Aujourd’hui nous commémorons le 25e anniversaire du génocide de Srebrenica. Le 11 juillet 995, près de 8,000 hommes et adolescents bosniaques musulmans ont été massacrés par les forces serbes de Bosnie. C’était la pire des atrocités commises sur le sol européen depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Nous rendons hommage à tous ceux qui, il y a vingt-cinq ans, ont été victimes de cruauté, d’inhumanité et, finalement, du crime le plus odieux, le crime de génocide. Ces Bosniaques musulmans pensaient qu’ils étaient en sécurité dans une enclave protégée par les Nations Unies. Pourtant, ils ne reçurent aucune protection au moment où elle était plus que nécessaire.
Aux Nations Unies, lorsque nous nous souvenons de Srebrenica, nous le faisons avec beaucoup d’humilité et de regret, car nous reconnaissons que la communauté internationale, y compris notre propre organisation, n’a pas empêché cette tragédie.
La vie des victimes de Srebrenica doit être honorée et rappelée. Le chagrin que la perte de ces vies a généré se fera sentir pendant des générations. N’oublions jamais que ce qui s’est passé à Srebrenica ne concerne pas seulement le passé. Il s’agit de faire face au présent et de faire face à l’avenir. La souffrance des victimes ne finit jamais, et notre adhésion à leur cause ne devrait pas non plus s’estomper.
Pour moi, se souvenir de ce qui s’est passé à Srebrenica, il y a vingt-cinq ans, constitue non seulement une responsabilité que nous partageons tous dans l’humanité, mais aussi un impératif pour empêcher la commission de tels crimes à l’avenir. Nous devons donc commencer par l’humilité de reconnaître qu’il nous reste encore beaucoup à faire pour atteindre cet objectif. Pourtant, les leçons de Srebrenica montrent trop clairement que, lorsque les signes sont là pour tous, nous ne devons ménager aucun effort pour prendre des mesures pour empêcher de telles tragédies.
J’ai souvent entendu et partagé cet appel à la reconnaissance et à l’action. Mais il devient plus fort et plus clair lorsqu’il est exprimé par ceux et celles qui ont souffert des horreurs du passé. À Srebrenica, la voix des proches des victimes, en particulier des Mères de Srebrenica, reste une source d’inspiration pour nous tous.
Il y a deux ans, j’ai eu l’honneur de rendre visite aux Mères de Srebrenica au Potocari Memorial Centre. À cette occasion, j’ai fait un tour avec elles dans des champs qui ont été témoins de souffrances insupportables. Je me suis rendu à Srebrenica pour honorer leur combat pour la justice et rendre hommage à leurs pères, leurs frères, leurs maris, leurs fils, dans certains cas à toute leur famille.
La vie des victimes de Srebrenica doit être honorée et rappelée. Le chagrin que la perte de ces vies a généré se fera sentir pendant des générations. N’oublions jamais que ce qui s’est passé à Srebrenica ne concerne pas seulement le passé. Il s’agit de faire face au présent et de faire face à l’avenir. La souffrance des victimes ne finit jamais, et notre adhésion à leur cause ne devrait pas non plus s’estomper.
Cela devrait commencer par la reconnaissance des atrocités criminelles qui ont été commises. Pourtant, certains continuent de douter, voire nier que les événements d’il y a vingt-cinq ans constituent un génocide. Ceci malgré les jugements du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, de la Cour internationale de Justice et des tribunaux nationaux. Le déni du génocide sème la peur, la méfiance et la haine. Le déni du génocide divise les communautés. Il transforme les auteurs et les criminels de guerre en héros. Il constitue un affront à la réconciliation et empoisonne l’avenir des enfants avant même qu’ils ne s’en rendent compte.
Nous devons tous contrer fortement ces tendances. Tous les dirigeants politiques et toutes les personnes en position d’influence doivent combattre la rhétorique négative par des paroles de compassion et d’empathie envers la douleur et la souffrance de leurs voisins.
Les victimes, les survivants et les témoins – les personnes mêmes que nous honorons aujourd’hui – sont les vrais héros. Ils ont fait preuve d’un immense courage en se rendant devant les tribunaux pour témoigner contre ceux qui leur ont causé tant de souffrances ; ceux qui ont donné l’ordre de viser des civils pendant le conflit ; ceux qui bafouaient les Conventions de Genève. Malgré le passage du temps, un quart de siècle déjà, les victimes et les survivants n’ont cependant jamais abandonné l’espoir de voir la justice. Nous devons toujours nous souvenir de leurs souffrances et honorer leur cause.
Bon nombre des indicateurs de risque que nous utilisons aujourd’hui à l’échelle mondiale s’appuient sur les enseignements que nous avons tirés des événements qui ont précédé les génocides de Srebrenica ou des Tutsis du Rwanda. Les leçons tirées de ces tragédies m’ont conduit à développer un cadre d’analyse pour la prévention des atrocités criminelles (crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre et nettoyage ethnique). Ce document est disponible dans les langues officielles de l’ONU et accessible au site de mon Bureau www.un.org/preventiongenocide/. A l’occasion de ma visite officielle en Slovénie, j’ai eu l’agréable surprise de recevoir une copie de ce cadre d’analyse traduit en langue slovène qui n’est pas une des six (6) langues officielles de l’ONU. Ce fut l’occasion pour moi de féliciter le président de la Slovénie lors de l’audience qu’il m’a accordée. En traduisant et en disséminant ce cadre d’analyse les autorités de ce pays d’Europe centrale au carrefour des principales cultures européennes, a bien compris le message que je répète inlassablement : aucune société n’est à l’abri du risque de génocide et autres atrocités criminelles.
En ces temps d’incertitudes dans la région du Sahel, où nous sommes témoins de la stigmatisation des Peuls, où des violations et abus de droits de l’homme sont commis autant par des forces gouvernementales que des groupes armés non étatiques renforçons notre devoir de vigilance. J’en appelle à tous les leaders de la région d’investir davantage dans la prévention, de sensibiliser aux conséquences de la haine et de l’intolérance. Ce travail est indispensable partout. La montée mondiale du discours de haine, de l’intolérance et du dénigrement de groupes entiers est très préoccupante. Nous devons redoubler d’efforts pour combattre la haine partout où elle s’exprime.
Nous devons œuvrer pour un monde exempt de haine et de division dans lequel les crimes tels que ceux qui ont été commis à Srebrenica ne se produisent plus ; un monde qui a tiré les leçons du passé ; et un monde où les communautés peuvent vivre ensemble dans la paix et la dignité, car c’est leur droit inhérent.
Savoir se souvenir est tout un art de vivre ! Se souvenir de Srebrenica constitue également un impératif pour empêcher la commission de tels crimes à l’avenir. Rappelons que l’engagement de ne pas oublier et l’engagement de prévenir sont les deux faces d’une même médaille.
Adama Dieng est Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Conseiller spécial pour la prévention du génocide.