam dans sa maison. Le prophète (psl) a aussi dit que « les lieux de la terre les plus chers à Allah sont les mosquées » (Mouslim), car c’est à Dieu qu’appartient toute mosquée comme le dit le Coran. Mais il a dit aussi : « la terre entière est une mosquée pour vous ; vous pouvez prier partout où vous vous trouvez à l’heure de la prière » (Mouslim). La prière (salat) figure 67 fois dans le Coran et la mosquée (masjid) 28 fois (sans la kaaba et la mosquée de Jérusalem).

Dans les pays occidentaux où le nombre de morts du coronavirus se compte par milliers, les foyers de propagation ont été des regroupements de personnes au mois de février 2020 : aux Etats-Unis, une cérémonie de mardi gras en Louisiane ; en France, les élections municipales, et une messe protestante à Mulhouse avec la présence de plus de 2 000 personnes ; les matches de football de huitièmes de finale de coupe d’Europe, en Angleterre, Espagne, Italie, France, Allemagne. Ces pays comptent pour plus de 80 pour cent des infections et décès du coronavirus dans le monde.

Le Coran a prévenu : « Et Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim, de perte de biens, de vies, et de récoltes, mais donne de bonnes nouvelles aux patients »  (Coran 2 : 155). La patience n’est pas la résignation. Le Coran exhorte à l’action, à la précaution. Ce ne sont pas les versets qui manquent à cet effet :

  • – Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction (Coran 2 : 195)
  • Et ne vous tuez pas par vous-même (Coran 4 : 29)
  • Ô croyants ! prenez vos précautions … (Coran 4 : 71)

    • Allah vous veut la facilité et ne vous veut pas la difficulté (Coran 2 : 186)
    • Allah n’impose à personne ce qui est au-dessus de ses capacités (Coran 2 : 286 ; Coran 23 : 62).

Le prophète (psl) a poursuivi la sensibilisation sur la prise de précaution. Lors de la survenue d’une épidémie de peste, il lance cette mise en garde :

« Si vous êtes informés de l’éclatement de peste dans un lieu, n’y allez pas ; mais si la peste éclate dans un lieu pendant que où vous y êtes, ne le quittez pas (Boukhari, Mouslim) ».

C’est ainsi que le khalife Omar (rah), sur son chemin vers Cham (la Syrie) avec sa cavalerie, apprenant que cette région est infestée par la peste, fait demi-tour (rapporté par Mouslim).

Lors d’une épidémie, les autorités médicales conseillent d’éviter la transmission du virus d’une personne infectée à une personne saine. Le prophète (psl) ne dit rien de différent :

« Que celui qui croit en Allah et au jour dernier ne dérange pas son voisin » (Bukhari)

– «  N’entrera pas au paradis celui qui inflige un tort à son voisin » (Sahih Mouslim n° 74, rapporté par Abou Huraira) ». Le terme utilisé dans le texte arabe est bawâ’iq traduit par le lexicographe anglais William Lane en ces termes : calamité, désastre, malheur, gêne… tout ce qui peut incommoder une personne pour lui rendre la vie difficile.

Selon le Coran, une calamité comme la pandémie peut survenir dans un monde et à une époque de perversité où l’on a oublié Dieu. Cette calamité se présente comme un démon, un compagnon dont personne ne veut. Et alors chacun pourrait dire :

« J’aurais aimé qu’il y ait entre toi et moi la distance séparant l’Est et l’Ouest ! Quel mauvais compagnon tu es ! » (Coran 43 : 38).

Le coronavirus est bien un compagnon dont personne ne veut, surtout qu’on ne le voit pas. C’est pour cela qu’il est recommandé la distance sociale entre les individus. Les lieux de culte (mosquées, églises …) sont des lieux appropriés de promiscuité entre les fidèles, avec forte propagation de virus. Au Sénégal, les musulmans qui s’opposent à la fermeture des mosquées s’en remettent à Dieu. Tout croyant s’en remet à Dieu, mais « Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ».

« Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ». Selon Anas ibn Malik, c’est un hadîss rapporté par At Tirmidji (sounan 2517) : il est tenu par le Prophète (psl) à un homme qui lui demande s’il peut entrer dans la mosquée et laisser son chameau libre. Il lui est ainsi enseigné que l’Islam n’a rien à voir avec le fatalisme, que le tawakul mentionné dans le Coran (distingué de tawaakul ) c’est-à-dire le fait de s’en remettre à Dieu, n’exclut pas la prise de précaution.

Le prophète (psl) en a donné l’exemple. Lorsqu’il décide d’émigrer à Médine, il prend toutes ses précautions, préparant son voyage méticuleusement dans le secret, demandant à Ali (rah) de dormir dans son lit, prenant un guide sûr, un compagnon sûr Aboubakr (rah) qu’il rassure. se basant sur ce verset : Une fois que tu as pris ta décision, place ta confiance en Allah (Coran 3 : 159). La prise de précaution précède la prise de décision.

Si les lieux de culte n’avaient pas été fermés ces derniers temps, le nombre d’infections et de décès aurait été beaucoup plus important. Des croyants infectés du coronavirus sans s’en rendre compte en auraient contaminé d’autres. La comparaison ne s’impose pas avec les épidémies de peste ou de grippe du passé ; celui qui en était atteint se savait malade et n’allait pas dans un lieu de culte qu’il n’était d’ailleurs pas besoin de fermer. Le problème avec la pandémie actuelle, comme nous le disent les spécialistes, est qu’une personne peut porter le virus sans se sentir malade.

Dans une période sans endémie, si une horde d’abeilles envahit une mosquée, personne ne voudra y entrer tant qu’elle n’aura pas été complètement désinfectée. Pourtant, une piqure d’abeille, même si elle peut être mortelle ne se transmet pas.

D’ailleurs, la fermeture des mosquées n’est en aucun cas définitive. Elle dure le temps que la pandémie soit maîtrisée. Les mosquées fermées restent en fait bien vivantes avec les appels à la prière (azann) qui y sont faites cinq fois chaque jour. Le azann est un condensé remarquable de l’enseignement de l’Islam : il contient les deux premiers piliers de l’Islam, et la wahdâniya (unicité de Dieu).

Cela dit, nous sommes en droit d’attendre que les partisans de l’ouverture des mosquées dans cette situation de pandémie présentent des versets du Coran et des ahadiss à l’appui de leur position. Même si nous la respectons.

Le verset (Coran 2 : 114) Y a- t-il plus injustes que ceux qui empêchent d’évoquer le nom d’Allah dans Ses mosquées et visent à les détruire ? n’a rien à voir avec la fermeture de mosquées en cas de force majeure et encore moins avec l’intention de les détruire. Le verset s’adressait aux païens idolâtres qui voulaient empêcher l’accès de la kaaba aux musulmans. Les appels à la prière qui sont maintenus lors de la fermeture des mosquées en cas de danger évoquent le nom d’Allah et font plus.

En cette occasion et en cette fin du mois béni de Ramadan au Sénégal surtout, il est opportun de rappeler ce propos du prophète (psl) :

‘’ J’ai demandé au Seigneur trois choses. Il m’a accordé les premières. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par la famine, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par des calamités naturelles, ni par une occupation étrangère, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne s’entredéchire pas, Il ne me l’a pas garanti ».

C’est peut-être, contrairement aux apparences, ce qui participe à ce renforcement de l’Islam partout dans le monde.

PS : C’est la tradition de rédaction en langue anglaise sur l’Islam qui a imposé la formulation hadîth (le th terminal anglais se prononce ss). Ce texte étant en langue française, il est plus logique d’écrire hadîss au singulier, ahadiss au pluriel.







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