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Et Le Calvaire Continue Pour Les « gens Saignants » ! (par Ibrahima Dieme)

Et Le Calvaire Continue Pour Les « gens Saignants » ! (par Ibrahima Dieme)

L’État du Sénégal, comme presque toujours, vient encore une fois de montrer le mépris qu’il nourrit envers le corps enseignant, ces braves soldats du savoir formant une armée républicaine aux exploits quotidiens mais jamais chantés, ni décorés et ni honorés.

Le calvaire indicible et indescriptible que les enseignants sont en train de vivre ces derniers temps dans leur convoyage à leurs lieux de service respectifs révèle que Macky SALL et son gouvernement n’avaient pas pris assez de temps pour préparer sérieusement leur retour à l’école pour un démarrage effectif des cours prévu le mardi 2 juin 2020 pour les élèves en classes d’examen. Il y a lieu donc de dénoncer avec véhémence l’amateurisme et l’incompétence de ces autorités dont relève le convoyage des enseignants, notamment Mamadou TALLA, Ministre de l’Éducation Nationale et Oumar YOUM, Ministre des transports terrestres.

Au premier jour de leur convoyage, plus de 1.500 enseignants étaient convoqués au même lieu et à la même heure au terminus de Liberté 5 de Dakar. Il fallait, à mon avis, diversifier les sites de convoyage au niveau de la capitale selon les différentes directions des enseignants pour leur éviter un rassemblement étant à l’origine des scènes de bousculades inadmissibles dans ce contexte de pandémie de Coronavirus où les règles de distanciation sociale sont de rigueur.

Hormis ce fiasco organisationnel noté en amont dans le convoyage des enseignants de leurs lieux de confinement à leurs postes de service, les autorités étatiques ont aussi pêché dans la mise en place de dispositifs de réception efficaces qui allaient permettre à chaque enseignant d’arriver à son lieu de service sans grandes difficultés. Malheureusement, nous avons vu des enseignants souffrir le martyr avant d’arriver à leur destination finale.

À titre illustratif, les collègues, servant dans l’IEF de Foundiougne, ayant quitté Dakar le mercredi 27 mai 2020, étaient arrivés vers 18 heures passées à l’embarcadère de Foundiougne. Et comme par ironie du sort pour éprouver davantage les enseignants, ayant déjà subi les supplices d’un voyage mouvementé de vrai parcours de combattant, le Ferry, servant habituellement de moyen de traversée pour entrer dans Foundiougne, arrête ses rotations tous les mercredis à partir de 15 heures. Ainsi, comme nous l’enseigne cet adage « Celui qui se noie s’accroche à la lame tranchante qu’on lui tend », les collègues n’avaient donc plus le choix que de risquer une fois de plus leur vie en acceptant de traverser cette haute mer par pirogue avec leurs nombreux bagages sans gilet de sauvetage afin d’atteinte l’autre rive. Il faut de surcroît noter que, dans ce peloton des soldats du savoir, il y avait des femmes, dont presque chacune d’elles avaient un bébé au dos, qui n’avaient jamais expérimenté un tel voyage aussi risqué en pirogue. Comme ils avaient tous formulé des prières à l’endroit de Dieu avant d’être embarqués, ils arrivèrent tous sains et saufs.

Mais sans qu’ils ne le sachent, d’autres grandes difficultés les attendaient encore à la Préfecture de Foundiougne où ils étaient réunis par les représentants syndicaux, venus à leur rescousse. Là aussi, il fallait être endurant et patient pour ne pas laisser exploser sa colère déjà mise à rude épreuve par les effets de la fatigue du voyage et les énormes tracasseries subies. Les enseignants ont donc été obligés d’attendre des minutes durant pour enfin voir un premier minicar pointer sur les lieux pour amener les collègues servant dans le Passy. Apès cet épisode, il a fallu aussi attendre plus d’une heure encorecpour que le bus, affrété par le Conseil Départemental de Foundiougne, se signale sur les lieux pour amener les 70 collègues devant se rendre dans les localités de Sokone, Toubacouta et Karang Poste.

Le même scénario désolant s’est produit aussi hier vendredi 29 mai 2020 à Tambacounda où 5 bus DDD, arrivés de Dakar, avaient déposé des enseignants près de la gouvernance et de la police de ladite ville. Prétextant un déficit de carburant, les chauffeurs de ces bus avaient opposé un niet catégorique de faire le reste du voyage pour acheminer les collègues servant dans les villes de Missirah, Saraya et Kédougou. Jusqu’à tard dans la nuit, ces enseignants se trouvaient encore dans les parages de la Gouvernance et de la Police, près à dormir à la belle étoile parce qu’une autorité administrative n’est venue à la rescousse malgré le temps poussiéreux qui sévit dans la ville de Tambacounda.

En outre, des faits quasi surréalistes de stigmatisation des enseignants se sont produits à Matam. M.DIOUF, un enseignant en service dans le Fouta, à Ndji Ngol précisément, de retour de Dakar, a trouvé sa chambre saccagée par les habitants du village. La raison de ce sacage serait liée à la pandémie du Coronavirus du fait que M.DIOUF vient de Dakar qui est l’épicentre du virus. Dans le Kaffrine, une enseignante, qui a servi pendant plusieurs années dans ce village, a vu ses bagages mis à feu, brûlés par les habitants de Malem Hodar. Elle était obligée de marcher des kilomètres pour aller passer la nuit à son IEF.

Le récit de ces épisodes douloureux témoigne encore une fois du manque de considération dont les enseignants sont victimes de la part de l’État du Sénégal. Les enseignants, en plus d’être les parents pauvres de la Fonction Publique sénégalaise, continuent de subir des humiliations de toutes sortes sous le regard narquois et indifférent des populations qui, pourtant paradoxalement, comptent sur eux pour l’éducation de leurs enfants. Autant il faut reconnaître que les enseignants sont responsables de ces humiliations qu’ils subissent parce qu’étant incapables d’unir leurs forces pour parler la même voix pour revaloriser leur situation et leurs conditions de travail, autant il faut aussi reconnaître l’échec des autorités étatiques dans le choix de l’éducation comme étant le premier levier à booster l’émergence tant souhaitée et chantée sur les toits du monde.

Encore une question qui interpelle la responsabilité individuelle et collective : quel Sénégal de demain voudrions-nous construire si les ouvriers, maîtres de ce vaste, noble et ambitieux chantiers à qui le peuple a confié ce qu’il a de plus cher (leurs enfants), ne sont pas respectés ?

Les autorités étatiques sénégalaises doivent, à mon sens, méditer sur cette édifiante citation de Malcom X :  » L’éducation est un passeport pour l’avenir, car demain appartient à ceux qui s’y préparent dès aujourd’hui ».

Ibrahima DIEME, Professeur de Lettres Modernes au Lycée Coumba Ndoffène DIOUF de Fatick

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