Dans la lettre écrite au maire de Ndar, Mansour Faye, par le philosophe Khadim Ndiaye après que le vent a réalisé le 4 septembre 2017 ce dont rêvent tous les antiracistes et anticolonialistes, certaines ignominies du tristement célèbre gouverneur y sont relatées aux fins de l’inciter à ne plus remettre en place la statue du gouverneur sanguinaire. Nous vous en livrons une partie très instructive.
Janvier 1855 : une expédition est lancée contre le village de Bokol dans le Dimar. Tout le village est brûlé.
Mars 1855 : expédition contre les villages de Marsa et d’Oundounba. Faidherbe y envoie la « Garnison de Bakel ». Le village est brûlé. On dénombra 12 morts, 25 blessés, 22 bœufs volés ainsi que des chèvres et des ânes.
Mars 1855 : un lieutenant de Faidherbe, M. Bargone, envoie des tirs de canons et rase le village de Bakel. La détermination de M. Bargone fut saluée par Faidherbe. Un seul endroit dans Bakel fut épargné, le quartier Ndiaybé, parce qu’il s’y trouvait quelques alliés fidèles du général.
Le 5 avril 1855 : Les hommes de Faidherbe brûlèrent le village de Nayé, dans le Sénégal oriental. Plus de 200 personnes périrent dans les flammes. Un grand homme religieux du village fut fusillé sur place.
Le 14 juillet 1855 (le 14 juillet symbolise la prise de la Bastille, date fêtée en France) : Le gouverneur Faidherbe lui-même fit tirer sur des villageois, des populations riveraines, près d’Orndoli dans le Damga. Le capitaine Parent, un lieutenant de Faidherbe, fit des razzias aux abords de Bakel et brûla entièrement le village de Koungueul.
Le 18 décembre 1856, le village de Nguik dans le Ndiambour est pillé et brûlé par les hommes de Faidherbe. Le général dirigeait lui-même les opérations.
Le 19 décembre 1856, le village de Ouadan et celui de Baralé sont également incendiés par les hommes de Faidherbe. A noter également qu’au mois de mars 1858, les hommes de Faidherbe brûlèrent de nouveau Ouadan. Le village de Keur-Seyni-Diop est aussi incendié au cours de « L’expédition de Niomré ». Les villages de Tanim ainsi que celui de Mbirama furent également incendiés par les soldats dirigés par un homme de Faidherbe, le lieutenant Lafont. Les chroniques rapportent qu’on voyait au loin la fumée s’élever au-dessus du village de Mbirama.
Mai 1859 : Sur la route pour combattre le Sine, les hommes de Faidherbe forcèrent les villages à fournir de force un contingent de volontaires. L’échauffourée de Logandème contre Bour Sine Famak est lancée le 18 mai 1859. Ce fut une épreuve sanglante. Faidherbe lui-même affirme que 150 Sérères furent tués ou blessés. Il donna l’ordre de brûler Fatick et tous les villages environnants. Les imposantes colonnes de fumée poussèrent les rescapés à aller se réfugier dans les zones voisines.
Mars 1860 : Faidherbe envoya le commandant Laprade en Basse-Casamance pour punir certains villageois jugés hostiles. C’est «l’expédition de Karone et Thionk ». Le village de Hilor fut entièrement incendié. Un des fils du roi de Hilor fut tué. Le village de Kourba fut également brûlé.
5 février 1861 : En Haute-Casamance, le vilage de Sandiniéri est dévasté. Le capitaine Fulcrand détruisit le village de Dioudoubou. Le village de Niagabar fut également incendié.
Mars 1861 : Faidherbe dirigea lui-même une expédition contre le Cayor. Tous les villages entre Kelle et Mékhé, au nombre de 25 furent tous brûlés. Des dizaines de personnes furent fusillées.
Le 4 avril 1861, au village keur Ali-Mbengue, 16 hommes sont tués. Tous les villages voisins sont pillés et incendiés.
Le 18 juillet 1864 : les hommes de Faidherbe détruisirent tous les villages bosséyabé dans le Fouta. Près d’une quarantaine de personnes furent massacrées.
