Rien de tel pour opposer les peuples que les vociférations haineuses. Voilà pourquoi l’insulte connait un tel succès dans l’arène politique comme sur les réseaux sociaux. Parce qu’elle excite la foule.
Dans la lettre récente au président Macky Sall d’un certain commissaire en retraite que je ne nommerai même pas, tant ses propos m’inspirent une profonde horreur, l’insulte crasse trahit l’absence d’arguments, l’impuissant devant un adversaire tellement au-dessus, que son détracteur n’a plus que cette ressource pour l’atteindre.
Ce besoin d’insulte s’agite dans l’esprit de ce pauvre commissaire, en quête de succès faciles, surtout parmi les âmes basses. Je crois malheureusement pour lui, que ses torpilles locutoires manquent parfaitement leur but et que ses insultes défendent une mauvaise cause.
L’esprit critique et la liberté d’expression permettent, il va de soi, de tout reprocher à notre président, sauf pour être honnête, qu’il est un esprit cultivé, ferme, visionnaire dans ses conceptions, entreprenant et infatigable au travail.
Alors si j’ai le choix entre être persuadée de haïr ou persuadée d’agir, je préfère me démarquer des insulteurs professionnels et même féliciter notre président pour sa clairvoyance.
De la même manière, plutôt que d’entraîner les esprits de mes concitoyens dans un ignoble combat, je préfère leur dire qu’ils méritent toute la reconnaissance de la nation pour leurs comportements responsables et leur abnégation face à la crise sanitaire qui nous frappe et nous fait peur.
Le problème de l’insulte, en ces temps troublés, est qu’elle ne cherche pas seulement à poser une sentence négative sur un adversaire, elle vise un autre dessein, celui d’exaspérer l’ennemi, d’atteindre son moral, surtout si cet adversaire est intelligent, sensible et peu enclin à ces jeux haineux.
Je ne reviendrai pas sur le contenu de cette lettre calomnieuse que je n’ai même pas terminée de lire tant elle manque d’invention et de persuasion, mais notre jeune démocratie ne devrait-elle pas réfléchir, face à des propos baveux et vomitoires, qui n’ont guère le goût de chercher des arguments et des preuves, à une façon de légiférer, au même titre que l’on interdit les déjections et les crachats dans l’espace public ?
Ce climat de haine indigne de notre démocratie met la République et notre vivre-ensemble en danger. N’est-il pas temps que l’Assemblée nationale se penche sur l’examen d’une proposition de loi contre les propos haineux en ligne et dans l’arène politique en général ? D’une part afin de contraindre les géants du net à retirer plus rapidement les contenus manifestement illicites de leurs sites, et notamment les injures, et d’autre part de limiter les incitations à la haine républicaine dans le paysage politique sénégalais.
Bien sûr, le Sénégal ne serait pas le Sénégal sans une certaine dose de polémiques oratoires, jusqu’à l’excès et l’injure parfois. C’est de bonne guerre. Mais peut-on laisser tout dire et n’importe quoi sur tout le monde à l’instar de ce « commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite », comme il signe ses diatribes fielleuses ?
Au moins si nous ne légiférons pas sur la question, que les insulteurs professionnels s’appliquent à le faire avec conscience et précision. Oui, conscience et précision ! Car comme pour ce pauvre commissaire, l’insulte ne marche pas à tous les coups. Il ne suffit pas d’injurier, mais de le faire avec un certain à-propos et sur un fond de vérité, afin que l’injure porte. N’insulte pas qui veut !