L’eau de mer, salée, représente plus de 97% du volume de l’eau sur la planète. L’eau douce en représente moins de 3%, les deux tiers sont sous forme de glace. Il y a ensuite les eaux souterraines, les lacs, puis enfin, les quantités d’eau dans l’atmosphère, dans les sols et dans les rivières. La plupart des territoires du monde ont un excès d’eau qui s’écoule par les rivières et fleuves vers la mer. Les prélèvements (pompages ou dérivations) réduisent le débit de façon notable. Vu la limite des réserves, accentuée par les pollutions répétées sur la ressource, le problème de l’eau est désormais stratégique !
Le Sénégal n’est pas à l’abri, et les événements récents avec les émeutes dans la ville de Cap Skiring, pose encore une fois l’urgence de donner des informations scientifiques tangibles permettant de chercher des solutions d’avenir.
Beaucoup se demandent comment une zone touristique comme Cap Skiring manque d’eau potable ? Voici une explication simple.
Cap Skiring, extrémité Sud-ouest de la basse Casamance, communauté rurale de Diembéring, l’arrondissement de Kabrousse, département d’Oussouye, région de Ziguinchor. La zone de Cap Skiring fait est caractérisée par une concentration importante d’eaux marines au niveau du continent. Hormis les plateaux de Tandine, Ziguinchor et Oussouye, tout le paysage se situe en-dessous de 20 m d’altitude par rapport au niveau marine. C’est cette faiblesse des pentes dans la région qui explique en partie la formation de ses vastes réseaux hydrographiques communément appelé «Bolong» et la pénétration profonde de la marée à l’intérieur du bassin plaçant ainsi l’ensemble de la basse Casamance dans le fief maritime.
Il faut tout aussi noter que la nappe d’eau superficielle de Cap Skiring qui est la principale source d’alimentation en eau de la population, flotte sur de l’eau salée. Et, elle est coincée entre deux compartiments salés : d’une part l’océan atlantique à l’Ouest et de l’autre part les cours d’eau qui forment un réseau hydrographique très dense en doigts de gant appelés «Bolong».
La nappe phréatique, captée, dans toutes les localités par des puits traditionnels, joue un rôle très important dans l’hydraulique villageoise. Elle est libre et se trouve à quelques décimètres du sol aux abords des «Bolong» et à une trentaine de mètres de profondeur sous les plateaux. Ce qui présente un risque de vulnérabilité énorme par l’intrusion saline des «Bolong» dont la teneur en sel peut-être trois (3) fois plus élevée que celle de l’eau de mer. Ces contaminations par intrusion saline sont surtout favorisées par la faiblesse de la profondeur de la nappe dans cette zone, favorisant les échanges entre les cours d’eau et la nappe pendant les périodes de crue.
Il s’y ajoute l’avancée de la mer et la surexploitation de la nappe, en raison du nombre important de forages qui alimentent une centaine d’hôtels et de campements dans la zone.
La pollution observée lors des études menées en 2016, montre que les zones les plus affectées sont les abords des «Bolong» où habite la population locale où certains puits ont été abandonnés à cause de l’intrusion saline et d’autres utilisés seulement pendant l’hivernage quand l’eau de pluies s’infiltre et dilue l’eau salée des puits.
Et à ce rythme-là les estimations prédisent que d’ici 200 ans, tous les puits qui captent la nappe superficielle à Cap Skiring seront tout simplement hors service à cause de la salinité.
Amath BODIAN
(Ingénieur géologue)
Docteur Cheikh
Ibrahima YOUM ;