Le mouvement IDEAL exprime sa vive indignation face à l’anarchie entretenue dans la gouvernance foncière au Sénégal. Faisant fi des dispositions constitutionnelles sur les ressources naturelles consacrées par le référendum de 2016, des critères d’intérêt général et d’utilité publique au fondement des législations sur le domaine national et le domaine public, des groupes politico-affairistes, avec la bienveillance de la haute administration, font main basse systématiquement sur les dernières réserves foncières du triangle Dakar-Thiès-Mbour et des agglomérations urbaines de l’intérieur. En zones rurales, les terres agrosylvopastorales les plus attrayantes du domaine national sont accaparées et défigurées par une poignée de firmes étrangères et de « happy few » locaux au détriment des exploitations agricoles et pastorales familiales marginalisés dans des poches qui se réduisent comme peau de chagrin. Face aux spéculateurs et accumulateurs du capital foncier, les ruraux sont poussés à l’exode, tandis que les citadins locataires par défaut, sont exclus financièrement des circuits d’accès à la propriété individuelle des parcelles d’habitation et des logements dont les prix exorbitants prennent l’ascenseur pendant que les revenus sont quasiment gelés.
L’hyper-concentration de la propriété foncière est la conséquence volontaire de la neutralisation et de l’obstruction volontaire des législations foncières, d’aménagement du territoire et d’urbanisme par le régime actuel qui pratique la stratégie du laissez aller selon les principes du fait accompli et de la loi du plus fort. Les imperfections de la législation sur le domaine national et le domaine de l’Etat ne sont toujours pas corrigés malgré l’annonce d’une réforme foncière et d’une politique foncière dans la loi d’orientation agrosylvopastorale de 2004. La Commission nationale de réforme foncière (CNRF) créée par décret le 06 décembre 2012, a été dissoute prématurément par le Chef de l’Etat par Décret du 16 mai 2017. LA CNRF venait juste de remettre, le 20 avril 2017, lors d’une séance spéciale, un Document de politique foncière au Chef de l’Etat qui n’a jamais donné suite au rapport. L’enterrement du débat sur la réforme foncière et la politique foncière n’a pas empêché l’opportunisme réglementaire consistant à créer sans aucune concertation des zones économiques spéciales et des pôles urbains sur les terres du domaine national, et à déclasser frénétiquement des portions toujours plus importantes du domaine forestier classé et du domaine public maritime.
Concernant justement le littoral, en plus des effets néfastes de l’érosion côtière, il subit les assauts répétés des spéculateurs fonciers avides, profitant opportunément des effets d’aubaine du déclassement du domaine public maritime, de la cupidité des élus locaux et du concours complice des administrations territoriales et de contrôle, au mépris de toute norme d’aménagement. L’imprécision juridique et institutionnelle des zones côtières, justifie en partie les occupations anarchiques et irrégulières constatées sur le littoral. Elles s’expriment en toute impunité par des occupations sans titre, lorsque les titres existent, souvent les bénéficiaires en abusent en s’octroyant des droits qui vont au-delà de ce que leur confèrent ces derniers
Pour corriger ces imperfections, un projet de loi sur le littoral est dans le circuit administratif depuis 2012. Une large concertation a été organisée dans les différentes régions littorales du Sénégal en vue de recueillir l’avis des différentes parties prenantes à la gestion du littoral. Le projet, après avoir été soumis aux observations d’un comité de lecture, a reçu l’avis de la Cour suprême, mais tarde encore à passer en Conseil des Ministres avant son dépôt sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Le 22 octobre 2016, lors de la cérémonie de clôture de la Conférence nationale sur le développement durable (CNDD), le Premier Ministre annonçait que le projet de loi littoral sera articulé avec la réforme foncière. Malgré la nouvelle polémique créée par l’accaparement des terres sur la corniche de Dakar et les Niayes, le projet de loi sur le littoral semble relégué aux oubliettes. En conseil des Ministres du 10 juin 2020, le chef de l’Etat propose un énigmatique Plan global d’Aménagement durable et de valorisation optimale du Littoral national. Le gouvernement ne peut ignorer l’existence d’une Stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières adoptée depuis 2013 et dont l’actualisation de même que l’élaboration d’un Plan de gestion intégrée des zones côtières est prévue dans le cadre du Programme de gestion du Littoral Ouest Africain (WACA) financé par la Banque Mondiale et mis en œuvre par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable.
A l’analyse, l’immobilisme, l’incohérence et l’inconséquence sont la marque des politiques foncières du régime actuel qui profite de la confusion institutionnelle et juridique pour enrichir des affairistes et récompenser ses amis politiques en prélevant abusivement les ressources du patrimoine national.