Il est des choses bien symboliques dans une vie. Les dernières chroniques publiées dans ce journal, sous ma plume, ont bougé des lignes, secoué des baobabs et éclairé sur différents sujets («Akilee-Senelec : Qui doit crier au voleur ?» 18 mai 2020 ; «Le gouvernement est nu», 3 juin 2020 et «Finalement, ils ont fait pire que les Wade avec nos terres», 6 juin 2020). Les colonnes de ce journal sont le reflet d’une entreprise courageuse de liberté d’expression, de transparence dans le traitement de l’information, d’objectivité dans la présentation des faits et d’exposition au public des différents enjeux dans notre cher Sénégal. Je me suis lancé dans cette aventure avec un seul défi, faire tout savoir au lecteur pour une marche apaisée et viable de notre République. Cette exigence de transparence, de fidélité à la réalité et de souci de l’intérêt public, a toujours été la marque de fabrique de ce titre. Nos adversaires, tout comme nos sympathisants, nous le reconnaissent. Rien n’est publié dans ces colonnes ou de ma plume sans une connaissance avérée des faits, sans leur analyse lucide. Ne se dit-il pas dans ce pays que si Le Quotidien le dit, c’est sûrement vrai ! Le président Abdoulaye Wade avait sorti cette maxime en plein Conseil des ministres !
Il se trouve qu’à cet exercice essentiel de la vie démocratique, il y a un tribut à payer et un lot d’ingratitudes. Ce tribut, il n’a jamais été question pour moi de ne pas y sacrifier. En effet, quand je jette un regard dans le rétroviseur, plus rien ne m’impressionne. Il n’est guère de logique de tireurs embusqués, les combats qui me tiennent à cœur pour ce pays, je les porte de toutes mes forces. Aucune pression ou menace ne peut me détourner de cette voie. Aucun individu ne pourrait me faire plier parce qu’en connaissant la vérité, on est bien peu impressionné par tout le vacarme et tous les contre-feux que l’on pourrait préparer pour éloigner de l’essentiel.
Les procès d’intention ont pu être nombreux. Il m’est prêté d’un côté d’être en intelligence avec le président de la République Macky Sall pour dénoncer les failles de sa gouvernance et de lui donner un souffle nouveau. D’un autre, on suppose que je serais en mal avec le pouvoir politique (et/ou avec son «ami» disent certains), pour chercher à le charger de toute force. Il y a même le schéma d’un rapprochement avec l’opposition et certains milieux d’affaires pour tout discréditer de l’action publique. J’oubliais aussi l’argument selon lequel on préparerait un retour de Karim Wade au bercail et d’une voie toute tracée pour lui. On ne peut être que renversé par autant de fertilité d’esprit, mais dans l’impasse on peut comprendre que le sauve-qui-peut contraigne certains à faire feu de tout bois. Rien de ce jeu ne surprend, la première vague est de me prêter des mots et arguments qui ne sont pas les miens. Il arrive même d’identifier des personnes confinées dans l’anonymat, avec le dessein de les jeter en pâture mais en prétextant que ce serait Madiambal Diagne qui chercherait à leur nuire. La deuxième est de jouer avec un terrorisme intellectuel en orchestrant un tapage avec un agenda que j’aurais contre les religieux. La troisième est celle des coups de bélier avec une horde de cavaliers dont la fougue de leur course en dit suffisamment sur les motivations.
J’en irais à dire que rien n’est nouveau sous le soleil. En deux décennies, au gré des humeurs et colères des différents milieux avec les informations traitées, ma personne et ce journal ont été considérés comme armes de lobbys économiques, d’une intelligentsia mouride, d’adversaires politiques du président Wade, de cercles maçonniques ou de quelques autres obédiences, d’intérêts étrangers, de gradés des forces de défense et de sécurité. On finit par se perdre dans ce labyrinthe de connexions et d’explications des plus farfelues. Il est néanmoins rassurant qu’avec toutes ces obédiences qui nous sont prêtées, nos amis d’aujourd’hui sont nos ennemis du lendemain. Nos adversaires d’hier se muent en fervents sympathisants aujourd’hui. Tout cela au gré des publications et révélations de ce journal.