Ces horreurs sus-évoquées enseignent et renseignent sur toute la cruauté de Faidherbe auquel des Sénégalais vouent encore un culte quasi-divin. Ses petits-fils spirituels, nécrolâtres et masochistes « au volume faible de leurs cerveaux et au système nerveux très peu développé », comme il aimait qualifier les Noirs, l’adorent et le vénèrent pour ses atrocités légendaires. En victimologie, on appelle une telle attitude « faidherbophile », le Syndrome de Stockholm. Aliénés, dépersonnalisés, voire réifiés, des intellectuels néo-colonisés se sont auto-soumis à un statut social ontologique inférieur au point qu’ils s’échinent éperdument pour assimiler et s’assimiler (à) la culture dominante et mirifique de l’oppresseur.
Lors de son premier séjour en 1844 en Algérie, Faidherbe est témoin du massacre des habitants signé le général Bugeaud. Ainsi écrit-il à sa mère la même année pour lui raconter l’horreur exquise : « Vous voyez une guerre d’extermination et, malheureusement, il est impossible de la faire autrement. Après bien des tentatives pour lui inspirer le respect du droit des gens, on est réduit à dire : un Arabe tué c’est deux Français de moins assassinés. » Et l’on se rend compte que Faidherbe a assimilé les leçons de ses maitres. Pendant son second séjour algérien entre1849-1852, après s’être formé à la « méthode Bugeaud » qui consiste à piller, massacrer, enfumer, détruire les villages, décapiter les résistants, Faidherbe la met en application. Ainsi, au cours de l’expédition de la petite Kabylie à laquelle il prend part en 1851 sous les ordres du Général sanguinaire Saint-Arnaud, il envoie à sa mère une lettre datée du 30 juin de la même année dans laquelle il se délecte d’avoir massacré plusieurs villageois.
Horresco referens ! Participant personnellement aux opérations de massacres des populations sénégalaises insoumises, Faidherbe appliquera les méthodes pyromanes et cruelles de son inspirateur sanguinaire Bugeaud sur les populations. « En dix jours, nous avions brûlé plusieurs villages riverains de la Taouey (une rivière canalisée qui relie le lac de Guiers au fleuve Sénégal), pris 2 000 bœufs, 30 chevaux, 50 ânes et un important nombre de moutons, fait 150 prisonniers, tué 100 hommes, brûlé 25 villages et inspiré une salutaire terreur à ces populations », a-t-il écrit.
Mais qui est ce militaire français qui avait comme doctrine « dominer même s’il faut tuer et détruire » et qui fascine tant Faidherbe ? Thomas Robert Bugeaud, lieutenant-général, nommé gouverneur général de l’Algérie en 1840 était un fervent adepte de la politique de la terre brûlée et des grottes enfumées. Il avait l’habitude de dire avec cynisme : « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, de jouir de leurs champs. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes ou bien exterminez-les jusqu’au dernier… Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Fumez-les à outrance comme des renards. »
Adepte de la « méthode Bugeaud », le colonel Aimable Pélissier fait asphyxier impitoyablement, le 18 juin 1845, plusieurs centaines de personnes des Ouled Riah composées d’hommes, de femmes et d’enfants qui se sont réfugiées dans les grottes de Ghar-el-Frechih, dans la région du Dahra en Algérie. Après cette abomination, Pélissier se justifie cyniquement : « La peau d’un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables. » Faidherbe, admiratif de Bugeaud et Pélissier, expérimentera leurs méthodes abjectes sur le sol algérien avant de les importer au Sénégal où il est nommé gouverneur à partir de 1854. Même Jean-Bernardin Jauréguiberry, son remplaçant provisoire dans la séquence (1861-1863), suivit ses pas en incendiant 50 villages foutanké que la mémoire collective appelle douloureusement « Douppal borom ndar ».
