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Les Enseignants Ne Sont Pas Des Cobayes à Offrir Au Coronavirus (par Ibrahima Diémé)

Les Enseignants Ne Sont Pas Des Cobayes à Offrir Au Coronavirus (par Ibrahima Diémé)

Ce mardi 26 mai 2020, les Sénégalais se sont vivement indignés à la vue des images d’attroupements des enseignants au terminus de Liberté 5 pour leur convoyage dans leurs lieux de service respectifs. En effet, la reprise des activités enseignements-apprentissages, fixée par les autorités éducatives, pour les élèves en classes d’examen (CM2, 3ème et Terminale) de ce mardi 2 juin en est la cause. Dans un contexte où la maladie du Coronavirus continue sa progression dans notre pays, au moment où aussi les autorités sanitaires exigent toujours le respect des gestes barrières pour freiner sa propagation, l’État du Sénégal décide parallèlement d’envoyer enseignants et élèves dans les classes en fixant la reprise des cours pour le 2 juin, obligeant les enseignants à violer le respect des gestes barrières de distanciation dans ce rassemblement au terminus de Liberté 5 pour leur convoyage à leurs lieux de servi.Les scènes de bousculades et d’attroupements des enseignants au terminus de Liberté 5, avant leur départ pour rejoindre leurs postes, sont tout simplement effarantes mais surtout dénigrantes et dégradantes car suscitant moult indignations et réactions. Il y a, certes, lieu de reconnaître que ces dignes et fiers soldats de la craie avaient voulu démontrer une image positive d’eux afin d’échapper aux attaques vindicatives, puériles et sans fondements de certains compatriotes qui se complaisent souvent à les taxer de flemmards et de paresseux usant de tous les prétextes possibles pour ne pas retourner à l’école tout en voulant continuer à percevoir leurs salaires.

Mais, à dire vrai, ces images désolantes, montrant les enseignants en bousculade, révèlent des défaillances graves de l’État du Sénégal dont la responsabilité est engagée dans l’organisation de bonnes conditions de convoyage de ces nobles soldats de la craie aux exploits quotidiens, violant les gestes barrières pour juste avoir la possibilité de retourner à leurs lieux de service respectifs en vue d’un démarrage effectif des cours le 2 juin. Tout montre bien qu’il y a là une impréparation de la part des autorités en charge du retour des enseignants dans les classes. Il serait évident de dire que les responsabilités de Mamadou TALLA, Ministre de l’Éducation Nationale, et d’Oumar YOUM, Ministre des transports, sont indexées dans ce fiasco et ce départ sans barrières des enseignants. C’est d’ailleurs ce qui amène Abdoulaye NDOYE, Secrétaire Général du Cadre Unitaire des Syndicats de l’Enseignement du Moyen Secondaire (CUSEMS) à sortir de ses gongs pour dénoncer vigoureusement ce convoyage chaotique des enseignants : « Nous tenons le gouvernement pour responsable de tout ce qui arrivera ». Saourou SENE, Secrétaire Général du Syndicat Autonome des Enseignants du Moyen Secondaire du Sénégal (SAEMSS), fustige la volonté des autorités éducatives à imposer une reprise précipitée des cours sans que les conditions en soient favorables. Pour éviter un chaos communautaire, il avertit sérieusement l’État du Sénégal :  » Nous n’allons pas accepter que l’école soit un nouveau foyer de propagation ».

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 Cette sortie au vitriol des porteurs de voix des soldats de la craie contre les autorités administratives en charge des préparatifs de la reprise des cours le 2 juin révèle aisément qu’il y a une impréparation du retour des enseignants à l’école. Il y a surtout un manque de consensus avec les véritables acteurs éducatifs. Ainsi, ce retour à l’école des enseignants et des élèves semble mal pensé et précipité. Tout porte à croire qu’il se fait sans l’aval du Comité National de Gestion des Épidémies (CNGE), sans accord avec tous les acteurs éducatifs à cause d’un manque de consensus sur un protocole sanitaire très clair d’autant plus que les mesures sanitaires édictées par les autorités étatiques pour éviter la propagation du virus à l’école demeurent encore floues. Dans ces conditions, il ne serait pas donc une surprise que demain l’école devienne un foyer propice de contagion du Coronavirus car les gages de sécurité exigés par les enseignants ne sont pas tous pris en charge par les autorités étatiques. 

Au demeurant, l’État a décidé de rouvrir les portes de l’école dans un contexte où même les autorités religieuses, musulmanes comme chrétiennes, ont formellement interdit, par prudence bien sûr, la réouverture des lieux de culte soumis à leur autorité sous peine d’étendre l’évolution de la maladie. L’école va donc rouvrir ses portes au moment où même les magistrats refusent de reprendre les audiences sans que le minimum de sécurité sanitaire ne leur soit garanti. L’État oblige les enseignants et élèves à regagner les classes au moment où la maladie continue d’accélérer sa progression dans notre pays avec, comme nouvelle particularité, l’implosion des cas communautaires qui vont, sans doute, croître davantage avec surtout les « cas écoles ».

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Pendant que beaucoup de pays dans le monde, touchés comme nous par la pandémie, ont choisi la voie de la prudence édictée par le bon sens en retardant la reprise des cours ou en les renvoyant tout bonnement à l’année prochaine, au Sénégal, Macky SALL et son gouvernement décident d’envoyer enseignants et élèves à l’école au moment où, la maladie, comme une voiture sans frein, n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. 

Aujourd’hui, les statistiques, sur plan mondial, révèlent que la pandémie du Coronavirus n’est pas encore sous contrôle. Les chiffres sont toujours alarmants. Nous sommes à 5.593.148 cas confirmés de Coronavirus dans le monde dont 350.458 morts. Ainsi, avec le déconfinement observé dans certains pays en Europe, le Centre Européen de Prévention se voit obliger de tirer la sonnette d’alarme et déclare :  » L’Europe doit se préparer à une seconde vague de Coronavirus ».

À ce jour au Sénégal, la situation de ce mercredi 27 mai 2020 nous informe que nous sommes à 3.253 cas confirmés de Coronavirus, 38 décès, 1.586 guéris et 1.628 patients encore sous traitement.Deux questions sans réponses nous taraudent l’esprit et nous laissent perplexes. Le Président Macky SALL et son gouvernement  auront-il le courage d’endosser toutes leurs responsabilités si toutefois la situation devient hors de contrôle ? L’État  du Sénégal se soucie-t-il vraiment de la réussite des apprenants ou veut-il tout simplement sauver l’année scolaire pour ne pas perdre ses milliards dépensés en termes de salaires, de fonctionnement et de primes ?

Ibrahima Diémé, Professeur de Lettres Modernes au Lycée Coumba Ndoffène DIOUF de FATICK.

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