Le travail du journaliste est de soulever des lièvres, au peuple et aux autorités publiques de décider de les attraper ou pas. La succession des événements suite aux différentes révélations conforte sur le fait que des lignes ont pu être bougées et des postures revues. L’agitation et le tollé qui en ont découlé, montrent qu’un intérêt certain est prêté à ce qui est dit dans ces colonnes. Libre à chacun d’interpréter et d’en faire l’usage qui lui semble bon. Il n’est recherché à tirer aucune gloire ou de souhaiter à qui que ce soit une chute aux enfers. Il n’est pas non plus recherché de jeter qui que ce soit en pâture. Ce sont des faits qui ont été exposés et s’ils impliquent des chaînes, l’opinion aura au moins gagné à voir clair dans tout ce qui se joue en son nom. De la même manière que nous avions poussé à faire changer beaucoup de choses dans la gouvernance du président Abdoulaye Wade, nous pouvons affirmer avoir obtenu que le président Macky Sall soit assez interpellé sur la gestion du Plan de riposte contre le Covid-19, ou sur l’affaire du contrat controversé entre Senelec et Akilee ou sur la gestion des domaines fonciers de l’Etat. L’idée qu’une exigence du président de la République sur une clarté de tous les faits, allant jusqu’à demander une identification des différentes personnes impliquées dans les différentes affaires a secoué bien des baobabs. Les tirs tous azimuts se comprennent.
Il n’y a aucun mal à être seul dans un combat et de se voir adversaire de gens dont les intérêts propres ont pu être mis à mal. Le temps reste le meilleur des juges et rétablira chacun dans la vérité. Le Sénégal saura reconnaître ses fils.
Mon pacte avec Macky Sall
Mes relations avec le président Macky Sall nourrissent des commentaires et continueront d’alimenter les parlottes. Il doit être clair que je m’honore de son amitié et j’ai pour lui de l’affection qu’il me témoigne en retour. Cette relation est aussi fondée sur du respect et un pacte moral indéfectible pour moi. Je n’avais pas de relations suivies avec le président Macky Sall avant ses déboires avec le régime de Abdoulaye Wade. C’est en juin 2008, que j’ai eu à m’asseoir pour la première fois avec l’homme qui était alors président de l’Assemblée nationale. Notre ami commun Alioune Fall, journaliste, avait arrangé le rendez-vous au domicile du président de l’Assemblée nationale. Nous avions eu une discussion franche. Macky Sall n’avait pas cherché à se débiner le moins du monde. Il avait assumé toute sa part de responsabilité dans les actions menées par le pouvoir Wade contre ma personne et contre le journal Le Quotidien. Macky Sall avait été à la tête d’un gouvernement qui se voulait intraitable avec Madiambal. J’avais salué son courage et son honnêteté pour admettre le rôle qu’il aurait pu avoir joué. Il disait avoir compris le sens et la portée de mon combat et m’avait alors invité à me joindre à lui, «dans le combat qu’il menait pour la démocratie et pour protéger la République et restaurer ses valeurs». Il savait que sa rupture d’avec Wade était inscrite comme une fatalité. Je lui avais alors donné une poignée de mains pour lui dire «qu’il pouvait désormais compter sur moi». Le lendemain, j’avais rassemblé mes collaborateurs pour les informer de cette situation.
J’ai ainsi entretenu des relations régulières avec Macky Sall et je m’autorisais à lui faire des suggestions et des remarques, durant tout le déploiement de son action politique. A son arrivée au pouvoir en 2012, il a tenu à raffermir de telles relations et a fait de moi un interlocuteur assez privilégié pour discuter de questions majeures. Je me suis fait le serment de lui dire strictement la vérité, considérant que je ne pourrais lui être utile et être utile à la République que dans une posture de vérité et de franchise. En de nombreuses occasions, l’un et l’autre, nous avons pu éprouver notre amitié. Ce n’est pas pour autant que mon pacte avec le Sénégal en souffrirait d’une quelconque manière.