Il appert aujourd’hui que le gouverneur génocidaire n’a sa place que dans un musée où les conservateurs pourraient apprendre aux visiteurs tout le sang qui entache l’histoire de ce tortionnaire sanguinaire. Le laisser trôner avec goguenardise à l’entrée de l’île de Ndar constitue pour nous Sénégalais une insulte mémorielle qui nous impose d’adorer ce que nous devons abhorrer. L’école des Otages construite par Faidherbe en 1856 prend encore aujourd’hui en otages certains aliénés qui s’enlisent à corps et à cerveau perdus dans les sables mouvants du culte de dulie en glorifiant les basses œuvres du gouverneur criminel. Les petits-fils spirituels du soumis Bakary Diallo, ce tirailleur sénégalais fasciné par le chef blanc et la puissance coloniale française, auteur douteux de l’autobiographie Force-Bonté, sont toujours-là. Les héritiers idéologiques du complexé président Léopold Sédar Senghor qui disait le 4 avril 1969 : « Si je parle de Faidherbe, c’est avec la plus haute estime, jusqu’avec amitié, parce qu’il a appris à nous connaître, que son jugement, en nous rappelant les vertus de nos ancêtres, doit nous aider à reprendre courage, à nous battre avec plus de cœur », circulent toujours.
Nous avons lu et entendu des hommes de culture s’emberlificotant dans un ndaro-centrisme stérile vouloir, au nom d’urgences économiques, ravaler le déboulonnement de la statue de Faidherbe comme une sous-priorité ou une francophobie qui ne doivent pas occulter les vraies difficultés de la vieille ville. D’abord, la statue de Faidherbe transcende l’île de Ndar pour être un problème du Sénégal. Il était l’administrateur de la colonie du Sénégal avec comme titre « gouverneur » ayant sa résidence à Ndar. En effet, l’ordonnance du 7 septembre 1840 du « Roi des Français » Louis-Philippe stipulait à l’article 1 que « le commandement et la haute administration de la colonie du Sénégal et de ses dépendances sont confiés à un gouverneur résidant à Saint-Louis ». Ensuite, l’indépendance politique et le développement économique ne peuvent être atteints sans se débarrasser de ces scories coloniales idéalistes qui aveuglent certains esprits enchainés dans la caverne de la domination occidentale et inhibent tout effort de créativité. Beaucoup de ces pétillants intellos, qui s’enorgueillissent de Ndar en le qualifiant de « Ville Lumière » (tiens, tiens encore une usurpation !) et qui se terrent à Dakar, n’y retournent que pour leur mise en terre. C’est pourquoi, il est temps de déconfiner ces esprits rétrogrades claquemurés, voire englués dans une faidherbolâtrie asservissante qui veulent pérenniser les horreurs du gouverneur exterminateur en l’immortalisant par une statue insolente.
Quand le 4 septembre 2017, veille de l’anniversaire des deux « raaka » effectués par Serigne Touba dans le bureau du gouverneur le 5 septembre 1895 à Ndar, la statue de Faidherbe s’est effondrée du fait d’un phénomène naturel ou supranaturel, il fallait décoder le message de Dame-Nature et parachever son œuvre d’assainissement. Mais le maire Mansour Faye, devant la menace des Ndar-Ndar de broyer la statue d’airain du boucher, s’est empressé de la boulonner à nouveau sous une forte présence policière. Ce qui montre aujourd’hui que la méthode utilisée jadis par Faidherbe pour dominer les populations du Sénégal, ses héritiers spirituels s’y excellent pour le faire vivre dans la conscience et la mémoire insultées des Sénégalais.
Nous refusons d’être reconnaissants, fussions-nous xénophobes, envers ce colon qui nous a nié notre essence et détruit notre existence. Mais que l’on ne s’y méprenne point ! Certes, l’on ne peut pas d’un geste orwellien gommer toutes ces saletés de l’histoire, mais la bourrasque destructiviste qui a balayé récemment certaines figures historiques au passé colonialiste ou esclavagiste hideux n’épargnera pas ce gouverneur-boucher dont le seul mérite est d’avoir exterminé nos grands-parents résistants. Et aucune autorité ou faidherbolâtre ne pourra arrêter la volonté du peuple insoumis.