Ce mercredi 20 mai 2020 devait rester dans l’Histoire comme la date de la vraie indépendance économique des pays africains d’expression française utilisant le franc CFA. Ces pays se trouvent en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale en plus des Comores. Hélas, la fin du Franc CFA annoncée par la France n’est qu’un faux affranchissement puisque l’ancienne puissance coloniale continuera en réalité à entretenir de très fortes relations monétaires avec les quinze pays de la CEDEAO qui ont décidé de lancer en juillet 2020 une monnaie unique dénommée ECO.
La décision du gouvernement français qui va être soumise à son Parlement s’inscrit dans un calendrier global mis en œuvre par les 15 chefs d’Etat de la CEDEAO lors du sommet d’Abuja du 29 juin dernier. A cette occasion, les dirigeants de la zone étaient tombés d’accord pour mettre sur pied une monnaie unique, l’ECO, en juillet 2020.
Les discussions entre la France et ses « partenaires » africains de l’Umoa ont abouti à une proposition commune de réforme des instances et du fonctionnement de la coopération suivant quatre axes :
(i) le changement de nom de la devise, les autorités de l’Umoa indiquant leur souhait de passer du « franc CFA » à l’« ECO7 » ;
(ii) la suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor ;
(iii) le retrait de la France des instances de gouvernance de la Zone et
(iv) la mise en place concomitante de mécanismes ad hoc de dialogue et de suivi des risques (notamment reporting, échanges et rencontres techniques).
La signature le 21 décembre 2019 de l’accord de coopération entre les états membres de l’Umoa et la France, est la concrétisation de cette proposition. Cet accord viendra remplacer l’accord existant de 1973. Cet accord doit être complété courant 2020 par une convention de garantie, texte technique d’application, conclue avec la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Deux mois restant à la France pour prononcer la mort du FCFA, il fallait arranger les deux agendas du FCFA et de l’ECO qui n’avaient pas les mêmes paramètres monétaires. Le facteur handicapant, le Franc CFA est imprimé en France (Chamalières et Pessac), 50% des réserves de l’Uemoa étaient gardées par la France, la politique monétaire de nos pays était aussi décidée depuis Paris. Or dans le schéma d’Abuja, dans un premier temps, les 8 pays membres de l’Uemoa doivent commencer en juillet à utiliser l’ECO du fait qu’ils sont proches des critères de convergence (déficit inférieur à 3%, inflation inférieure à 3%, endettement inférieur à 70 %).
Ensuite, les deux grandes puissances de la zone Cedeao, notamment le Nigéria et le Ghana, deux pays anglophones il est bon de le préciser, ont conditionné leur adhésion à la monnaie unique à la coupure par la France du cordon ombilical la liant à ses anciennes colonies. Ce de manière à ce puisse être mise en place une banque centrale fédérale. La dernière étape devait consister en la mise en place d’une politique économique et commerciale, la signature des traités et du statut de la Banque centrale.
Seulement à deux mois de la date de juillet 2020, les dirigeants de la CEDEAO n’ont pas encore défini la politique monétaire à mener, encore moins le statut de la Banque centrale de la CEDEAO. A deux mois de l’échéance de juillet 2020, il ne sera pas possible d’opérer toutes ces ruptures qui devraient accompagner l’avènement de l’Eco. La servitude monétaire avec la France va alors continuer puisque le seul changement opéré sera celui du nom de la monnaie.
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La coopération monétaire actuelle entre la France et l’Umoa repose sur un accord de coopération monétaire signé le 4 décembre 1973 par les ministres des Finances de l’Umoa et de la France, qui posait le cadre général de la coopération. Cet accord est complété par une convention de compte d’opérations, signée en décembre 1973 et modifiée par deux avenants de 2005 et 2014.
Sous ce régime (accord de coopération, complété par la convention de compte d’opérations et ses deux avenants), la France est représentée dans des instances techniques de gouvernance de la zone (Conseil d’Administration et Comité de politique monétaire de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Commission bancaire de l’Umoa). La BCEAO est l’institut d’émission commun aux états membres de l’Umoa et jouit du privilège exclusif de l’émission monétaire sur l’ensemble de ces états membres.
La Commission bancaire de l’Umoa, présidée par le Gouverneur de la BCEAO, est l’autorité de supervision bancaire de l’Union. Les représentants de la France y disposent d’un droit de vote sans voix prépondérante. Il est à noter que la France ne participe pas aux instances politiques (Conférence des chefs d’état, Conseil des ministres). « Le positionnement de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la Zone. Les paramètres fondamentaux de la coopération ne sont toutefois pas modifiés : le régime de change demeure inchangé, avec un maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union tout comme la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France » souligne « le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine » déposé à l’Assemblée nationale française par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l’Economie et des finances. « La transformation du rôle de la France en celui d’un strict garant financier se traduit ainsi par la fin de sa représentation dans les instances techniques de gouvernance de la Zone où elle ne disposera plus, hors cas de crise, de droit de vote.
La réforme maintient inchangés les paramètres essentiels à la stabilité macroéconomique et monétaire de l’UMOA : maintien de la parité fixe de la monnaie commune de l’UMOA avec l’euro et de la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France. La garantie apportée par la France fonctionnera sur le même principe qu’aujourd’hui : si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France.
La crédibilité de l’ancrage de la monnaie de l’Union sur l’euro est donc préservée. La fin de l’obligation de dépôt des réserves de change de la BCEAO permettra à la Banque centrale de disposer de la totalité de ses réserves et de décider de leur allocation et de leur placement, avec, dans l’environnement de taux actuel, un impact probable sur la rémunération de ces avoirs » indiquent les auteurs du projet de loi.