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Et Corona Qui Rempile

Et Corona Qui Rempile

Il aura réussi, par on ne sait quel subterfuge, à s’installer dans ce pays en mars. La tête dure, le caractère belliqueux, bougon à souhait, il aura anéanti plus d’un espoir et brisé foultitudes de rêves. Toutes les tentatives pour s’en débarrasser ou du moins en juguler les funestes effets ne seront que coup d’épée dans l’eau ou plutôt coup de sabre au vent, l’eau se faisant rare en ces temps de pandémie. Nous avons raté l’occasion de nous administrer le vaccin qui s’imposait, et nous voilà curieusement hésitants et hagards pendant que le sérum est là, à portée de main. La distanciation est le remède indiqué : éloignons-nous-en.

Il faut se demander par quel coup du sort ce monstre est venu frapper à nos portes. Non, il a été fabriqué, par un homme diront certains ou simplement la nature à travers la volonté divine, objecteront d’autres. Qu’importe : il s’est bien installé, se complaisant à nous prendre en otage et ne compte pas s’en aller de sitôt. Il est vrai que dans un pays où la désinvolture passe pour normalité dans les traits de caractère, où il n’y a de communautés que dans les jours heureux, où le combat de tous n’est mené que par quelques-uns, où ceux qui devraient se taire ont pris la place des orateurs indiqués, où ceux qui devraient agir ont les mains désespérément liées, un tel parasite ne trouve aucune peine à mettre à exécution ses funestes desseins.

Nous l’avons accueilli à bras ouverts, espérant que ce serait un de ces épisodes à l’issue heureuse qu’il nous plairait de raconter plus tard à nos enfants. Si, un jour, nous avons la chance et le loisir de le faire, car il faut le reconnaître : les lendemains sont ternes, et aussi hypothétiques que l’apparition d’une sortie favorable.

Tous les signes sont au rouge : règles sanitaires allègrement ignorées de tous comme le sont notre constitution et nos lois de la part de ceux à qui nous avons confié nos destinées ; plateau médical bancal tout autant que notre économie chancelante à la moindre secousse subie ; crédulité incommensurable de ceux d’en haut sur la posologie des priorités malgré les lamentations grandissantes des populations ; théories fumeuses du « médecin » attitré sur l’évolution espérée heureuse de la situation pendant que ses compères rivalisent de grandiloquence sur la pertinence des mesures prises alors que la gangrène s’installe ; le médecin-chef qui ignore royalement les complaintes de ses patients, ceux dont il est justement chargé de panser les plaies et guérir les maux ; une coterie constituée de véritables chantres alimentaires qui vantent ses mérites, louent sa clairvoyance, vendent ses compétences, magnifient son empathie pour ses patients, et par-dessus tout se font un malin plaisir à s’égosiller en pollicitations non policées et qui seront rapidement retirées sur l’autel des comptes à rendre ; l’intendant qui peine à fournir de l’eau potable aux malades et élude habilement par un « ce n’est pas moi » ou dédramatise par cette promesse éculée d’un « retour incessant à la normale » ; les élèves-médecins et enseignants envoyés au front royalement ignorés pendant que ceux qui dorment sous les lambris dorés sont portés aux nues, etc.

Le salut passe avant tout par un désir ardent d’en finir, de revenir à une vie normale et décente.

Il est vrai qu’il n’existe aucun antibiotique à même de nous débarrasser définitivement de ce fléau, aucun anti-inflammatoire capable de calmer la détresse profonde qui sévit aujourd’hui dans le pays marqué entre autres par une justice qui tousse, une économie cherchant désespérément la direction à prendre comme prise de migraines, un système éducatif à l’état fiévreux sur fond de revendications sans cesse ressassées et jamais satisfaites, des forces de sécurité débordées, un système de santé immunodéficient, des infrastructures de  transport oblitérantes, des populations assoiffées, un tissu industriel dystrophique. Et par-dessus tout, un gouvernement qui s’essouffle. Quelle calamité !

Voilà le reluisant bilan de corona à l’heure du « déconfinement ».

Cela suffira, certains ont le myocarde sensible et nerveux : un petit coup d’accélérateur pourrait causer un accident.

Le lecteur averti aura vite fait une gémellité avec une réalité connue. L’esprit a cette particularité qu’il est foncièrement rebelle : on ne peut le circonscrire, encore moins lui retirer le droit de vaquer à ses occupations comme l’ont été les sénégalais pendant trois longs mois pour … rien. Car Corona est toujours là, plus fort que jamais, commandant ses troupes en alerte pour mater de l’intrépide, plus pernicieux et vicieux que nous ne pouvons l’imaginer, confortablement installé dans ses quartiers pendant que ses contempteurs cherchent en vain le moyen de s’en débarrasser.

Nous devons nous assurer une existence sûre et saine dans ce pays qui, au final, est notre seul et ultime refuge et confier nos destinées à des compatriotes désireux de nous servir et non de nous asservir.

Il aurait été plus sage, depuis plusieurs années déjà, de s’atteler à régler les vériables priorités pour une réelle émergence et un développement durable : construire des structures de santé dignes de ce nom en lieu et place d’arènes et autres infrastructures qui, la crise aidant, auront démontré toute leur inutilité dans notre quête des fondamentaux pour une vie décente ; renforcer le personnel de santé au lieu de caser de la clientèle politique dans des structures sans intérêt pour le bien-être commun ; réorienter l’économie vers les fondamentaux de la résilience en privilégiant la production agricole et industrielle locale au lieu de favoriser les importations pour les recettes douanières qu’elles peuvent nous conférer ; promouvoir la justice et la bonne gouvernance plutôt que le larbinisme et l’opportunisme et ainsi restaurer les valeurs-socle de l’Etat et la confiance des populations en ses gouvernants ; réduire le train de vie de l’Etat et orienter l’utilisation de nos maigres ressources vers des actions précurseurs de l’auto-suffisance alimentaire, l’accès à l’eau potable, à l’énergie et à l’habitat pour tous ; renforcer la sécurité pour une former société où nous pourrons vivre en harmonie les uns avec les autres ; promouvoir l’entreprenariat des jeunes indépendamment de toute obédience ethnique, politique, régionale ou religieuse.

Mais surtout, pour nos enfants, améliorer l’éducation, base de tout développement harmonieux, afin que le legs que nous leurs laisserons plus tard puisse raviver à chaque instant et vivifier continuellement leur fierté d’être … Sénégalais.

Dire que nous lui avons comme déroulé le tapis rouge, un soir de … mars. Et le voilà qui rempile.







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