Afin de faire face aux problèmes les plus urgents découlant de la pandémie de Covid-19, qui, pour l’instant, ne les touche pas avec la même gravité que d’autres parties du monde, les pays africains auront besoin d’une forme d’expansion budgétaire importante.
Ces mesures doivent principalement cibler les infrastructures. Premièrement, par un renforcement des services de santé essentiels ; deuxièmement, par une aide gouvernementale au secteur des services publics primaires pour garantir un accès illimité à l’eau et à l’électricité après la mise en œuvre des protocoles de confinement requis. En outre, des fonds devraient également être mis à la disposition du secteur privé pour soutenir l’inévitable contraction économique due au gel de l’activité économique.
Des dommages considérables à long terme
La question d’un moratoire ou d’une « suspension » du remboursement des Eurobonds, telle qu’elle est proposée, ne revêt pas autant d’importance en comparaison des besoins susmentionnés et, qui plus est, compromettrait grandement l’accès futur des économies africaines aux marchés internationaux. Un tel moratoire serait perçu comme un défaut de paiement et, quelle que soit la gravité de la situation actuelle, il infligerait des dommages considérables à long terme.
Ultimement, ce sont les marchés de capitaux privés qui doivent être la véritable source du capital destiné à l’investissement productif, ce qui est fondamental pour la poursuite du développement du continent.
À titre d’exemple, la capacité de pays tels que le Bénin et le Ghana à accéder aux marchés des capitaux au cours de l’année écoulée, à 5,75 % sur sept ans (500 millions d’euros) et à 8,875 % sur quarante ans (750 millions de dollars américains), respectivement, témoigne des conditions favorables dont ont bénéficié les nations africaines. Il serait sage de ne pas mettre en péril un tel acquis à ce stade.
Une solution : des dettes à coupon zéro sur quinze ans
Pour les pays qui ont encore la capacité de servir leur dette, la question du remboursement de la dette privée pourrait, à l’inverse, être abordée dans un cadre plus large qui comprend, à titre essentiel, un soutien budgétaire visant à relever les défis économiques actuels et futurs auxquels sont confrontés les pays d’Afrique subsaharienne, comme indiqué ci-dessus.
Ces fonds pourraient être versés aux pays qui en ont besoin par les institutions multilatérales sous la forme d’une dette à coupon zéro sur quinze ans, à un taux de 1 ou 2 % par exemple (ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres).
Le Nigeria en est un bon exemple : le pays a récemment demandé un financement multilatéral de 6,9 milliards de dollars au FMI, à la Banque mondiale et à la BAD pour lutter contre la crise du coronavirus. Une partie de cette somme serait utilisée pour établir un fonds d’intervention de crise Covid-19 de 1,2 milliard de dollars afin d’améliorer les établissements de soins de santé et de fournir des fonds d’intervention aux États. Un tel montant doit être comparé aux engagements de service de la dette extérieure qui seront en moyenne inférieurs à 750 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.
Si l’Afrique doit éventuellement mettre un terme à sa longue dépendance à l’égard des donateurs et des fonds multilatéraux pour financer son développement économique, elle devrait évoluer vers un financement de marché. Avec des engagements de capital et d’intérêts sur toutes les euro-obligations en circulation de l’Afrique subsaharienne qui s’élèvent à environ 5 milliards de dollars par an sur les 48 prochains mois, l’ « allègement » de la dette privée, tel que proposé compromettrait l’accès durement gagné de la région aux marchés des capitaux internationaux, et entraverait l’avenir de son développement.
Alain Nkontchou est associé-gérant de l’investisseur panafricain Enko Capital Management LLP.